Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Résolution sur le nazisme à l'ONU : une banale opération de propagande poutinienne

Publié par Nicolas Bernard22 mars 2022, ,

Chaque année depuis 2005, la Russie fait voter par l’Assemblée générale des Nations unies une résolution condamnant le nazisme, instrumentalisant sans vergogne une thématique grave afin de détourner l'attention vers l’Occident et, depuis 2014, l’Ukraine.

L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia (capture d'écran YouTube/Euronews, 18/03/2022).

New York, 16 décembre 2021. L’Assemblée générale des Nations unies adopte, par 130 voix contre 2 et 49 abstentions, une résolution appelant à la « lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ». Si l’Union européenne fait partie des abstentionnistes, les États-Unis et l’Ukraine se sont, seuls, prononcés contre ce texte.

La Russie, à l’origine de cette résolution, instrumentalise aussitôt ce vote pour les incriminer, y compris sur Twitter (en usant des points de suspension de rigueur). La complosphère lui emboîte le pas, du blogueur Craig Murray [archive] au youtubeur belge Michel Collon [archive], en passant par l'ancien député britannique pro-Corbyn Chris Williamson (suspendu du Labour en 2019 pour avoir déploré que le parti s'était « trop excusé » au sujet de l'antisémitisme dans ses rangs, aujourd'hui animateur d'une émission sur la chaîne iranienne Press TV) ou le média conspirationniste FranceSoir [archive]. Et pour cause, puisque l’épisode leur sert d’argument pour dépeindre l’Ukraine comme un repaire de nazis, où l’on rend hommage, par des défilés aux flambeaux et autres mausolées, à des Ukrainiens ayant collaboré avec l’occupant allemand pendant la Seconde Guerre mondiale.

La réalité, toutefois, est loin d'être aussi caricaturale. L’accusation contre Washington et Kyiv a ainsi été réfutée par l’AFP, Le Monde, et Libération. En vérité, la résolution votée aux Nations unies s’inscrit dans une opération de communication bien rodée de la Russie, dont personne n’est dupe dans les milieux diplomatiques, et qui vise à discréditer aussi bien l’OTAN que l’Ukraine.

Quand la Russie vote contre l'intégrité territoriale de l'Ukraine

Les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies sont des textes de portée purement déclaratives, sans caractère juridiquement contraignant. Votées à la majorité absolue des États membres, elles peuvent également être adoptées sans être mises aux voix, « par consensus » (après accord entre la présidence de l’Assemblée et les délégations).

Contrairement à celles votées par le Conseil de Sécurité, les résolutions de l’Assemblée générale relèvent uniquement de la déclaration d’intention, voire de la formulation d’une opinion. Leur impact symbolique n’est toutefois pas à négliger, si bien qu’elles peuvent constituer de puissantes armes médiatiques.

Ainsi la résolution 217 (III) A du 10 décembre 1948 proclame-t-elle la Déclaration universelle des droits de l'homme. D’autres résolutions ont pris position pour les droits des femmes ou contre l’Apartheid, le colonialisme ou encore la corruption. Non sans de sérieuses dérives, à l’instar de  la résolution n°3379 du 10 novembre 1975 considérant « le sionisme [comme] une forme de racisme et de discrimination raciale » (elle ne sera révoquée que par une autre résolution du 16 décembre 1991, deux ans après la chute du mur de Berlin)…

Plus récemment, l’Ukraine a bénéficié de telles résolutions. La résolution A/RES/68/262 du 27 mars 2014 se veut garante de son intégrité territoriale. De même, le 2 mars 2022, l'Assemblée générale a voté la résolution ES-11/1 qui « exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l'Ukraine », déplore « dans les termes les plus vifs l'agression de la Russie contre l'Ukraine » et affirme « son attachement à la souveraineté, l'indépendance, l'unité et l'intégrité territoriale de ce pays, y compris de ses eaux territoriales ».

Sans surprise, la Russie a voté en défaveur de ces deux textes, lesquels ont remporté une très large majorité de voix. Mais Moscou est parvenu, depuis plusieurs années, à instrumentaliser le mécanisme des résolutions, les inscrivant dans sa propre rhétorique « antifasciste » pour tenter de discréditer les États-Unis et l’Europe, puis l’Ukraine, au sein de l’ONU.

Un rite annuel

Chaque année depuis 2005, la Russie soumettait inlassablement au vote de l’Assemblée générale des Nations unies une résolution proclamant le « caractère inacceptable de certaines pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée » :

Au-delà de la dénonciation du racisme et de la xénophobie, le texte de chacune de ces résolutions stigmatisait surtout la « résurgence du néo-nazisme » ainsi que « la glorification du mouvement nazi et des anciens membres de l’organisation Waffen-SS, en particulier par l’édification de monuments commémoratifs et par l’organisation de manifestations publiques à la gloire du passé nazi, du mouvement nazi et du néonazisme ». A compter de 2008, chacune de ces résolutions s’est également attaquée au « fait de déclarer ou de s’ingénier à déclarer que ces membres [des Waffen SS] et ceux qui ont lutté contre la coalition antihitlérienne et collaboré avec le mouvement nazi ont participé à des mouvements de libération nationale ».

Depuis 2012, et ce là encore chaque année, la condamnation de la « glorification du nazisme » est inscrite dans le titre de chaque résolution proposée par la Russie, pour en accentuer le caractère antifasciste – lequel prévaut manifestement sur son objet « antiraciste ».

>>> Voir aussi, sur Conspiracy Watch : Une vidéo homophobe pour inciter les Russes à aller voter ? (17 mars 2018)

Si le texte de 2012 reprenait les termes des précédentes résolutions, celles votées à compter de 2013 sont devenues plus agressives, exigeant des États qu’ils « prennent, dans le respect du droit international des droits de l’homme, des mesures pour lutter contre toute manifestation organisée à la gloire de l’organisation SS et de l’une quelconque de ses composantes, dont la Waffen-SS », sachant que « les États qui ne combattent pas effectivement ces pratiques manquent aux obligations que la Charte des Nations Unies impose aux États Membres de l’Organisation des Nations Unies ». Un glissement qui, on va le voir, n’est pas innocent.

Ces résolutions révèlent dans leur ensemble des penchants excessivement liberticides, propres à la conception du Droit qui prévaut en Russie. L’imprécision de leur contenu, en effet, est lourde de dérives autoritaires. Ces textes appellent, entre autres, à des mesures de restriction de la liberté d’expression sous couvert de « lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée » : pareille limitation est certes justifiée pour protéger d’autres droits et libertés dans les démocraties, notamment s’il s’agit de réprimer le racisme et ses manifestations diverses ; mais sa formulation par la Russie est si vague qu’elle peut cautionner l’instauration d’un régime de surveillance, de contrôle, de censure et de propagande d’État, à l’instar de ce que pratique le régime de Vladimir Poutine.

Du reste, officiellement, la Russie n’est pas seule à déposer de telles résolutions. Ses démarches sont généralement appuyées par d’autres régimes autoritaires, voire totalitaires, tels que la Corée du Nord, la Syrie ou encore le Belarus – mais aussi, en sus d’États inclus dans sa sphère d’influence, la Chine, le Pakistan et l’Inde. La paternité de ces déclarations n’en appartient pas moins à Moscou, sachant qu’aucun des autres États soutenant son initiative – Belarus excepté – n’a été directement confronté, par le passé, au nazisme.

En conséquence, chaque année à la mi-décembre, l’Assemblée générale des Nations unies délibère sur ces résolutions où l’on se gargarise de lutte contre la « bête immonde ». Un rituel diplomatique sans risque pour le Kremlin, dans la mesure où, on l’a vu, lesdites résolutions n’ont aucune valeur impérative.

Un avatar de « l’antifascisme » instrumentalisé par le Kremlin

Pareilles résolutions permettent surtout à la Russie de se grimer en héraut du combat antifasciste comme jadis l’URSS… et, bien plus, d’embarrasser aussi bien les États-Unis que l’Europe.

« Frappe le reptile fasciste », par Alexei Kokorekin (affiche de propagande soviétique, 1941).

Car ce à quoi vise le Kremlin, c’est à discréditer ses voisins d’Europe de l’Est, essentiellement les Pays baltes et, depuis le mouvement Euromaidan de 2014, l’Ukraine, considérée comme trop proche de l’Occident. Régulièrement, Moscou ne manque pas de rappeler que ces pays ont, pendant la Seconde Guerre mondiale, compté dans leur population des mouvements nationalistes ayant collaboré avec le Troisième Reich... oubliant fort opportunément que les nazis ont également recruté des collaborateurs russes, tels que la division SS de Bronislav Kaminski, dont les crimes sont innombrables. Or, selon la Russie, ces mouvements seraient actuellement réhabilités dans leurs pays respectifs et y auraient même repris le pouvoir !

Il est vrai que les récits mémoriels baltes et ukrainien peinent à se dégager de complaisances coupables envers les nationalistes locaux qui ont pactisé avec Hitler. La célébration de leur héroïsme anticommuniste a longtemps éclipsé leur participation à la Shoah, de même que les massacres de Polonais par les nationalistes ukrainiens pendant la guerre. Mais cette indulgence persistante est aussi le produit de la liberté revendiquée par ces pays, notamment à Kyiv où l’on rend pareillement hommage aux Ukrainiens qui combattaient dans l’Armée rouge et aux Juifs victimes du génocide nazi.

Au fond, peu importe que l'extrême droite soit, dans ces pays, des plus minoritaires (lors des élections législatives de 2019, l’extrême droite ukrainienne a remporté des suffrages ridiculement faibles) : par sa résolution creuse condamnant annuellement le nazisme, la Russie parvient à réactiver la rhétorique « antifasciste » pour mobiliser son propre peuple et marquer l’Occident du sceau de l’infamie.

De fait, ladite résolution n’est que l’un des vecteurs de la campagne de diabolisation que le Kremlin déploie, depuis plusieurs années, contre l’OTAN et l’Ukraine, laquelle campagne mobilise les thématiques « antifascistes » de la période soviétique, le régime de Vladimir Poutine sachant parfaitement à quel point elles sont ancrées dans la mentalité russe.

Mais il y a plus. Depuis 2013, ces résolutions caractérisent comme manquement à la Charte des Nations unies le fait, pour un État, de ne pas combattre effectivement les manifestations à la gloire des Waffen SS et autres organisations « nazies » : une telle mention est susceptible de légitimer l’agression de l’Ukraine et des États baltes par la Russie, laquelle prétendrait agir au nom des Nations unies ! On comprend, dans ces conditions, qu’en qualifiant l’invasion de l’Ukraine d’opération de « dénazification », Vladimir Poutine n’ait pas seulement cherché à convaincre le peuple russe, mais également à semer le trouble au sein de l’ONU.

D’autant que, comme on l’a vu, les résolutions sont formulées en des termes suffisamment évasifs pour étayer la propagande du Kremlin. Au-delà de l’Ukraine, de la Lituanie, de l’Estonie, de la Lettonie, ne pourraient-elles être exploitées contre d’autres pays de l’Est ? Après tout, pendant le second conflit mondial, la Pologne a compté sa propre armée de libération nationale, qui certes n’a pas collaboré avec les nazis mais a été brutalement démantelée par les Soviétiques – qui l’assimilaient hypocritement au fascisme. Quant à la Roumanie, elle a également généré des formations fascistes telles que la Garde de Fer, qui ont parfois fait l’objet de tentatives de réhabilitations après la chute du communisme. N’y aurait-il pas là de quoi nourrir un procès en « glorification du nazisme » contre Varsovie et Bucarest ?

Pour la Russie, un succès diplomatique et médiatique à peu de frais

La Russie se réjouit d’autant de sa manœuvre que ses résolutions, de par leur caractère « généreux » et dépourvu d’effet contraignant, sont votées chaque année à une large majorité par l’Assemblée générale des Nations unies. Au point que la version russe de Wikipedia recense complaisamment de tels suffrages...

Or, les États-Unis votent contre chacune de ces résolutions depuis 2005, imités en cela par l’Ukraine depuis 2014. L’Union européenne préfère, pour sa part, s’abstenir (elle n’a voté contre une telle résolution qu’en 2011), à l’instar du Canada, qui s’est opposé à ces résolutions de 2011 à 2015. Les États-Unis ont parfois été soutenus par le Japon (en 2005 et 2006) et par divers Etats de Micronésie (jusqu’en 2015).

Tant et si bien que, chaque année, le Kremlin et ses relais « médiatiques » entonnent le même refrain : « incompréhension », « indignation » devant ces prises de position. En 2014, le chef de la commission des affaires internationales du Parlement russe s’offusquait sur Twitter : « Qui est qui ? États-Unis, Canada et Ukraine isolés : seule cette trinité a voté à l'ONU contre la résolution russe condamnant le nazisme, 115 pays y sont favorables. »

Depuis, d’autres « médias » à la botte du Kremlin dépassent la simple insinuation : pour ne citer que lui, le site de propagande anti-ukrainien Ukraina.ru, fondé par le propagandiste homophobe et pro-Poutine Dmitri Kisselev et propriété de Rossia Segodnia, la maison mère de Russia Today, a frauduleusement prétendu, à l’occasion du vote de la dernière résolution, que « l'Ukraine [avait] soutenu la glorification du nazisme en marge de l'ONU » !

Qu’en est-il réellement ?

Contrairement à ce que suggèrent les trémolos de la diplomatie russe, les pays occidentaux ne sont pas dupes de la manœuvre.

On le sait, Washington vote systématiquement contre une telle résolution depuis 2005 (non sans parfois tenter de l’amender). D’abord pour un motif juridique évident : le Premier Amendement de la Constitution américaine garantit une liberté d’expression quasi-absolue, si bien qu’il n’est nullement compatible avec la résolution façonnée par la Russie. Ensuite parce que ces résolutions constituent, selon le Département d’État, « une tentative à peine voilée de légitimer des récits trompeurs de la Russie, qui cherche à dénigrer d’autres pays sous le prétexte de lutter contre la glorification du nazisme » (ce que les Américains rappelaient en 2020).

Depuis la révolution de 2014 qui a conduit à la fuite du de son dirigeant pro-russe Viktor Ianoukovitch, l’Ukraine s’oppose également à la résolution russe. Cette prise de position s’inscrit dans une politique mémorielle dite « antitotalitaire », condamnant en bloc crimes nazis et soviétiques (notamment l’Holodomor et le pacte de non-agression du 23 août 1939 avec Hitler).

Une telle logique, difficile à comprendre pour un public occidental, est particulièrement prégnante en Europe orientale, martyrisée par les occupations nazie et soviétique. Critiquable en ce qu’elle est susceptible de banaliser les atrocités du national-socialisme, elle n’en irrigue pas moins la mémoire de ces territoires, où l’indépendance s’est gagnée aussi bien contre l’Allemagne hitlérienne que contre l’Union soviétique. « La lutte contre le nazisme et toutes les formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie, d'antisémitisme et d'autres manifestations d'intolérance n’aura guère d’efficacité si Moscou ne reconnaît pas le rôle de Staline dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale », a ainsi affirmé Serhiy Kyslytsia, représentant permanent de l'Ukraine auprès de l'ONU.

Quant à l’Union européenne, son abstention systématique a été explicitée comme suit par le gouvernement français le 25 février 2020, en des termes peu amènes pour les résolutions russes :

« Si la France, comme l'ensemble des États membres de l'Union européenne, s'abstient chaque année sur cette résolution, c'est parce que ce texte ne contribue aucunement à faire avancer la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie. Cette thématique, si importante, est détournée de son objectif au profit d'un discours réducteur et destiné à diviser les Européens, en assimilant au régime nazi l'ensemble des opposants aux forces soviétiques. Le texte tend à réduire la lutte contre le racisme et la haine aux questions mémorielles liées à la Seconde guerre mondiale, dont il présente une vision déformée. En outre, il donne une interprétation extrêmement restrictive des libertés fondamentales, en particulier des libertés d'expression, d'opinion, d'assemblée et d'association, qui n'est pleinement compatible ni avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ni avec la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Enfin, il est long, confus, redondant, peu précis dans les termes employés et, à ce titre, ne peut convenir pour une résolution des Nations unies. »

Au demeurant, comme il le ressort de leurs déclarations précitées, aussi bien les États-Unis que l’Ukraine ont expressément condamné, en ces occasions, « la glorification du nazisme et toutes formes de racisme, de xénophobie, de discrimination, et d’intolérance », sans qu’il soit besoin pour eux de voter en faveur de la résolution litigieuse.

Rappelons, en outre, que ni les États-Unis ni l’Ukraine ne se sont opposées à d’autres résolutions antiracistes, telles que les résolutions des 22 septembre 2011 et 22 septembre 2021, intitulées « Unis contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée », et adoptées sans vote, par consensus.

L'Ukraine condamne bien le nazisme et le négationnisme

De même, le 20 janvier 2022, quatre-vingts ans après la conférence de Wannsee, les États-Unis et l’Ukraine – ainsi que la Russie – ont soutenu une résolution condamnant la négation de la Shoah, là encore adoptée par consensus. Le compte rendu de l’Assemblée générale indique que le représentant ukrainien, « qui s’est présenté en tant que petit-fils d’un survivant du camp de Buchenwald, a rappelé que des millions d’Ukrainiens se sont sacrifiés et ont contribué à la victoire sur le nazisme.  Il a également appelé ses homologues à l’ONU à se rendre à Yad Vashem pour réfléchir à leur mission. Il faut trois mois pour entendre l’intégralité de l’enregistrement des noms des personnes tuées durant l’Holocauste, s’est-il ému.  Il a par ailleurs condamné dans les termes les plus fermes le néonazisme ».

De son côté, les rodomontades « antifascistes » de la Russie camouflent mal son hypocrisie. En 2016, l’un de ses plus fidèles alliés, l’Arménie, a érigé dans sa propre capitale, Erevan, un monument à la gloire de Garéguine Njdeh, indépendantiste local ayant combattu le communisme et collaboré avec les nazis, sans que cet hommage mémoriel ne suscite autre chose de Moscou que de timides protestations. Six ans plus tard, alors que Vladimir Poutine s’est engagé à « dénazifier l’Ukraine », et que l’armée russe est présente sur le territoire arménien, force est de constater que la statue de Njdeh trône toujours, imperturbable, au cœur d’Erevan…

Il en ressort que les votes américain et ukrainien contre la résolution russe aux Nations unies, de même que l’abstention européenne à cette occasion, ne découlent pas de leur adhésion à l’idéologie nazie – mais, tout simplement, d’un refus de prêter la main à une opération de propagande du Kremlin. Opération dont influenceurs et sites complotistes en tous genres se font les supplétifs zélés.

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L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia (capture d'écran YouTube/Euronews, 18/03/2022).

New York, 16 décembre 2021. L’Assemblée générale des Nations unies adopte, par 130 voix contre 2 et 49 abstentions, une résolution appelant à la « lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ». Si l’Union européenne fait partie des abstentionnistes, les États-Unis et l’Ukraine se sont, seuls, prononcés contre ce texte.

La Russie, à l’origine de cette résolution, instrumentalise aussitôt ce vote pour les incriminer, y compris sur Twitter (en usant des points de suspension de rigueur). La complosphère lui emboîte le pas, du blogueur Craig Murray [archive] au youtubeur belge Michel Collon [archive], en passant par l'ancien député britannique pro-Corbyn Chris Williamson (suspendu du Labour en 2019 pour avoir déploré que le parti s'était « trop excusé » au sujet de l'antisémitisme dans ses rangs, aujourd'hui animateur d'une émission sur la chaîne iranienne Press TV) ou le média conspirationniste FranceSoir [archive]. Et pour cause, puisque l’épisode leur sert d’argument pour dépeindre l’Ukraine comme un repaire de nazis, où l’on rend hommage, par des défilés aux flambeaux et autres mausolées, à des Ukrainiens ayant collaboré avec l’occupant allemand pendant la Seconde Guerre mondiale.

La réalité, toutefois, est loin d'être aussi caricaturale. L’accusation contre Washington et Kyiv a ainsi été réfutée par l’AFP, Le Monde, et Libération. En vérité, la résolution votée aux Nations unies s’inscrit dans une opération de communication bien rodée de la Russie, dont personne n’est dupe dans les milieux diplomatiques, et qui vise à discréditer aussi bien l’OTAN que l’Ukraine.

Quand la Russie vote contre l'intégrité territoriale de l'Ukraine

Les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies sont des textes de portée purement déclaratives, sans caractère juridiquement contraignant. Votées à la majorité absolue des États membres, elles peuvent également être adoptées sans être mises aux voix, « par consensus » (après accord entre la présidence de l’Assemblée et les délégations).

Contrairement à celles votées par le Conseil de Sécurité, les résolutions de l’Assemblée générale relèvent uniquement de la déclaration d’intention, voire de la formulation d’une opinion. Leur impact symbolique n’est toutefois pas à négliger, si bien qu’elles peuvent constituer de puissantes armes médiatiques.

Ainsi la résolution 217 (III) A du 10 décembre 1948 proclame-t-elle la Déclaration universelle des droits de l'homme. D’autres résolutions ont pris position pour les droits des femmes ou contre l’Apartheid, le colonialisme ou encore la corruption. Non sans de sérieuses dérives, à l’instar de  la résolution n°3379 du 10 novembre 1975 considérant « le sionisme [comme] une forme de racisme et de discrimination raciale » (elle ne sera révoquée que par une autre résolution du 16 décembre 1991, deux ans après la chute du mur de Berlin)…

Plus récemment, l’Ukraine a bénéficié de telles résolutions. La résolution A/RES/68/262 du 27 mars 2014 se veut garante de son intégrité territoriale. De même, le 2 mars 2022, l'Assemblée générale a voté la résolution ES-11/1 qui « exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l'Ukraine », déplore « dans les termes les plus vifs l'agression de la Russie contre l'Ukraine » et affirme « son attachement à la souveraineté, l'indépendance, l'unité et l'intégrité territoriale de ce pays, y compris de ses eaux territoriales ».

Sans surprise, la Russie a voté en défaveur de ces deux textes, lesquels ont remporté une très large majorité de voix. Mais Moscou est parvenu, depuis plusieurs années, à instrumentaliser le mécanisme des résolutions, les inscrivant dans sa propre rhétorique « antifasciste » pour tenter de discréditer les États-Unis et l’Europe, puis l’Ukraine, au sein de l’ONU.

Un rite annuel

Chaque année depuis 2005, la Russie soumettait inlassablement au vote de l’Assemblée générale des Nations unies une résolution proclamant le « caractère inacceptable de certaines pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée » :

Au-delà de la dénonciation du racisme et de la xénophobie, le texte de chacune de ces résolutions stigmatisait surtout la « résurgence du néo-nazisme » ainsi que « la glorification du mouvement nazi et des anciens membres de l’organisation Waffen-SS, en particulier par l’édification de monuments commémoratifs et par l’organisation de manifestations publiques à la gloire du passé nazi, du mouvement nazi et du néonazisme ». A compter de 2008, chacune de ces résolutions s’est également attaquée au « fait de déclarer ou de s’ingénier à déclarer que ces membres [des Waffen SS] et ceux qui ont lutté contre la coalition antihitlérienne et collaboré avec le mouvement nazi ont participé à des mouvements de libération nationale ».

Depuis 2012, et ce là encore chaque année, la condamnation de la « glorification du nazisme » est inscrite dans le titre de chaque résolution proposée par la Russie, pour en accentuer le caractère antifasciste – lequel prévaut manifestement sur son objet « antiraciste ».

>>> Voir aussi, sur Conspiracy Watch : Une vidéo homophobe pour inciter les Russes à aller voter ? (17 mars 2018)

Si le texte de 2012 reprenait les termes des précédentes résolutions, celles votées à compter de 2013 sont devenues plus agressives, exigeant des États qu’ils « prennent, dans le respect du droit international des droits de l’homme, des mesures pour lutter contre toute manifestation organisée à la gloire de l’organisation SS et de l’une quelconque de ses composantes, dont la Waffen-SS », sachant que « les États qui ne combattent pas effectivement ces pratiques manquent aux obligations que la Charte des Nations Unies impose aux États Membres de l’Organisation des Nations Unies ». Un glissement qui, on va le voir, n’est pas innocent.

Ces résolutions révèlent dans leur ensemble des penchants excessivement liberticides, propres à la conception du Droit qui prévaut en Russie. L’imprécision de leur contenu, en effet, est lourde de dérives autoritaires. Ces textes appellent, entre autres, à des mesures de restriction de la liberté d’expression sous couvert de « lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée » : pareille limitation est certes justifiée pour protéger d’autres droits et libertés dans les démocraties, notamment s’il s’agit de réprimer le racisme et ses manifestations diverses ; mais sa formulation par la Russie est si vague qu’elle peut cautionner l’instauration d’un régime de surveillance, de contrôle, de censure et de propagande d’État, à l’instar de ce que pratique le régime de Vladimir Poutine.

Du reste, officiellement, la Russie n’est pas seule à déposer de telles résolutions. Ses démarches sont généralement appuyées par d’autres régimes autoritaires, voire totalitaires, tels que la Corée du Nord, la Syrie ou encore le Belarus – mais aussi, en sus d’États inclus dans sa sphère d’influence, la Chine, le Pakistan et l’Inde. La paternité de ces déclarations n’en appartient pas moins à Moscou, sachant qu’aucun des autres États soutenant son initiative – Belarus excepté – n’a été directement confronté, par le passé, au nazisme.

En conséquence, chaque année à la mi-décembre, l’Assemblée générale des Nations unies délibère sur ces résolutions où l’on se gargarise de lutte contre la « bête immonde ». Un rituel diplomatique sans risque pour le Kremlin, dans la mesure où, on l’a vu, lesdites résolutions n’ont aucune valeur impérative.

Un avatar de « l’antifascisme » instrumentalisé par le Kremlin

Pareilles résolutions permettent surtout à la Russie de se grimer en héraut du combat antifasciste comme jadis l’URSS… et, bien plus, d’embarrasser aussi bien les États-Unis que l’Europe.

« Frappe le reptile fasciste », par Alexei Kokorekin (affiche de propagande soviétique, 1941).

Car ce à quoi vise le Kremlin, c’est à discréditer ses voisins d’Europe de l’Est, essentiellement les Pays baltes et, depuis le mouvement Euromaidan de 2014, l’Ukraine, considérée comme trop proche de l’Occident. Régulièrement, Moscou ne manque pas de rappeler que ces pays ont, pendant la Seconde Guerre mondiale, compté dans leur population des mouvements nationalistes ayant collaboré avec le Troisième Reich... oubliant fort opportunément que les nazis ont également recruté des collaborateurs russes, tels que la division SS de Bronislav Kaminski, dont les crimes sont innombrables. Or, selon la Russie, ces mouvements seraient actuellement réhabilités dans leurs pays respectifs et y auraient même repris le pouvoir !

Il est vrai que les récits mémoriels baltes et ukrainien peinent à se dégager de complaisances coupables envers les nationalistes locaux qui ont pactisé avec Hitler. La célébration de leur héroïsme anticommuniste a longtemps éclipsé leur participation à la Shoah, de même que les massacres de Polonais par les nationalistes ukrainiens pendant la guerre. Mais cette indulgence persistante est aussi le produit de la liberté revendiquée par ces pays, notamment à Kyiv où l’on rend pareillement hommage aux Ukrainiens qui combattaient dans l’Armée rouge et aux Juifs victimes du génocide nazi.

Au fond, peu importe que l'extrême droite soit, dans ces pays, des plus minoritaires (lors des élections législatives de 2019, l’extrême droite ukrainienne a remporté des suffrages ridiculement faibles) : par sa résolution creuse condamnant annuellement le nazisme, la Russie parvient à réactiver la rhétorique « antifasciste » pour mobiliser son propre peuple et marquer l’Occident du sceau de l’infamie.

De fait, ladite résolution n’est que l’un des vecteurs de la campagne de diabolisation que le Kremlin déploie, depuis plusieurs années, contre l’OTAN et l’Ukraine, laquelle campagne mobilise les thématiques « antifascistes » de la période soviétique, le régime de Vladimir Poutine sachant parfaitement à quel point elles sont ancrées dans la mentalité russe.

Mais il y a plus. Depuis 2013, ces résolutions caractérisent comme manquement à la Charte des Nations unies le fait, pour un État, de ne pas combattre effectivement les manifestations à la gloire des Waffen SS et autres organisations « nazies » : une telle mention est susceptible de légitimer l’agression de l’Ukraine et des États baltes par la Russie, laquelle prétendrait agir au nom des Nations unies ! On comprend, dans ces conditions, qu’en qualifiant l’invasion de l’Ukraine d’opération de « dénazification », Vladimir Poutine n’ait pas seulement cherché à convaincre le peuple russe, mais également à semer le trouble au sein de l’ONU.

D’autant que, comme on l’a vu, les résolutions sont formulées en des termes suffisamment évasifs pour étayer la propagande du Kremlin. Au-delà de l’Ukraine, de la Lituanie, de l’Estonie, de la Lettonie, ne pourraient-elles être exploitées contre d’autres pays de l’Est ? Après tout, pendant le second conflit mondial, la Pologne a compté sa propre armée de libération nationale, qui certes n’a pas collaboré avec les nazis mais a été brutalement démantelée par les Soviétiques – qui l’assimilaient hypocritement au fascisme. Quant à la Roumanie, elle a également généré des formations fascistes telles que la Garde de Fer, qui ont parfois fait l’objet de tentatives de réhabilitations après la chute du communisme. N’y aurait-il pas là de quoi nourrir un procès en « glorification du nazisme » contre Varsovie et Bucarest ?

Pour la Russie, un succès diplomatique et médiatique à peu de frais

La Russie se réjouit d’autant de sa manœuvre que ses résolutions, de par leur caractère « généreux » et dépourvu d’effet contraignant, sont votées chaque année à une large majorité par l’Assemblée générale des Nations unies. Au point que la version russe de Wikipedia recense complaisamment de tels suffrages...

Or, les États-Unis votent contre chacune de ces résolutions depuis 2005, imités en cela par l’Ukraine depuis 2014. L’Union européenne préfère, pour sa part, s’abstenir (elle n’a voté contre une telle résolution qu’en 2011), à l’instar du Canada, qui s’est opposé à ces résolutions de 2011 à 2015. Les États-Unis ont parfois été soutenus par le Japon (en 2005 et 2006) et par divers Etats de Micronésie (jusqu’en 2015).

Tant et si bien que, chaque année, le Kremlin et ses relais « médiatiques » entonnent le même refrain : « incompréhension », « indignation » devant ces prises de position. En 2014, le chef de la commission des affaires internationales du Parlement russe s’offusquait sur Twitter : « Qui est qui ? États-Unis, Canada et Ukraine isolés : seule cette trinité a voté à l'ONU contre la résolution russe condamnant le nazisme, 115 pays y sont favorables. »

Depuis, d’autres « médias » à la botte du Kremlin dépassent la simple insinuation : pour ne citer que lui, le site de propagande anti-ukrainien Ukraina.ru, fondé par le propagandiste homophobe et pro-Poutine Dmitri Kisselev et propriété de Rossia Segodnia, la maison mère de Russia Today, a frauduleusement prétendu, à l’occasion du vote de la dernière résolution, que « l'Ukraine [avait] soutenu la glorification du nazisme en marge de l'ONU » !

Qu’en est-il réellement ?

Contrairement à ce que suggèrent les trémolos de la diplomatie russe, les pays occidentaux ne sont pas dupes de la manœuvre.

On le sait, Washington vote systématiquement contre une telle résolution depuis 2005 (non sans parfois tenter de l’amender). D’abord pour un motif juridique évident : le Premier Amendement de la Constitution américaine garantit une liberté d’expression quasi-absolue, si bien qu’il n’est nullement compatible avec la résolution façonnée par la Russie. Ensuite parce que ces résolutions constituent, selon le Département d’État, « une tentative à peine voilée de légitimer des récits trompeurs de la Russie, qui cherche à dénigrer d’autres pays sous le prétexte de lutter contre la glorification du nazisme » (ce que les Américains rappelaient en 2020).

Depuis la révolution de 2014 qui a conduit à la fuite du de son dirigeant pro-russe Viktor Ianoukovitch, l’Ukraine s’oppose également à la résolution russe. Cette prise de position s’inscrit dans une politique mémorielle dite « antitotalitaire », condamnant en bloc crimes nazis et soviétiques (notamment l’Holodomor et le pacte de non-agression du 23 août 1939 avec Hitler).

Une telle logique, difficile à comprendre pour un public occidental, est particulièrement prégnante en Europe orientale, martyrisée par les occupations nazie et soviétique. Critiquable en ce qu’elle est susceptible de banaliser les atrocités du national-socialisme, elle n’en irrigue pas moins la mémoire de ces territoires, où l’indépendance s’est gagnée aussi bien contre l’Allemagne hitlérienne que contre l’Union soviétique. « La lutte contre le nazisme et toutes les formes de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie, d'antisémitisme et d'autres manifestations d'intolérance n’aura guère d’efficacité si Moscou ne reconnaît pas le rôle de Staline dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale », a ainsi affirmé Serhiy Kyslytsia, représentant permanent de l'Ukraine auprès de l'ONU.

Quant à l’Union européenne, son abstention systématique a été explicitée comme suit par le gouvernement français le 25 février 2020, en des termes peu amènes pour les résolutions russes :

« Si la France, comme l'ensemble des États membres de l'Union européenne, s'abstient chaque année sur cette résolution, c'est parce que ce texte ne contribue aucunement à faire avancer la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie. Cette thématique, si importante, est détournée de son objectif au profit d'un discours réducteur et destiné à diviser les Européens, en assimilant au régime nazi l'ensemble des opposants aux forces soviétiques. Le texte tend à réduire la lutte contre le racisme et la haine aux questions mémorielles liées à la Seconde guerre mondiale, dont il présente une vision déformée. En outre, il donne une interprétation extrêmement restrictive des libertés fondamentales, en particulier des libertés d'expression, d'opinion, d'assemblée et d'association, qui n'est pleinement compatible ni avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ni avec la Déclaration universelle des droits de l'Homme. Enfin, il est long, confus, redondant, peu précis dans les termes employés et, à ce titre, ne peut convenir pour une résolution des Nations unies. »

Au demeurant, comme il le ressort de leurs déclarations précitées, aussi bien les États-Unis que l’Ukraine ont expressément condamné, en ces occasions, « la glorification du nazisme et toutes formes de racisme, de xénophobie, de discrimination, et d’intolérance », sans qu’il soit besoin pour eux de voter en faveur de la résolution litigieuse.

Rappelons, en outre, que ni les États-Unis ni l’Ukraine ne se sont opposées à d’autres résolutions antiracistes, telles que les résolutions des 22 septembre 2011 et 22 septembre 2021, intitulées « Unis contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée », et adoptées sans vote, par consensus.

L'Ukraine condamne bien le nazisme et le négationnisme

De même, le 20 janvier 2022, quatre-vingts ans après la conférence de Wannsee, les États-Unis et l’Ukraine – ainsi que la Russie – ont soutenu une résolution condamnant la négation de la Shoah, là encore adoptée par consensus. Le compte rendu de l’Assemblée générale indique que le représentant ukrainien, « qui s’est présenté en tant que petit-fils d’un survivant du camp de Buchenwald, a rappelé que des millions d’Ukrainiens se sont sacrifiés et ont contribué à la victoire sur le nazisme.  Il a également appelé ses homologues à l’ONU à se rendre à Yad Vashem pour réfléchir à leur mission. Il faut trois mois pour entendre l’intégralité de l’enregistrement des noms des personnes tuées durant l’Holocauste, s’est-il ému.  Il a par ailleurs condamné dans les termes les plus fermes le néonazisme ».

De son côté, les rodomontades « antifascistes » de la Russie camouflent mal son hypocrisie. En 2016, l’un de ses plus fidèles alliés, l’Arménie, a érigé dans sa propre capitale, Erevan, un monument à la gloire de Garéguine Njdeh, indépendantiste local ayant combattu le communisme et collaboré avec les nazis, sans que cet hommage mémoriel ne suscite autre chose de Moscou que de timides protestations. Six ans plus tard, alors que Vladimir Poutine s’est engagé à « dénazifier l’Ukraine », et que l’armée russe est présente sur le territoire arménien, force est de constater que la statue de Njdeh trône toujours, imperturbable, au cœur d’Erevan…

Il en ressort que les votes américain et ukrainien contre la résolution russe aux Nations unies, de même que l’abstention européenne à cette occasion, ne découlent pas de leur adhésion à l’idéologie nazie – mais, tout simplement, d’un refus de prêter la main à une opération de propagande du Kremlin. Opération dont influenceurs et sites complotistes en tous genres se font les supplétifs zélés.

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à propos de l'auteur
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Nicolas Bernard
Nicolas Bernard, avocat, contribue régulièrement à Conspiracy Watch depuis 2017. Il co-anime avec Gilles Karmasyn le site Pratique de l’Histoire et Dévoiements négationnistes (PHDN.org). Il est également l’auteur, aux éditions Tallandier, de La Guerre germano-soviétique (« Texto », 2020), de La Guerre du Pacifique (« Texto », 2019) et de Oradour-sur-Glane, 10 juin 1944. Histoire d’un massacre dans l’Europe nazie (2024).
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