Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Il y a cinq ans, la mort de Yasser Arafat... et la naissance d'une théorie du complot

Publié par La Rédaction12 novembre 2009

De quoi le leader historique de la cause palestinienne est-il mort ? En quoi les rumeurs selon lesquelles il aurait été assassiné relèvent-elles de la théorie du complot ? Quelles fonctions le récit complotiste remplit-il ? Quels sont ses arguments ? Quelle est sa généalogie ? C'est à toutes ces questions que le texte qui suit tentera de répondre.

Yasser Arafat est décédé de mort naturelle le 11 novembre 2004, à l’hôpital d’instruction des armées Percy de Clamart (Hauts-de-Seine), où il avait été admis treize jours plus tôt. Depuis lors, la rumeur selon laquelle le président de l’Autorité palestinienne aurait été « empoisonné » par Israël s’est répandue comme une traînée de poudre à travers tout le monde arabe et dans la plupart des milieux pro-palestiniens (1), malgré les démentis répétés des sources médicales françaises et des autorités israéliennes.

Sur la Toile, on trouve plusieurs textes affirmant sans ambages qu’« Ariel Sharon a ordonné l'assassinat de Yasser Arafat » (2). Habitués des délires complotistes, les sites de Thierry Meyssan (Réseau Voltaire), de Michel Chossudovsky (Mondialisation.ca) ou de Mireille Delamarre (PlaneteNonViolence.org) relayent évidemment ce genre de thèses. Mais la publication, dans le très sérieux Monde diplomatique, de deux textes (3) suggérant pesamment qu’Ariel Sharon aurait « fait liquider le raïs » n’a-t-elle pas fourni à la théorie du complot le vernis de respectabilité qui lui faisait défaut ?

Les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, une milice armée issue du Fatah et responsable d’une vingtaine d’attentats-suicides, ont été les premières à qualifier la mort d’Abou Ammar (le nom de guerre d’Arafat) d’« assassinat » (4), dès le 11 novembre 2004. Le 6 août 2009, à Bethléem, le VIème Congrès du Fatah a bouclé la boucle. Les 2 200 délégués du mouvement fondé par Arafat en 1959 ont adopté, à l’unanimité, une résolution « faisant porter à Israël, en tant que force occupante, l'entière responsabilité pour l'assassinat du martyr Yasser Arafat ».

Par ce vote, la principale composante politique de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) prend acte du consensus qui règne actuellement à Gaza ou à Ramallah au sujet de la mort du raïs. Car dans l’opinion publique palestinienne, la culpabilité de l’Etat hébreu est tenue pour un fait acquis. Le débat y porte désormais sur l’étendue des complicités sur lesquelles les « sionistes » auraient compté pour perpétrer leur ignoble forfait (5). Ainsi, trois jours après la disparition d’Arafat, Leïla Chahid – alors déléguée générale de Palestine en France – déclarait sur Europe 1 que la thèse de l’empoisonnement n’était « pas seulement une rumeur [mais] une conviction profonde, très logique » (6) pour les Palestiniens. Et Leïla Chahid d’ajouter : « Les Israéliens ont essayé de se débarrasser de Yasser Arafat depuis l’arrivée de Sharon au pouvoir ».

Tous les observateurs du conflit israélo-palestinien s’accordent sur le fait qu’Ariel Sharon (premier ministre d’Israël de 2001 à 2006) a tenté à plusieurs reprises de se débarrasser politiquement d’Arafat. Sans succès. Pendant plusieurs mois, l’état-major israélien a même examiné des plans visant à l’expulser hors des Territoires et à l’exiler à l’étranger. Toutefois, le coût symbolique d’une telle expulsion, jugé trop élevé pour l’image d’Israël, a fait systématiquement reculer Sharon. On ne pouvait se débarrasser ainsi de celui qui, depuis plus de quarante ans, incarnait littéralement la cause palestinienne.

En septembre 2004 pourtant, le Yediot Aharonot rapportait que le Premier ministre israélien ne voyait plus « aucune différence » entre le président de l’Autorité palestinienne, qu’il accusait d’encourager les attentats-suicides, et les « assassins » du Hamas ou du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) liquidés par Israël. Au cours de la Seconde Intifada, Israël n’a pas hésité en effet à engager des opérations d’« éliminations ciblées » à l’encontre de dirigeants de groupes terroristes radicaux (7). Est-ce à dire qu’Arafat aurait subi le même sort ? Sharon aurait-il annoncé ses intentions à la presse ? Peu suspects de sympathie pour Sharon, les journalistes israéliens Amos Harel et Avi Issacharoff (8) voient dans cette déclaration du général israélien une rodomontade destinée à rassurer son électorat, une manière de manifester sa détermination sur la scène politique intérieure israélienne à un moment où, en raison du plan de désengagement de Gaza (9), sa popularité à droite déclinait.

Outre que les autorités israéliennes ont toujours démenti avoir un quelconque lien avec la maladie et la mort d’Arafat – contrairement aux liquidations ciblées, parfaitement assumées –, le « mobile du crime » demeure obscur compte tenu de la marginalisation qui frappait le raïs. Affaibli physiquement et isolé politiquement, Arafat était retranché depuis deux ans dans son quartier-général de la Mouqata’a (10). L’arraisonnement du Karine A en janvier 2002 avait achevé de le discréditer aux yeux de l’Administration Bush. Quant à son pouvoir personnel, il commençait à être sérieusement écorné au sein même de l’Autorité palestinienne. C’est le sens de la phrase du journaliste israélien Uri Dan selon laquelle Sharon sera parvenu à « éliminer Arafat sans le tuer » (11).

Toutefois, les partisans de la théorie du complot lisent cette phrase comme un aveu de la culpabilité de Sharon. Selon eux, les Israéliens n’auraient eu aucun scrupule à empoisonner Arafat « puisqu’ils en ont empoisonné d’autres » (12). Ces propos renvoient tacitement à l’une des bavures les plus retentissantes de l’histoire des services secrets israéliens, la tentative d’assassinat ayant visé Khaled Mashaal en 1997 à Amman (13). Cependant, on voit mal par quelle prestidigitation un poison aurait pu être inoculé à Arafat à son insu et à l’insu de tout son entourage. A supposer même qu’un tel poison ait été injecté au président palestinien, il aurait dû être très différent de celui reçu par Mashaal, lequel était censé entraîner la mort dans un délai de quelques heures ou quelques jours au plus. Or, les toxicologues ne connaissent pas de substance qui produise ses effets mortels plusieurs semaines après avoir été administré et cela sans laisser aucune trace (14).

Dans Le Monde diplomatique, Amnon Kapeliouk soulignait qu’il était possible de « fabriquer facilement des produits toxiques non répertoriés, dont certains disparaissent après avoir fait leur effet ». Toutefois, la reconstitution des derniers jours d’Arafat, au cours desquels il avait recommencé à s’alimenter, à parler et même à se lever et à marcher avec des personnes de son entourage, contredit une telle hypothèse, ainsi que l’expliquent les journalistes du New York Times qui ont eu accès au dossier médical français d’Arafat (15).

De plus, les médecins qui l’ont soigné à l’hôpital Percy ont constaté qu’il « ne présentait pas les profonds dommages des reins et du foie auxquels ils auraient pu s’attendre en cas d’empoisonnement » (16). Interrogé par Amos Harel et Avi Isacharoff, un hématologue de l’hôpital Hadassah-Ein Karem de Jérusalem a également relevé qu’en cas d’empoisonnement, on aurait normalement dû assister à une baisse des globules blancs, ce qui n’était pas le cas. Par ailleurs, les médecins français ont prélevé de nombreux échantillons de sang, d’urine, de selles, et ont même procédé à une ponction lombaire – qui permet d’examiner les traces de substances telles que le paracétamol, les barbituriques, le cannabis, la cocaïne, les amphétamines ou encore la méthadone. Les échantillons ont été analysés par trois laboratoires distincts (17) dont aucun n’a détecté la moindre trace de poison. Ce qui a tout naturellement conduit les médecins français à estimer qu’il n’y avait aucun obstacle médico-légal à l’inhumation et à écarter sans équivoque l’hypothèse de l’empoisonnement : « L’examen toxicologique pratiqué et des consultations avec les spécialistes en différents domaines n’avalisent pas que l’empoisonnement soit cause de l’état du patient » lit-on ainsi dans le rapport médical.

Arafat est-il mort du sida ? C’est la seconde hypothèse explorée par Amos Harel et Avi Isacharoff. En effet, le rapport officiel sur la mort d'Arafat décrit des symptômes qui pourraient s'apparenter à ceux d’un malade du sida. Le professeur Gil Lugassi, président de l’Association des hématologistes d’Israël, explique ainsi qu’« une infection qui commence dans le système digestif et affecte si rapidement le système de coagulation est typique du sida ». De plus, l’un des médecins d’Arafat à Paris aurait affirmé sans détour à l’un de ses amis – un éminent médecin israélien –, qu’Arafat était séropositif. Les deux journalistes israéliens relatent par ailleurs que « beaucoup de gens proches d’Arafat pensaient qu’il avait la maladie [du sida] » (18).

Selon Amos Harel et Avi Isacharoff, « des médecins ayant consulté le rapport affirment qu’il apparaît comme trop "arrangé", trop minutieux, comme si l’on connaissait d’avance les conséquences de sa publication. Mais, plus surprenant que tout, dans ce rapport qui détaille chaque médicament, chaque examen, chaque maladie connue susceptible d’être liée à celle d’Arafat, aucun dépistage du sida n’a été effectué » (19). De la même manière, aucune des 558 pages du rapport médical français ne fait état de l’apparition de plaques rouges sur le visage d’Arafat. Pourtant, ce symptôme, qui fait penser à un sarcome de Kaposi – une tumeur apparaissant notamment chez les malades du sida –, avait été observé par tous les autres médecins et conseillers d’Arafat tant à Ramallah que lors de son hospitalisation à Clamart.

Certes, les médecins tunisiens dépêchés au chevet d’Arafat le 18 octobre ont procédé à des prises de sang. Mais les échantillons qu’ils ont prélevés « ne sont pas parvenus à leur destination » relève le rapport médical. Le Dr. Ashraf Al-Kurdi, le médecin personnel d’Arafat, affirme qu’il a interrogé les médecins tunisiens à ce sujet et qu’ils lui ont répondu que les tests étaient négatifs. Or, Al-Kurdi reconnaît qu’il n’a pas lui-même vu les résultats de dépistage du sida de ses propres yeux. De plus, il affirme qu’il a « entendu dire que les médecins de Paris ont trouvé qu’Arafat était atteint du sida ». Mais ce dernier, qui ne démord pas de la thèse de l’assassinat, prétend qu’« il s’agit d’une substance qui lui a été inoculée afin de cacher l’empoisonnement ».

Cela étant, l’hypothèse du sida est infirmée par un certain nombre d’éléments. Selon un expert du sida travaillant dans l’un des principaux établissements hospitaliers d’Israël, « la possibilité qu’Arafat ait contracté le sida est très petite » (20). Ayant pu consulter le rapport médical français, cet expert prétend en effet qu’il est « improbable qu’une maladie qui dure deux semaines, avec des diarrhées sévères, des vomissements, des dommages du système digestif, et l’ultime effondrement du système de coagulation du sang, ait été provoquée par le sida ». Par ailleurs, on voit difficilement comment le virus du sida – qui ne s’attrape ni par la salive ni par les aliments – aurait pu être injecté à Arafat, comme le laisse entendre le docteur Al-Kurdi. Enfin, pour plusieurs commentateurs, l’origine de ces soupçons doit être recherchée dans les rumeurs malveillantes relatives à l’homosexualité présumée du raïs (21).

Troisième hypothèse : l’infection bactérienne. Selon un médecin israélien qui a pris connaissance du rapport, la maladie d’Arafat relèverait d’« un cas classique d’intoxication alimentaire qui est enseigné à l’école de médecine ». Le trouble digestif apparu quatre heures après son dîner du 12 octobre 2004 aurait été causé par une bactérie présente dans son repas. On objectera que les biopsies réalisées en France et à Ramallah n’ont jamais révélées aucune trace d’agent infectieux. Or, l’infection aurait très bien pu être enrayée par des antibiotiques, raison pour laquelle les examens réalisés à Percy n’en auraient pas trouvé trace. Le professeur Lugassy explique (22) : « il se peut qu’avec un peu d’antibiotiques, le microbe infectieux ait disparu, d’où le fait qu’on n’a pas trouvé la source de l’infection, mais, du fait d’un diagnostic tardif, il n’était plus possible de soigner ce qui a entraîné la thrombopénie » (i.e. une baisse anormale des plaquettes sanguines). Cependant, selon l’enquête de la garde présidentielle palestinienne, il s’avère que de nombreuses personnes avaient mangé de la nourriture préparée pour Arafat sans tomber malade.

Un consultant américain a émis l’hypothèse qu’Arafat était atteint d’« une infection relativement courante connue sous le nom de diverticulose, laquelle se développe en poches dans le gros intestin. Une diverticulose infectée peut éclater, laissant s’échapper son contenu dans la cavité abdominale pour causer un abcès localisé ou une infection comme une péritonite » (23). D’autant qu’une diverticulose peut être difficile à détecter. Cependant, nous sommes ici encore dans le registre de la pure spéculation.

En réalité, le mystère de la mort d’Arafat a peut-être été résolu dès le 17 novembre 2004, lorsque l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné a publié un article qui, s’appuyant sur les déclarations de médecins de l’hôpital militaire Percy ayant eu accès au patient et à son dossier, affirme que le raïs est mort d'une cirrhose du foie. Mais alors, pour quelle raison aucune mention de la cirrhose n’est-elle faite dans le rapport médical français ? « Pour un public non averti, cirrhose, ça veut dire alcoolo. Et dans le contexte, ça n'était pas possible », a confié l’un des médecins de l’hôpital Percy au Canard Enchaîné. Pour certains, l’hypothèse de la cirrhose – maladie que l’imaginaire collectif associe immédiatement à l’alcoolisme – était tout bonnement sacrilège. Elle aurait pu salir l’image du leader palestinien dont les proches attestent tous qu’il ne buvait pas d’alcool. Or, une cirrhose peut aussi être provoquée par la malnutrition ou d'autres infections. On parle alors de « cirrhose mécanique ». C’est, précisément, le terme utilisé par le docteur de Percy dans Le Canard Enchaîné pour rendre compte de l’affection dont souffrait Arafat…

Les incertitudes sur les causes des affections entraînant la mort de personnes âgées n’a rien d’exceptionnel, loin s’en faut. Selon un médecin américain cité par le New York Times« on voit beaucoup de gens mourir et l’on ne peut pas toujours déterminer pour quelle raison, en particulier à l’âge de 75 ans » (24). Observateur et témoin privilégié du conflit israélo-palestinien depuis trente ans, correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin a interviewé Yasser Arafat quelques semaines avant son décès. Voici son témoignage :

« Je l'ai trouvé très affaibli par la vie qu'il était obligé de mener. Très peu d'activité physique. Il ne pouvait pas sortir de la Mouqata’a. De temps à autre il descendait les escaliers en raccompagnant un visiteur. Une peau de quelqu'un qui ne voit pas le soleil. Il s'alimentait très peu. Un régime végétarien qu'il suivait depuis des années. A son âge, un tel mode de vie était extrêmement malsain et je n'ai pas été surpris par sa soudaine maladie » (25).

Rappelons, en outre, que les antécédents médicaux d’Arafat étaient pour le moins préoccupants : un vitiligo, une affection cutanée, un ulcère à l’estomac depuis octobre 2003, des calculs dans la vésicule biliaire… Depuis environ dix ans, il était atteint d’un tremblement général faisant penser à la maladie de Parkinson. En 1992, quelques semaines après un accident d’avion auquel il avait réchappé miraculeusement, Arafat avait même dû être hospitalisé d’urgence à Amman pour une hémorragie cérébrale. Il souffrait également d’amnésie partielle au point d’oublier, un jour, comment s’appelait sa propre fille. En définitive, « le scénario le plus probable est que les causes du décès sont multiples » comme l’écrit Le Canard Enchaîné : un âge avancé, un état de santé général dégradé associé à une cirrhose et/ou à une infection que des antibiotiques – pris tardivement (26) – auraient rendu indécelable.

Malgré les éléments qui la contredisent, la théorie du complot sur la mort d’Arafat continue de prospérer. Quelles sont les raisons de ce succès ?

Tout d’abord, il est assez fréquent que la disparition d’une personnalité marquante de la vie politique internationale génère des rumeurs d’assassinat parmi ses partisans et les amateurs de mystères historiques. Ainsi, pendant près de deux siècles, des historiens ont défendu la thèse de l’empoisonnement de Napoléon par les Anglais. Persuadé que Simon Bolívar n'a pas succombé à une tuberculose, le président vénézuélien Hugo Chávez est allé jusqu’à créer une commission d'enquête officielle chargée de « rétablir la vérité historique » sur les circonstances de cette mort, en 1830. En Autriche, des nostalgiques du leader d’extrême droite Jörg Haider, qui s’est tué accidentellement l’année dernière sur une route de Carinthie, croient fermement que le Mossad y est pour quelque chose. C’est dire que les exemples ne manquent pas d’instrumentalisation de l’histoire à des fins politiques.

Il convient ensuite de rappeler un élément de contexte : depuis deux ans, Mahmoud Abbas et son entourage sont suspectés d’avoir planifié l’assassinat d’Arafat. C’est la très impopulaire Souha Arafat qui est à l’origine des soupçons pesant sur Abbas. Le 7 novembre 2004, alors que son époux est plongé dans un coma irréversible, elle intervient en direct par téléphone sur la chaîne qatarie Al-Jazeera pour lire une déclaration stupéfiante :

« Ceci est un appel au peuple palestinien. Une bande de comploteurs veut enterrer Abou Ammar de son vivant… Mais il est en bonne santé et il reviendra. Je ne permettrai pas cela. Nous poursuivrons jusqu’à la victoire ! Allah wakbar, Allah wakbar ! ».

Le 14 novembre 2004, Farouk Kaddoumi (27) déclarait sur la chaîne de télévision Al-Arabiya qu’Abou Ammar avait été « empoisonné » par les Israéliens. Il est monté d’un cran sur Al-Jazeera le 14 juillet dernier : à trois semaines du Congrès du Fatah, ce vieux cacique de l’OLP a accusé le président Abbas et Mohammed Dahlan d'avoir « conspiré avec les autorités israéliennes pour assassiner Arafat », assurant être en possession des minutes d’une rencontre secrète au cours de laquelle Ariel Sharon aurait déclaré que « la première étape devrait être de tuer Arafat en l’empoisonnant » (28). Kaddoumi ne faisait alors que reprendre à son compte une accusation déjà proférée par le Hamas : en juin 2007, après avoir pris le contrôle de la Bande de Gaza, le mouvement islamiste avait prétendu s’être emparé de documents confidentiels abandonnés par les services de renseignements de l’Autorité palestinienne et affirmait détenir « les preuves de l’implication de Mohammed Dahlan, [ancien] chef de la Sécurité préventive à Gaza, dans l’assassinat de l’ex-président de l’Autorité, Yasser Arafat ». L’anecdote ne manque pas d’ironie : Mohammed Dahlan fut en effet l’un des premiers à imputer la mort d’Arafat aux Israéliens. Histoire éternelle de l’arroseur arrosé…

L’actuelle direction palestinienne a choisi de surenchérir dans la diabolisation de l’occupant israélien pour faire taire les rumeurs de connivence récemment ravivées par Farouk Kaddoumi et le Hamas. Charger Israël permet de refaire l’unité d’un mouvement à la fois marqué par ses dissensions internes et très critiqué pour la corruption proverbiale de ses cadres. La thèse de l’assassinat d’Arafat par Israël s’inscrit, en outre, dans l’une des légendes les plus éculées de l’antisémitisme, celle du « juif empoisonneur » (29). Mais surtout, la théorie du complot permet de détourner l’attention du public des soupçons embarrassants de sida ou de cirrhose du foie, maladies considérées comme « honteuses » et qui pourraient nuire à l’image du père de la nation palestinienne. Enfin, la version conspirationniste remplit une très utile fonction symbolique. Enrichissant le martyrologe palestinien d’un mythe tragique, à la hauteur du roman national, elle donne à Arafat la seule mort qui convient à un personnage historique de son envergure : celle, héroïque, d’un combattant tombé au champ d’honneur plutôt que celle, prosaïque, d’un vieillard succombant à une banale infection alimentaire.

Notes :
(1) En septembre 2005, le militant israélien d’extrême gauche Uri Avnery a publié un article dans lequel il confiait : « Dès le premier moment, j’étais sûr qu’Arafat avait été empoisonné » (cf. « Qui a tué Arafat ? », 11 septembre 2005, traduction française : Association France-Palestine Solidarité).
(2) Stephen Lendman, « Des preuves indiquent qu'Ariel Sharon a ordonné l'assassinat de Yasser Arafat », Mondialisation.ca, 6 juillet 2007, traduit en français par Mireille Delamarre (PlaneteNonViolence.org). Publié précédemment le 3 janvier 2007 sous le titre “ Evidence Indicates that Ariel Sharon Ordered the Assassination of Yasser Arafat ” sur le site anglophone de Michel Chossudovsky, GlobalResearch.ca. Voir aussi Michel Chossudovsky, « L'invasion de Gaza : L'opération ‘‘Plomb durci’’ fait partie d'une vaste opération des renseignements militaires israéliens », Mondialisation.ca, 27 janvier 2009, où l’on peut lire que « l’assassinat d’Arafat a été mené par les services secrets israéliens ». Sur son site, le Réseau Voltaire fait la promotion d’un livre d’Isabel Pisano, une journaliste espagnole se présentant comme l’ancienne maîtresse d’Arafat. L’auteure assure qu’Arafat a été assassiné par les Israéliens avec la complicité de son entourage. Préfacé par Tariq Ramadan, ce livre est publié chez Demi-Lune, une maison d’édition spécialisée notamment dans les livres conspirationnistes sur le 11-Septembre : elle publie des auteurs comme Thierry Meyssan, David Ray Griffin, Webster G. Tarpley, etc.
(3) En novembre 2005, Amnon Kapeliouk a publié dans Le Monde diplomatique un article intitulé « Arafat a-t-il été assassiné ? », ainsi qu’une apostille parue dans l’édition du mois de janvier 2007. Amnon Kapeliouk (1930-2009) était un journaliste israélien qui militait en faveur de la cause palestinienne. Auteur d’un livre controversé sur les massacres de Sabra et Chatila (cf. Sabra et Chatila. Enquête sur un massacre, Le Seuil, 1982), ami intime et biographe de Yasser Arafat (cf. Arafat l’irréductible, Fayard, 2004), il était convaincu qu’Ariel Sharon « testait sur Arafat un poison d’un nouveau type », ainsi que le rapporte Ignacio Ramonet (cf. « L’ami israélien », Le Monde diplomatique, août 2009).
(4) Craig S. Smith, “ Arafat's Death Remains a Mystery, Nephew Says After Seeing Records ”, The New York Times, 23 novembre 2004.
(5) Comme exemple d’affabulation autour du complot « américano-sioniste », on peut citer les propos d’une Palestinienne, Umm Nasser, se présentant comme l’ancienne « chef de cabinet » d’Arafat. Le 26 janvier 2009, celle-ci déclarait sur la chaîne égyptienne Mihwar TV que c’est George W. Bush qui « a donné le feu vert » à Ariel Sharon pour assassiner Arafat « au moyen d’un virus qui se transmet par contact physique », car il était notoire qu’Arafat « avait l'habitude d’embrasser tout le monde » (source : MEMRI).
(6) Dépêche AFP du 14 novembre 2004.
(7) En avril 2004, soit six mois à peine avant le décès d’Arafat, le leader du Hamas, Abdel Aziz Al-Rantissi, a ainsi été éliminé par un tir de roquettes.
(8) Amos Harel (Ha'aretz) et Avi Isacharoff (Kol Israël) sont les seuls journalistes, avec Steven Erlanger et Lawrence K. Altman, du New York Times, à avoir pu consulter le dossier médical d’Arafat établi par les médecins de l’hôpital militaire Percy. Ils ont consacré à ce sujet vingt-trois pages de leur livre, La Septième guerre d’Israël. Comment nous avons gagné la guerre contre les Palestiniens et pourquoi nous l'avons perdue (éditions de l’Eclat/Hachette Littératures, 2005). C’est le texte le plus complet disponible en français sur les circonstances de la mort d’Arafat. Merci à Avi Isacharoff et Steven Erlanger d'avoir répondu à nos questions.
(9) En mai 2003, Ariel Sharon déclare aux membres de son parti, le Likoud : « Il est important de parvenir à un accord politique. L'idée que l’on puisse maintenir sous occupation trois millions et demi de Palestiniens est la pire chose pour Israël, pour les Palestiniens et pour l'économie israélienne. Peut-être n'aimez-vous pas ce mot mais il s'agit bien d'une occupation. Le contrôle d'Israël sur les Palestiniens ne peut pas continuer sans fin. Vous voulez vraiment rester éternellement à Jénine, Naplouse, Ramallah et Bethléem ? Cela n'est pas bien ».
(10) Le gouvernement israélien refusant de s’engager à lui permettre de retourner à Ramallah, Arafat ne souhaitait pas quitter son QG de la Mouqata’a.
(11) Amnon Kapeliouk a choisi de lire cette phrase comme un aveu de la responsabilité de Sharon dans la mort d’Arafat. En tout état de cause, il n’est plus possible de recueillir le témoignage d’Uri Dan, celui-ci étant décédé peu après la publication de son livre (Ariel Sharon. Entretiens intimes avec Uri Dan, Michel Lafon, 2006).
(12) Leïla Chahid, dépêche AFP du 14 novembre 2004.
(13) Dans Le rêve brisé (Fayard, 2002, pp. 86-88), Charles Enderlin résume ainsi l’épisode : « Le 25 septembre 1997, (…) dans une rue d’Amman, deux agents du Mossad injectent un poison mortel à Khaled Mashaal, un membre du bureau politique du Hamas que les services israéliens soupçonnent d’être responsable du commando Ezzedine el-Qassam, la branche armée du mouvement. L’opération est mal préparée. Un garde du corps du leader islamiste parvient à suivre les assaillants qui courent retrouver le reste de leur équipe quelques centaines de mètres plus loin. Il alerte des policiers. Les Israéliens sont appréhendés ». Le roi Hussein exigera du Premier ministre Benjamin Netanyahou qu’il fournisse l’antidote sans délai sous peine de grave détérioration des relations israélo-jordaniennes. Netanyahou s’exécutera et fera libérer 73 prisonniers palestiniens et jordaniens ainsi que le cheikh Ahmed Yassine, le fondateur du Hamas, en échange des deux agents du Mossad arrêtés par les Jordaniens.
(14) Arafat est décédé presqu’un mois après qu’une détérioration significative de son état de santé ait été observée.
(15) Steven Erlanger & Lawrence K. Altman, “ Medical Records Say Arafat Died From a Stroke ”, The New York Times, 8 septembre 2005.
(16) Ibid.
(17) Il s’agit du Département de toxicologie de la division criminalistique « physique & chimie » de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) ; du Département de biochimie clinique, toxicologie et pharmacologie de l’HIA Percy de Clamart ; et du Laboratoire de contrôle radiotoxicologique du Service de protection radiologique des armées (SPRA).
(18) Amos Harel & Avi Isaacharoff, “ Arafat-Israel murder conspiracy is back from the dead ”, Haaretz, 7 août 2009.
(19) Amos Harel & Avi Isacharoff, La Septième guerre d’Israël, op. cit.
(20) Amos Harel, “ Experts: Yasser Arafat died of AIDS or poisoning ”, Haaretz, 8 septembre 2005.
(21) Le lieutenant-général Ion Mihai Pacepa, directeur de la Securitate (les services secrets roumains) sous Ceausescu, soutient, dans un livre de mémoires publié en 1987 sous le titre Red Horizons: Chronicles of a Communist Spy Chief, qu'Arafat entretenait des relations homosexuelles avec ses gardes du corps.
(22) Amos Harel & Avi Isacharoff, La Septième guerre d’Israël, op. cit.
(23) Steven Erlanger & Lawrence K. Altman, art. cit.
(24) Ibid.
(25) Propos recueillis par échanges de courriers électroniques au mois d’août 2009.
(26) Selon le rapport médical français, Arafat n’a reçu aucun antibiotique avant le 27 octobre, soit quinze jours après qu’il était tombé malade (cf. Steven Erlanger & Lawrence K. Altman, art. cit.).
(27) Chef du département politique de l'OLP depuis 1973, Kaddoumi vit en exil à Tunis depuis le début des années 1980. Il n'est jamais rentré dans les territoires palestiniens en raison de son hostilité aux accords d'Oslo de 1993.
(28) “ Farouq Qaddoumi: "President Abbas Killed Yassir Arafat" ”, The Media Line Staff, 14 juillet 2009.
(29) « L’hypothèse de l’empoisonnement, note Emmanuel Taïeb, joue sur une fibre bien connue en Occident, et partagée également avec l’Orient, celle des Juifs et/ou des Israéliens comme comploteurs, auteurs de crimes rituels, empoisonneurs d’eau, vecteurs de maladie. L’historien Franck Collard pose d’ailleurs que les accusations d’empoisonnement lancées contre Israël se rattachent à la tradition musulmane, selon laquelle Mahomet aurait échappé à une tentative d’empoisonnement au cours d’un repas préparé par une femme juive, lors d’une halte à Khaybar. Réactualisées pour Arafat, les accusations d’intoxication criminelle servent symboliquement à "élever le raïs au rang de l’envoyé de Dieu" et à en faire un martyr. (…) La thèse de l’empoisonnement est surtout grosse d’une théorie antisémite du complot, où les juifs israéliens sont essentialisés dans leur aptitude à reproduire le geste inaugural de l’empoisonnement de Mahomet » (cf. Emmanuel Taïeb, « La "rumeur" des journalistes », Diogène, PUF, n° 213, 2006/1, pp. 133-152). Voir aussi : Tristan Mendès France, « Un vieux mythe antisémite », Le Monde, 26 novembre 2004 ; Raphael Israeli, “ Poison : The Use of Blood Libel in the War Against Israel ”, Jerusalem Letter, Jerusalem Center for Public Affairs, n° 476, 15 avril 2002 ; du même auteur, Poison: Modern Manifestations of a Blood Libel, Lanham, MD, Lexington Books, 2002 ; Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes, Odile Jacob, 2008, pp. 262-308.

Pour aller plus loin :

  • Franck Collard, « Arafat, Mahomet et le poison », L’Histoire, n° 295, février 2005, p. 21.
  • Emmanuel Taïeb, « Rumeurs politiques et régime médiatique : la mort d’Arafat », Quaderni, n° 58, automne 2005.
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De quoi le leader historique de la cause palestinienne est-il mort ? En quoi les rumeurs selon lesquelles il aurait été assassiné relèvent-elles de la théorie du complot ? Quelles fonctions le récit complotiste remplit-il ? Quels sont ses arguments ? Quelle est sa généalogie ? C'est à toutes ces questions que le texte qui suit tentera de répondre.

Yasser Arafat est décédé de mort naturelle le 11 novembre 2004, à l’hôpital d’instruction des armées Percy de Clamart (Hauts-de-Seine), où il avait été admis treize jours plus tôt. Depuis lors, la rumeur selon laquelle le président de l’Autorité palestinienne aurait été « empoisonné » par Israël s’est répandue comme une traînée de poudre à travers tout le monde arabe et dans la plupart des milieux pro-palestiniens (1), malgré les démentis répétés des sources médicales françaises et des autorités israéliennes.

Sur la Toile, on trouve plusieurs textes affirmant sans ambages qu’« Ariel Sharon a ordonné l'assassinat de Yasser Arafat » (2). Habitués des délires complotistes, les sites de Thierry Meyssan (Réseau Voltaire), de Michel Chossudovsky (Mondialisation.ca) ou de Mireille Delamarre (PlaneteNonViolence.org) relayent évidemment ce genre de thèses. Mais la publication, dans le très sérieux Monde diplomatique, de deux textes (3) suggérant pesamment qu’Ariel Sharon aurait « fait liquider le raïs » n’a-t-elle pas fourni à la théorie du complot le vernis de respectabilité qui lui faisait défaut ?

Les Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, une milice armée issue du Fatah et responsable d’une vingtaine d’attentats-suicides, ont été les premières à qualifier la mort d’Abou Ammar (le nom de guerre d’Arafat) d’« assassinat » (4), dès le 11 novembre 2004. Le 6 août 2009, à Bethléem, le VIème Congrès du Fatah a bouclé la boucle. Les 2 200 délégués du mouvement fondé par Arafat en 1959 ont adopté, à l’unanimité, une résolution « faisant porter à Israël, en tant que force occupante, l'entière responsabilité pour l'assassinat du martyr Yasser Arafat ».

Par ce vote, la principale composante politique de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) prend acte du consensus qui règne actuellement à Gaza ou à Ramallah au sujet de la mort du raïs. Car dans l’opinion publique palestinienne, la culpabilité de l’Etat hébreu est tenue pour un fait acquis. Le débat y porte désormais sur l’étendue des complicités sur lesquelles les « sionistes » auraient compté pour perpétrer leur ignoble forfait (5). Ainsi, trois jours après la disparition d’Arafat, Leïla Chahid – alors déléguée générale de Palestine en France – déclarait sur Europe 1 que la thèse de l’empoisonnement n’était « pas seulement une rumeur [mais] une conviction profonde, très logique » (6) pour les Palestiniens. Et Leïla Chahid d’ajouter : « Les Israéliens ont essayé de se débarrasser de Yasser Arafat depuis l’arrivée de Sharon au pouvoir ».

Tous les observateurs du conflit israélo-palestinien s’accordent sur le fait qu’Ariel Sharon (premier ministre d’Israël de 2001 à 2006) a tenté à plusieurs reprises de se débarrasser politiquement d’Arafat. Sans succès. Pendant plusieurs mois, l’état-major israélien a même examiné des plans visant à l’expulser hors des Territoires et à l’exiler à l’étranger. Toutefois, le coût symbolique d’une telle expulsion, jugé trop élevé pour l’image d’Israël, a fait systématiquement reculer Sharon. On ne pouvait se débarrasser ainsi de celui qui, depuis plus de quarante ans, incarnait littéralement la cause palestinienne.

En septembre 2004 pourtant, le Yediot Aharonot rapportait que le Premier ministre israélien ne voyait plus « aucune différence » entre le président de l’Autorité palestinienne, qu’il accusait d’encourager les attentats-suicides, et les « assassins » du Hamas ou du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) liquidés par Israël. Au cours de la Seconde Intifada, Israël n’a pas hésité en effet à engager des opérations d’« éliminations ciblées » à l’encontre de dirigeants de groupes terroristes radicaux (7). Est-ce à dire qu’Arafat aurait subi le même sort ? Sharon aurait-il annoncé ses intentions à la presse ? Peu suspects de sympathie pour Sharon, les journalistes israéliens Amos Harel et Avi Issacharoff (8) voient dans cette déclaration du général israélien une rodomontade destinée à rassurer son électorat, une manière de manifester sa détermination sur la scène politique intérieure israélienne à un moment où, en raison du plan de désengagement de Gaza (9), sa popularité à droite déclinait.

Outre que les autorités israéliennes ont toujours démenti avoir un quelconque lien avec la maladie et la mort d’Arafat – contrairement aux liquidations ciblées, parfaitement assumées –, le « mobile du crime » demeure obscur compte tenu de la marginalisation qui frappait le raïs. Affaibli physiquement et isolé politiquement, Arafat était retranché depuis deux ans dans son quartier-général de la Mouqata’a (10). L’arraisonnement du Karine A en janvier 2002 avait achevé de le discréditer aux yeux de l’Administration Bush. Quant à son pouvoir personnel, il commençait à être sérieusement écorné au sein même de l’Autorité palestinienne. C’est le sens de la phrase du journaliste israélien Uri Dan selon laquelle Sharon sera parvenu à « éliminer Arafat sans le tuer » (11).

Toutefois, les partisans de la théorie du complot lisent cette phrase comme un aveu de la culpabilité de Sharon. Selon eux, les Israéliens n’auraient eu aucun scrupule à empoisonner Arafat « puisqu’ils en ont empoisonné d’autres » (12). Ces propos renvoient tacitement à l’une des bavures les plus retentissantes de l’histoire des services secrets israéliens, la tentative d’assassinat ayant visé Khaled Mashaal en 1997 à Amman (13). Cependant, on voit mal par quelle prestidigitation un poison aurait pu être inoculé à Arafat à son insu et à l’insu de tout son entourage. A supposer même qu’un tel poison ait été injecté au président palestinien, il aurait dû être très différent de celui reçu par Mashaal, lequel était censé entraîner la mort dans un délai de quelques heures ou quelques jours au plus. Or, les toxicologues ne connaissent pas de substance qui produise ses effets mortels plusieurs semaines après avoir été administré et cela sans laisser aucune trace (14).

Dans Le Monde diplomatique, Amnon Kapeliouk soulignait qu’il était possible de « fabriquer facilement des produits toxiques non répertoriés, dont certains disparaissent après avoir fait leur effet ». Toutefois, la reconstitution des derniers jours d’Arafat, au cours desquels il avait recommencé à s’alimenter, à parler et même à se lever et à marcher avec des personnes de son entourage, contredit une telle hypothèse, ainsi que l’expliquent les journalistes du New York Times qui ont eu accès au dossier médical français d’Arafat (15).

De plus, les médecins qui l’ont soigné à l’hôpital Percy ont constaté qu’il « ne présentait pas les profonds dommages des reins et du foie auxquels ils auraient pu s’attendre en cas d’empoisonnement » (16). Interrogé par Amos Harel et Avi Isacharoff, un hématologue de l’hôpital Hadassah-Ein Karem de Jérusalem a également relevé qu’en cas d’empoisonnement, on aurait normalement dû assister à une baisse des globules blancs, ce qui n’était pas le cas. Par ailleurs, les médecins français ont prélevé de nombreux échantillons de sang, d’urine, de selles, et ont même procédé à une ponction lombaire – qui permet d’examiner les traces de substances telles que le paracétamol, les barbituriques, le cannabis, la cocaïne, les amphétamines ou encore la méthadone. Les échantillons ont été analysés par trois laboratoires distincts (17) dont aucun n’a détecté la moindre trace de poison. Ce qui a tout naturellement conduit les médecins français à estimer qu’il n’y avait aucun obstacle médico-légal à l’inhumation et à écarter sans équivoque l’hypothèse de l’empoisonnement : « L’examen toxicologique pratiqué et des consultations avec les spécialistes en différents domaines n’avalisent pas que l’empoisonnement soit cause de l’état du patient » lit-on ainsi dans le rapport médical.

Arafat est-il mort du sida ? C’est la seconde hypothèse explorée par Amos Harel et Avi Isacharoff. En effet, le rapport officiel sur la mort d'Arafat décrit des symptômes qui pourraient s'apparenter à ceux d’un malade du sida. Le professeur Gil Lugassi, président de l’Association des hématologistes d’Israël, explique ainsi qu’« une infection qui commence dans le système digestif et affecte si rapidement le système de coagulation est typique du sida ». De plus, l’un des médecins d’Arafat à Paris aurait affirmé sans détour à l’un de ses amis – un éminent médecin israélien –, qu’Arafat était séropositif. Les deux journalistes israéliens relatent par ailleurs que « beaucoup de gens proches d’Arafat pensaient qu’il avait la maladie [du sida] » (18).

Selon Amos Harel et Avi Isacharoff, « des médecins ayant consulté le rapport affirment qu’il apparaît comme trop "arrangé", trop minutieux, comme si l’on connaissait d’avance les conséquences de sa publication. Mais, plus surprenant que tout, dans ce rapport qui détaille chaque médicament, chaque examen, chaque maladie connue susceptible d’être liée à celle d’Arafat, aucun dépistage du sida n’a été effectué » (19). De la même manière, aucune des 558 pages du rapport médical français ne fait état de l’apparition de plaques rouges sur le visage d’Arafat. Pourtant, ce symptôme, qui fait penser à un sarcome de Kaposi – une tumeur apparaissant notamment chez les malades du sida –, avait été observé par tous les autres médecins et conseillers d’Arafat tant à Ramallah que lors de son hospitalisation à Clamart.

Certes, les médecins tunisiens dépêchés au chevet d’Arafat le 18 octobre ont procédé à des prises de sang. Mais les échantillons qu’ils ont prélevés « ne sont pas parvenus à leur destination » relève le rapport médical. Le Dr. Ashraf Al-Kurdi, le médecin personnel d’Arafat, affirme qu’il a interrogé les médecins tunisiens à ce sujet et qu’ils lui ont répondu que les tests étaient négatifs. Or, Al-Kurdi reconnaît qu’il n’a pas lui-même vu les résultats de dépistage du sida de ses propres yeux. De plus, il affirme qu’il a « entendu dire que les médecins de Paris ont trouvé qu’Arafat était atteint du sida ». Mais ce dernier, qui ne démord pas de la thèse de l’assassinat, prétend qu’« il s’agit d’une substance qui lui a été inoculée afin de cacher l’empoisonnement ».

Cela étant, l’hypothèse du sida est infirmée par un certain nombre d’éléments. Selon un expert du sida travaillant dans l’un des principaux établissements hospitaliers d’Israël, « la possibilité qu’Arafat ait contracté le sida est très petite » (20). Ayant pu consulter le rapport médical français, cet expert prétend en effet qu’il est « improbable qu’une maladie qui dure deux semaines, avec des diarrhées sévères, des vomissements, des dommages du système digestif, et l’ultime effondrement du système de coagulation du sang, ait été provoquée par le sida ». Par ailleurs, on voit difficilement comment le virus du sida – qui ne s’attrape ni par la salive ni par les aliments – aurait pu être injecté à Arafat, comme le laisse entendre le docteur Al-Kurdi. Enfin, pour plusieurs commentateurs, l’origine de ces soupçons doit être recherchée dans les rumeurs malveillantes relatives à l’homosexualité présumée du raïs (21).

Troisième hypothèse : l’infection bactérienne. Selon un médecin israélien qui a pris connaissance du rapport, la maladie d’Arafat relèverait d’« un cas classique d’intoxication alimentaire qui est enseigné à l’école de médecine ». Le trouble digestif apparu quatre heures après son dîner du 12 octobre 2004 aurait été causé par une bactérie présente dans son repas. On objectera que les biopsies réalisées en France et à Ramallah n’ont jamais révélées aucune trace d’agent infectieux. Or, l’infection aurait très bien pu être enrayée par des antibiotiques, raison pour laquelle les examens réalisés à Percy n’en auraient pas trouvé trace. Le professeur Lugassy explique (22) : « il se peut qu’avec un peu d’antibiotiques, le microbe infectieux ait disparu, d’où le fait qu’on n’a pas trouvé la source de l’infection, mais, du fait d’un diagnostic tardif, il n’était plus possible de soigner ce qui a entraîné la thrombopénie » (i.e. une baisse anormale des plaquettes sanguines). Cependant, selon l’enquête de la garde présidentielle palestinienne, il s’avère que de nombreuses personnes avaient mangé de la nourriture préparée pour Arafat sans tomber malade.

Un consultant américain a émis l’hypothèse qu’Arafat était atteint d’« une infection relativement courante connue sous le nom de diverticulose, laquelle se développe en poches dans le gros intestin. Une diverticulose infectée peut éclater, laissant s’échapper son contenu dans la cavité abdominale pour causer un abcès localisé ou une infection comme une péritonite » (23). D’autant qu’une diverticulose peut être difficile à détecter. Cependant, nous sommes ici encore dans le registre de la pure spéculation.

En réalité, le mystère de la mort d’Arafat a peut-être été résolu dès le 17 novembre 2004, lorsque l’hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné a publié un article qui, s’appuyant sur les déclarations de médecins de l’hôpital militaire Percy ayant eu accès au patient et à son dossier, affirme que le raïs est mort d'une cirrhose du foie. Mais alors, pour quelle raison aucune mention de la cirrhose n’est-elle faite dans le rapport médical français ? « Pour un public non averti, cirrhose, ça veut dire alcoolo. Et dans le contexte, ça n'était pas possible », a confié l’un des médecins de l’hôpital Percy au Canard Enchaîné. Pour certains, l’hypothèse de la cirrhose – maladie que l’imaginaire collectif associe immédiatement à l’alcoolisme – était tout bonnement sacrilège. Elle aurait pu salir l’image du leader palestinien dont les proches attestent tous qu’il ne buvait pas d’alcool. Or, une cirrhose peut aussi être provoquée par la malnutrition ou d'autres infections. On parle alors de « cirrhose mécanique ». C’est, précisément, le terme utilisé par le docteur de Percy dans Le Canard Enchaîné pour rendre compte de l’affection dont souffrait Arafat…

Les incertitudes sur les causes des affections entraînant la mort de personnes âgées n’a rien d’exceptionnel, loin s’en faut. Selon un médecin américain cité par le New York Times« on voit beaucoup de gens mourir et l’on ne peut pas toujours déterminer pour quelle raison, en particulier à l’âge de 75 ans » (24). Observateur et témoin privilégié du conflit israélo-palestinien depuis trente ans, correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin a interviewé Yasser Arafat quelques semaines avant son décès. Voici son témoignage :

« Je l'ai trouvé très affaibli par la vie qu'il était obligé de mener. Très peu d'activité physique. Il ne pouvait pas sortir de la Mouqata’a. De temps à autre il descendait les escaliers en raccompagnant un visiteur. Une peau de quelqu'un qui ne voit pas le soleil. Il s'alimentait très peu. Un régime végétarien qu'il suivait depuis des années. A son âge, un tel mode de vie était extrêmement malsain et je n'ai pas été surpris par sa soudaine maladie » (25).

Rappelons, en outre, que les antécédents médicaux d’Arafat étaient pour le moins préoccupants : un vitiligo, une affection cutanée, un ulcère à l’estomac depuis octobre 2003, des calculs dans la vésicule biliaire… Depuis environ dix ans, il était atteint d’un tremblement général faisant penser à la maladie de Parkinson. En 1992, quelques semaines après un accident d’avion auquel il avait réchappé miraculeusement, Arafat avait même dû être hospitalisé d’urgence à Amman pour une hémorragie cérébrale. Il souffrait également d’amnésie partielle au point d’oublier, un jour, comment s’appelait sa propre fille. En définitive, « le scénario le plus probable est que les causes du décès sont multiples » comme l’écrit Le Canard Enchaîné : un âge avancé, un état de santé général dégradé associé à une cirrhose et/ou à une infection que des antibiotiques – pris tardivement (26) – auraient rendu indécelable.

Malgré les éléments qui la contredisent, la théorie du complot sur la mort d’Arafat continue de prospérer. Quelles sont les raisons de ce succès ?

Tout d’abord, il est assez fréquent que la disparition d’une personnalité marquante de la vie politique internationale génère des rumeurs d’assassinat parmi ses partisans et les amateurs de mystères historiques. Ainsi, pendant près de deux siècles, des historiens ont défendu la thèse de l’empoisonnement de Napoléon par les Anglais. Persuadé que Simon Bolívar n'a pas succombé à une tuberculose, le président vénézuélien Hugo Chávez est allé jusqu’à créer une commission d'enquête officielle chargée de « rétablir la vérité historique » sur les circonstances de cette mort, en 1830. En Autriche, des nostalgiques du leader d’extrême droite Jörg Haider, qui s’est tué accidentellement l’année dernière sur une route de Carinthie, croient fermement que le Mossad y est pour quelque chose. C’est dire que les exemples ne manquent pas d’instrumentalisation de l’histoire à des fins politiques.

Il convient ensuite de rappeler un élément de contexte : depuis deux ans, Mahmoud Abbas et son entourage sont suspectés d’avoir planifié l’assassinat d’Arafat. C’est la très impopulaire Souha Arafat qui est à l’origine des soupçons pesant sur Abbas. Le 7 novembre 2004, alors que son époux est plongé dans un coma irréversible, elle intervient en direct par téléphone sur la chaîne qatarie Al-Jazeera pour lire une déclaration stupéfiante :

« Ceci est un appel au peuple palestinien. Une bande de comploteurs veut enterrer Abou Ammar de son vivant… Mais il est en bonne santé et il reviendra. Je ne permettrai pas cela. Nous poursuivrons jusqu’à la victoire ! Allah wakbar, Allah wakbar ! ».

Le 14 novembre 2004, Farouk Kaddoumi (27) déclarait sur la chaîne de télévision Al-Arabiya qu’Abou Ammar avait été « empoisonné » par les Israéliens. Il est monté d’un cran sur Al-Jazeera le 14 juillet dernier : à trois semaines du Congrès du Fatah, ce vieux cacique de l’OLP a accusé le président Abbas et Mohammed Dahlan d'avoir « conspiré avec les autorités israéliennes pour assassiner Arafat », assurant être en possession des minutes d’une rencontre secrète au cours de laquelle Ariel Sharon aurait déclaré que « la première étape devrait être de tuer Arafat en l’empoisonnant » (28). Kaddoumi ne faisait alors que reprendre à son compte une accusation déjà proférée par le Hamas : en juin 2007, après avoir pris le contrôle de la Bande de Gaza, le mouvement islamiste avait prétendu s’être emparé de documents confidentiels abandonnés par les services de renseignements de l’Autorité palestinienne et affirmait détenir « les preuves de l’implication de Mohammed Dahlan, [ancien] chef de la Sécurité préventive à Gaza, dans l’assassinat de l’ex-président de l’Autorité, Yasser Arafat ». L’anecdote ne manque pas d’ironie : Mohammed Dahlan fut en effet l’un des premiers à imputer la mort d’Arafat aux Israéliens. Histoire éternelle de l’arroseur arrosé…

L’actuelle direction palestinienne a choisi de surenchérir dans la diabolisation de l’occupant israélien pour faire taire les rumeurs de connivence récemment ravivées par Farouk Kaddoumi et le Hamas. Charger Israël permet de refaire l’unité d’un mouvement à la fois marqué par ses dissensions internes et très critiqué pour la corruption proverbiale de ses cadres. La thèse de l’assassinat d’Arafat par Israël s’inscrit, en outre, dans l’une des légendes les plus éculées de l’antisémitisme, celle du « juif empoisonneur » (29). Mais surtout, la théorie du complot permet de détourner l’attention du public des soupçons embarrassants de sida ou de cirrhose du foie, maladies considérées comme « honteuses » et qui pourraient nuire à l’image du père de la nation palestinienne. Enfin, la version conspirationniste remplit une très utile fonction symbolique. Enrichissant le martyrologe palestinien d’un mythe tragique, à la hauteur du roman national, elle donne à Arafat la seule mort qui convient à un personnage historique de son envergure : celle, héroïque, d’un combattant tombé au champ d’honneur plutôt que celle, prosaïque, d’un vieillard succombant à une banale infection alimentaire.

Notes :
(1) En septembre 2005, le militant israélien d’extrême gauche Uri Avnery a publié un article dans lequel il confiait : « Dès le premier moment, j’étais sûr qu’Arafat avait été empoisonné » (cf. « Qui a tué Arafat ? », 11 septembre 2005, traduction française : Association France-Palestine Solidarité).
(2) Stephen Lendman, « Des preuves indiquent qu'Ariel Sharon a ordonné l'assassinat de Yasser Arafat », Mondialisation.ca, 6 juillet 2007, traduit en français par Mireille Delamarre (PlaneteNonViolence.org). Publié précédemment le 3 janvier 2007 sous le titre “ Evidence Indicates that Ariel Sharon Ordered the Assassination of Yasser Arafat ” sur le site anglophone de Michel Chossudovsky, GlobalResearch.ca. Voir aussi Michel Chossudovsky, « L'invasion de Gaza : L'opération ‘‘Plomb durci’’ fait partie d'une vaste opération des renseignements militaires israéliens », Mondialisation.ca, 27 janvier 2009, où l’on peut lire que « l’assassinat d’Arafat a été mené par les services secrets israéliens ». Sur son site, le Réseau Voltaire fait la promotion d’un livre d’Isabel Pisano, une journaliste espagnole se présentant comme l’ancienne maîtresse d’Arafat. L’auteure assure qu’Arafat a été assassiné par les Israéliens avec la complicité de son entourage. Préfacé par Tariq Ramadan, ce livre est publié chez Demi-Lune, une maison d’édition spécialisée notamment dans les livres conspirationnistes sur le 11-Septembre : elle publie des auteurs comme Thierry Meyssan, David Ray Griffin, Webster G. Tarpley, etc.
(3) En novembre 2005, Amnon Kapeliouk a publié dans Le Monde diplomatique un article intitulé « Arafat a-t-il été assassiné ? », ainsi qu’une apostille parue dans l’édition du mois de janvier 2007. Amnon Kapeliouk (1930-2009) était un journaliste israélien qui militait en faveur de la cause palestinienne. Auteur d’un livre controversé sur les massacres de Sabra et Chatila (cf. Sabra et Chatila. Enquête sur un massacre, Le Seuil, 1982), ami intime et biographe de Yasser Arafat (cf. Arafat l’irréductible, Fayard, 2004), il était convaincu qu’Ariel Sharon « testait sur Arafat un poison d’un nouveau type », ainsi que le rapporte Ignacio Ramonet (cf. « L’ami israélien », Le Monde diplomatique, août 2009).
(4) Craig S. Smith, “ Arafat's Death Remains a Mystery, Nephew Says After Seeing Records ”, The New York Times, 23 novembre 2004.
(5) Comme exemple d’affabulation autour du complot « américano-sioniste », on peut citer les propos d’une Palestinienne, Umm Nasser, se présentant comme l’ancienne « chef de cabinet » d’Arafat. Le 26 janvier 2009, celle-ci déclarait sur la chaîne égyptienne Mihwar TV que c’est George W. Bush qui « a donné le feu vert » à Ariel Sharon pour assassiner Arafat « au moyen d’un virus qui se transmet par contact physique », car il était notoire qu’Arafat « avait l'habitude d’embrasser tout le monde » (source : MEMRI).
(6) Dépêche AFP du 14 novembre 2004.
(7) En avril 2004, soit six mois à peine avant le décès d’Arafat, le leader du Hamas, Abdel Aziz Al-Rantissi, a ainsi été éliminé par un tir de roquettes.
(8) Amos Harel (Ha'aretz) et Avi Isacharoff (Kol Israël) sont les seuls journalistes, avec Steven Erlanger et Lawrence K. Altman, du New York Times, à avoir pu consulter le dossier médical d’Arafat établi par les médecins de l’hôpital militaire Percy. Ils ont consacré à ce sujet vingt-trois pages de leur livre, La Septième guerre d’Israël. Comment nous avons gagné la guerre contre les Palestiniens et pourquoi nous l'avons perdue (éditions de l’Eclat/Hachette Littératures, 2005). C’est le texte le plus complet disponible en français sur les circonstances de la mort d’Arafat. Merci à Avi Isacharoff et Steven Erlanger d'avoir répondu à nos questions.
(9) En mai 2003, Ariel Sharon déclare aux membres de son parti, le Likoud : « Il est important de parvenir à un accord politique. L'idée que l’on puisse maintenir sous occupation trois millions et demi de Palestiniens est la pire chose pour Israël, pour les Palestiniens et pour l'économie israélienne. Peut-être n'aimez-vous pas ce mot mais il s'agit bien d'une occupation. Le contrôle d'Israël sur les Palestiniens ne peut pas continuer sans fin. Vous voulez vraiment rester éternellement à Jénine, Naplouse, Ramallah et Bethléem ? Cela n'est pas bien ».
(10) Le gouvernement israélien refusant de s’engager à lui permettre de retourner à Ramallah, Arafat ne souhaitait pas quitter son QG de la Mouqata’a.
(11) Amnon Kapeliouk a choisi de lire cette phrase comme un aveu de la responsabilité de Sharon dans la mort d’Arafat. En tout état de cause, il n’est plus possible de recueillir le témoignage d’Uri Dan, celui-ci étant décédé peu après la publication de son livre (Ariel Sharon. Entretiens intimes avec Uri Dan, Michel Lafon, 2006).
(12) Leïla Chahid, dépêche AFP du 14 novembre 2004.
(13) Dans Le rêve brisé (Fayard, 2002, pp. 86-88), Charles Enderlin résume ainsi l’épisode : « Le 25 septembre 1997, (…) dans une rue d’Amman, deux agents du Mossad injectent un poison mortel à Khaled Mashaal, un membre du bureau politique du Hamas que les services israéliens soupçonnent d’être responsable du commando Ezzedine el-Qassam, la branche armée du mouvement. L’opération est mal préparée. Un garde du corps du leader islamiste parvient à suivre les assaillants qui courent retrouver le reste de leur équipe quelques centaines de mètres plus loin. Il alerte des policiers. Les Israéliens sont appréhendés ». Le roi Hussein exigera du Premier ministre Benjamin Netanyahou qu’il fournisse l’antidote sans délai sous peine de grave détérioration des relations israélo-jordaniennes. Netanyahou s’exécutera et fera libérer 73 prisonniers palestiniens et jordaniens ainsi que le cheikh Ahmed Yassine, le fondateur du Hamas, en échange des deux agents du Mossad arrêtés par les Jordaniens.
(14) Arafat est décédé presqu’un mois après qu’une détérioration significative de son état de santé ait été observée.
(15) Steven Erlanger & Lawrence K. Altman, “ Medical Records Say Arafat Died From a Stroke ”, The New York Times, 8 septembre 2005.
(16) Ibid.
(17) Il s’agit du Département de toxicologie de la division criminalistique « physique & chimie » de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) ; du Département de biochimie clinique, toxicologie et pharmacologie de l’HIA Percy de Clamart ; et du Laboratoire de contrôle radiotoxicologique du Service de protection radiologique des armées (SPRA).
(18) Amos Harel & Avi Isaacharoff, “ Arafat-Israel murder conspiracy is back from the dead ”, Haaretz, 7 août 2009.
(19) Amos Harel & Avi Isacharoff, La Septième guerre d’Israël, op. cit.
(20) Amos Harel, “ Experts: Yasser Arafat died of AIDS or poisoning ”, Haaretz, 8 septembre 2005.
(21) Le lieutenant-général Ion Mihai Pacepa, directeur de la Securitate (les services secrets roumains) sous Ceausescu, soutient, dans un livre de mémoires publié en 1987 sous le titre Red Horizons: Chronicles of a Communist Spy Chief, qu'Arafat entretenait des relations homosexuelles avec ses gardes du corps.
(22) Amos Harel & Avi Isacharoff, La Septième guerre d’Israël, op. cit.
(23) Steven Erlanger & Lawrence K. Altman, art. cit.
(24) Ibid.
(25) Propos recueillis par échanges de courriers électroniques au mois d’août 2009.
(26) Selon le rapport médical français, Arafat n’a reçu aucun antibiotique avant le 27 octobre, soit quinze jours après qu’il était tombé malade (cf. Steven Erlanger & Lawrence K. Altman, art. cit.).
(27) Chef du département politique de l'OLP depuis 1973, Kaddoumi vit en exil à Tunis depuis le début des années 1980. Il n'est jamais rentré dans les territoires palestiniens en raison de son hostilité aux accords d'Oslo de 1993.
(28) “ Farouq Qaddoumi: "President Abbas Killed Yassir Arafat" ”, The Media Line Staff, 14 juillet 2009.
(29) « L’hypothèse de l’empoisonnement, note Emmanuel Taïeb, joue sur une fibre bien connue en Occident, et partagée également avec l’Orient, celle des Juifs et/ou des Israéliens comme comploteurs, auteurs de crimes rituels, empoisonneurs d’eau, vecteurs de maladie. L’historien Franck Collard pose d’ailleurs que les accusations d’empoisonnement lancées contre Israël se rattachent à la tradition musulmane, selon laquelle Mahomet aurait échappé à une tentative d’empoisonnement au cours d’un repas préparé par une femme juive, lors d’une halte à Khaybar. Réactualisées pour Arafat, les accusations d’intoxication criminelle servent symboliquement à "élever le raïs au rang de l’envoyé de Dieu" et à en faire un martyr. (…) La thèse de l’empoisonnement est surtout grosse d’une théorie antisémite du complot, où les juifs israéliens sont essentialisés dans leur aptitude à reproduire le geste inaugural de l’empoisonnement de Mahomet » (cf. Emmanuel Taïeb, « La "rumeur" des journalistes », Diogène, PUF, n° 213, 2006/1, pp. 133-152). Voir aussi : Tristan Mendès France, « Un vieux mythe antisémite », Le Monde, 26 novembre 2004 ; Raphael Israeli, “ Poison : The Use of Blood Libel in the War Against Israel ”, Jerusalem Letter, Jerusalem Center for Public Affairs, n° 476, 15 avril 2002 ; du même auteur, Poison: Modern Manifestations of a Blood Libel, Lanham, MD, Lexington Books, 2002 ; Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes, Odile Jacob, 2008, pp. 262-308.

Pour aller plus loin :

  • Franck Collard, « Arafat, Mahomet et le poison », L’Histoire, n° 295, février 2005, p. 21.
  • Emmanuel Taïeb, « Rumeurs politiques et régime médiatique : la mort d’Arafat », Quaderni, n° 58, automne 2005.

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