Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Le Monde diplo et les soignants suspendus : autopsie d'un tollé

Derrière la levée de boucliers contre un article d’opinion sur les soignants hostiles à la vaccination, c’est surtout le parti pris conspi-friendly du Monde diplomatique qui interroge.

Montage CW.

« Le relativisme généralisé, les ambiguïtés sur ce qui vrai et ce qui est faux, vont finir par faire crever nos démocraties. » C’est la mise en garde postée sur X le 16 février dernier par Aurélien Rousseau. L’ancien ministre de la Santé réagissait à la publication d’un article qualifiant d’« erreur » la décision de suspendre, à la mi-septembre 2021, les soignants refusant de se faire vacciner contre le Covid-19.

L’objet du délit a été publié dans l’édition de février du Monde diplomatique. Fruit d'un travail au long cours de recueil de la parole des soignants suspendus, l'article est signé par deux politistes, Alexandre Fauquette et Frédéric Pierru. Ce dernier plaidait dès juillet 2022, dans une tribune publiée dans l'hebdomadaire Marianne, pour la réintégration « urgente » de ces soignants qui, explique-t-il, auraient été crucifiés sur l’autel du cynisme et de la politique sanitaire à courte vue d’un « État maltraitant ».

Martyrs de la dérive répressive du pouvoir macronien, ces professionnels auraient surtout été des esprits lucides qui « souvent voyaient juste » et « maitrisaient mieux les controverses scientifiques que les épidémiologistes improvisés de BFMTV ou CNews » écrivent les deux chercheurs, n'hésitant pas à se demander s'il était judicieux de « faire autant de dégâts humains pour un vaccin qui s’est avéré peu efficace pour empêcher la transmission d’une maladie menaçant en premier lieu la vie des plus âgés et certains malades chroniques ? » (sic).

À la lecture de ces lignes − dont certains, comme les médecins Mathias Wargon et Christian Lehmann, ont relevé les accents indéniablement eugénistes −, on comprend mieux pourquoi le texte d’Alexandre Fauquette et Frédéric Pierru a été rapidement porté aux nues par des figures de la sphère covido-sceptique comme Hélène Banoun, Béatrice Rosen, Myriam Palomba (aujourd'hui co-listière de Florian Philippot pour les élections européennes) ou encore l’eurodéputée RN Virginie Joron.

« Médecins aux ordres de l’Elysée »

Il faut dire que les deux chercheurs n'ont pas ménagé leurs efforts pour montrer patte blanche : le passe sanitaire est ainsi présenté comme une « [condamnation] à la mort sociale [de] tous les réfractaires au vaccin » tandis que les « médecins aux ordres de l’Elysée » (sic) sont fustigés sans que jamais ne soit interrogé le complotisme, parfois délirant, associé à plusieurs des prises de position de ceux qui ont orchestré la contestation contre la vaccination.

Du complotisme, il est pourtant bel et bien question dans l’article de Fauquette & Pierru. Mais une question réduite à une étiquette infâmante que l'on aurait accolée − à tort, cela va sans dire − à des citoyens on ne peut plus rationnels, qui se seraient contentés de cultiver une saine défiance à l’égard d’un pouvoir tenu coupable d'avoir scandaleusement outrepassé ses prérogatives.

Ainsi, les auteurs ne s'attardent pas sur les nombreuses sottises débitées par la mouvance antivax. En fait : ils n'en relèvent aucune. Elles ne manquaient pourtant pas. Rappelez-vous : le vaccin serait en réalité un dangereux poison utilisé dans le cadre d’un projet génocidaire, il aurait provoqué des dizaines de milliers de morts, menacerait gravement les femmes enceintes, il nous rendrait magnétique, modifierait notre ADN, contiendrait des nanoparticules destinées à nous tracer, des hydres ou encore des puces 5G… De toutes ces sornettes, il n’est pas une seule fois question dans le texte de Fauquette & Pierru. Ils préfèrent réserver leurs philippiques aux « obsédés du complotisme » − comprendre : ceux qui, comme nous à Conspiracy Watch par exemple, ont la fantaisie de s'en inquiéter.

Parsemant leur article de phrases qui ne dépareilleraient pas dans la bouche de militants antivax – comme cette évocation d’un « vaccin sorti bien trop vite au regard de la nouveauté de l’emploi de l’ARN messager » –, Alexandre Fauquette et Frédéric Pierru n’appréhendent le problème de la détresse psychologique et sociale qu'ils ont observée chez les soignants suspendus qu’en instruisant le procès d’une gouvernance macronienne décrite comme brutale, injuste, voire inhumaine. Jamais ils ne l'envisagent comme la conséquence d'une campagne massive de désinformation pourtant largement documentée.

Une pandémie tombée « à point nommé »

Juriste de formation, Frédéric Pierru est sociologue au CNRS. Il a contribué plusieurs fois au Monde diplomatique. Citoyen engagé, se définissant lui-même comme un « libertaire de gauche », cet ancien porte-parole « santé » de la France Insoumise a frayé avec les Gilets jaunes. On le retrouve ainsi aux côtés de Jérôme Rodrigues, de l'historienne Ludivine Bantigny et des avocats François Boulo et Juan Branco lors d'un événement militant organisé par le média « Cerveaux Non Disponibles » en 2019. Mais c'est surtout sa proximité avec la mouvance covido-complotiste qui pose question.

Frédéric Pierru en discussion avec Louis Fouché (capture d'écran YouTube, 22/02/2024).

Le 22 février dernier, quelques jours après la publication de son papier dans Le Monde diplomatique, Frédéric Pierru est en effet interviewé pendant près de deux heures par l’anesthésiste marseillais Louis Fouché et sa compagne, Carole Cassagne [lien], deux figures centrales de la mouvance covido-complotiste française, pour la chaîne YouTube de l'auto-proclamé « Conseil Scientifique Indépendant ». Le chercheur y révèle que c’est la rédaction du Monde diplomatique qui lui a commandé cet article sur les soignants suspendus. Au-delà de cette question spécifique, on le découvre particulièrement en phase avec les opinions de ses hôtes. Ne cachant pas qu’il aurait préféré que l’État opte pour un confinement localisé plutôt que pour le confinement national du printemps 2020, il dit sa conviction qu’Emmanuel Macron a mis en œuvre « une pédagogie de la soumission des catégories populaires » :

« Macron, il a la chance du diable. Pour faire taire cette contestation populaire de ses politiques, le Covid est tombé à point nommé. Voilà. Et il a appuyé tout de suite sur le bouton nucléaire [le confinement - ndlr]. […] J’ai pas pu m’empêcher de penser qu’il y avait une jouissance du pouvoir sur cette question. »

Au journal Libération, Frédéric Pierru tient des propos analogues, assurant que la suspension des soignants non vaccinés « ne représente rien d’autre qu’une haine de classe ». Loin de chercher à protéger la population, la majorité présidentielle aurait en réalité « voulu punir le populaire »...

Une sociologie dévoyée

L’ancien ministre de la Santé n’est pas le seul à avoir réagi à la mise en avant de cet article par Le Monde diplomatique. On l'a vu, plusieurs médecins ont dit leur indignation face à un « pamphlet » qui alimente la méfiance à l'égard des vaccins. Parmi eux, Mathias Wargon, qui s’était opposé publiquement, l’année dernière, dans les colonnes du Monde, à la réintégration de soignants qui, rappelait-il, ont « rompu avec les obligations de notre profession, dans une défiance de ce qui constitue la pratique médicale fondée sur les études et le consensus scientifique ». Sur X, la philosophe Valérie Kokoszka signale quant à elle que « la vaccination a sauvé des millions de vie, freiné la transmission, protégé les plus fragiles. La perte du sens commun, de la rationalité scientifique et de la solidarité humaine mènent tout droit à ce darwinisme assumé de petits Calliclès de salon qui ne veulent rien sacrifier à la santé collective, à commencer par celle des personnes âgées et des malades. » Toujours sur X, l’historien Hervé Joly, chercheur au CNRS, écrit : « Cet article de deux chercheurs lillois illustre ce que peut être une sociologie dévoyée. On fait une enquête auprès des soignants non-vaccinés suspendus et on reprend leur discours, en les présentant comme les victimes de la dégradation de l'hôpital, ce qui n'a rien à voir ».

Le tollé provoqué par le papier de Fauquette & Pierru est également perceptible dans les commentaires de plusieurs journalistes. « J’ai aimé ce journal, écrit Thomas Huchon. Beaucoup. Depuis quelques années, de moins en moins. J’y ai été depuis insulté par un auteur (Lordon), nos combats contre la désinformation y sont systématiquement moqués ou décrédibilisés, et maintenant ça. Au revoir Diplo, pour moi c’est fini. » Pour Michel Monpontet, Le Monde diplomatique a carrément « perdu la boule » : « Adieu, jadis je vous lisais avec plaisir et intérêt ». Laurent Bazin, lui, évoque un « naufrage ».

Loan Nguyen, ex-journaliste santé à L’Humanité, livre un témoignage qui mérite qu'on s'y arrête :

« Je me souviens, à l'époque, avoir couvert une manif de soignants suspendus : la totalité des personnes croisées tenaient des discours pro-Raoult/Fouché et posaient des recommandations du genre "le covid ça se soigne avec des granions [granules ?] d'argent". Je ne souhaite à personne d'être soigné par des personnes ayant aussi peu le souci de la science. Maintenant que je suis fonctionnaire, je suis choquée par ce mépris total de la notion des devoirs des fonctionnaires qui nous imposent de poser comme priorité le service public. »

Le 8 mai prochain, le « Conseil Scientifique Indépendant » fêtera sa 150ème édition. Pour l'occasion, il réunira, comme l'année dernière, ses membres et amis à Saintes (Charente-Maritimes) pour une journée d'échanges qui vient d'être annoncée par le très conspi-friendly magazine Nexus.

Frédéric Pierru, le co-auteur du papier publié dans Le Monde diplomatique, est aux nombre des intervenants. Il participera à une table-ronde aux côtés du sociologue Laurent Mucchielli. Après un mot d'ouverture de Christian Perronne, plusieurs personnalités évoluant dans la complosphère francophone se succèderont : Louis Fouché (Réinfo Covid), André Bercoff (Sud Radio), Alexandra Henrion-Caude, Vincent Pavan, Gérard Guillaume (Bon Sens), Sophie Audugé (SOS Education) ou encore... Didier Raoult (en vidéo pré-enregistrée).

 

Voir aussi :

Monde diplomatique : vous avez dit "anathème" ?

 

EDIT (23/04/24, 18h26) : Le 8 mai prochain, pour la 150ème édition du CSI, c'est une interview de Didier Raoult en vidéo qui sera projetée aux participants.

EDIT (28/04/24, 12h10) : Au lendemain de la publication du présent article, Frédéric Pierru a adressé à notre rédaction un message comminatoire dans lequel il exigeait que nous retirions notre texte sous peine de poursuites judiciaires, nous accusant de l’avoir diffamé – ce que nous contestons catégoriquement. Parallèlement, il s’est répandu en invectives contre nous et des personnes citées dans notre article. Il a ainsi qualifié Christian Lehmann d’« ultra-libéral » et de « type de droite extrême » et a accusé nommément Mathias Wargon, chef de service des urgences et du SMUR du centre hospitalier Delafontaine (Seine-Saint-Denis), d’avoir « initié » contre lui et son co-auteur un « torrent de boue » sur les réseaux sociaux… Samedi 27 avril, dans une publication sur LinkedIn, Frédéric Pierru a annoncé qu’il renonçait à se rendre à l’événement organisé à Saintes par le « Conseil Scientifique Indépendant ».

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« Le relativisme généralisé, les ambiguïtés sur ce qui vrai et ce qui est faux, vont finir par faire crever nos démocraties. » C’est la mise en garde postée sur X le 16 février dernier par Aurélien Rousseau. L’ancien ministre de la Santé réagissait à la publication d’un article qualifiant d’« erreur » la décision de suspendre, à la mi-septembre 2021, les soignants refusant de se faire vacciner contre le Covid-19.

L’objet du délit a été publié dans l’édition de février du Monde diplomatique. Fruit d'un travail au long cours de recueil de la parole des soignants suspendus, l'article est signé par deux politistes, Alexandre Fauquette et Frédéric Pierru. Ce dernier plaidait dès juillet 2022, dans une tribune publiée dans l'hebdomadaire Marianne, pour la réintégration « urgente » de ces soignants qui, explique-t-il, auraient été crucifiés sur l’autel du cynisme et de la politique sanitaire à courte vue d’un « État maltraitant ».

Martyrs de la dérive répressive du pouvoir macronien, ces professionnels auraient surtout été des esprits lucides qui « souvent voyaient juste » et « maitrisaient mieux les controverses scientifiques que les épidémiologistes improvisés de BFMTV ou CNews » écrivent les deux chercheurs, n'hésitant pas à se demander s'il était judicieux de « faire autant de dégâts humains pour un vaccin qui s’est avéré peu efficace pour empêcher la transmission d’une maladie menaçant en premier lieu la vie des plus âgés et certains malades chroniques ? » (sic).

À la lecture de ces lignes − dont certains, comme les médecins Mathias Wargon et Christian Lehmann, ont relevé les accents indéniablement eugénistes −, on comprend mieux pourquoi le texte d’Alexandre Fauquette et Frédéric Pierru a été rapidement porté aux nues par des figures de la sphère covido-sceptique comme Hélène Banoun, Béatrice Rosen, Myriam Palomba (aujourd'hui co-listière de Florian Philippot pour les élections européennes) ou encore l’eurodéputée RN Virginie Joron.

« Médecins aux ordres de l’Elysée »

Il faut dire que les deux chercheurs n'ont pas ménagé leurs efforts pour montrer patte blanche : le passe sanitaire est ainsi présenté comme une « [condamnation] à la mort sociale [de] tous les réfractaires au vaccin » tandis que les « médecins aux ordres de l’Elysée » (sic) sont fustigés sans que jamais ne soit interrogé le complotisme, parfois délirant, associé à plusieurs des prises de position de ceux qui ont orchestré la contestation contre la vaccination.

Du complotisme, il est pourtant bel et bien question dans l’article de Fauquette & Pierru. Mais une question réduite à une étiquette infâmante que l'on aurait accolée − à tort, cela va sans dire − à des citoyens on ne peut plus rationnels, qui se seraient contentés de cultiver une saine défiance à l’égard d’un pouvoir tenu coupable d'avoir scandaleusement outrepassé ses prérogatives.

Ainsi, les auteurs ne s'attardent pas sur les nombreuses sottises débitées par la mouvance antivax. En fait : ils n'en relèvent aucune. Elles ne manquaient pourtant pas. Rappelez-vous : le vaccin serait en réalité un dangereux poison utilisé dans le cadre d’un projet génocidaire, il aurait provoqué des dizaines de milliers de morts, menacerait gravement les femmes enceintes, il nous rendrait magnétique, modifierait notre ADN, contiendrait des nanoparticules destinées à nous tracer, des hydres ou encore des puces 5G… De toutes ces sornettes, il n’est pas une seule fois question dans le texte de Fauquette & Pierru. Ils préfèrent réserver leurs philippiques aux « obsédés du complotisme » − comprendre : ceux qui, comme nous à Conspiracy Watch par exemple, ont la fantaisie de s'en inquiéter.

Parsemant leur article de phrases qui ne dépareilleraient pas dans la bouche de militants antivax – comme cette évocation d’un « vaccin sorti bien trop vite au regard de la nouveauté de l’emploi de l’ARN messager » –, Alexandre Fauquette et Frédéric Pierru n’appréhendent le problème de la détresse psychologique et sociale qu'ils ont observée chez les soignants suspendus qu’en instruisant le procès d’une gouvernance macronienne décrite comme brutale, injuste, voire inhumaine. Jamais ils ne l'envisagent comme la conséquence d'une campagne massive de désinformation pourtant largement documentée.

Une pandémie tombée « à point nommé »

Juriste de formation, Frédéric Pierru est sociologue au CNRS. Il a contribué plusieurs fois au Monde diplomatique. Citoyen engagé, se définissant lui-même comme un « libertaire de gauche », cet ancien porte-parole « santé » de la France Insoumise a frayé avec les Gilets jaunes. On le retrouve ainsi aux côtés de Jérôme Rodrigues, de l'historienne Ludivine Bantigny et des avocats François Boulo et Juan Branco lors d'un événement militant organisé par le média « Cerveaux Non Disponibles » en 2019. Mais c'est surtout sa proximité avec la mouvance covido-complotiste qui pose question.

Frédéric Pierru en discussion avec Louis Fouché (capture d'écran YouTube, 22/02/2024).

Le 22 février dernier, quelques jours après la publication de son papier dans Le Monde diplomatique, Frédéric Pierru est en effet interviewé pendant près de deux heures par l’anesthésiste marseillais Louis Fouché et sa compagne, Carole Cassagne [lien], deux figures centrales de la mouvance covido-complotiste française, pour la chaîne YouTube de l'auto-proclamé « Conseil Scientifique Indépendant ». Le chercheur y révèle que c’est la rédaction du Monde diplomatique qui lui a commandé cet article sur les soignants suspendus. Au-delà de cette question spécifique, on le découvre particulièrement en phase avec les opinions de ses hôtes. Ne cachant pas qu’il aurait préféré que l’État opte pour un confinement localisé plutôt que pour le confinement national du printemps 2020, il dit sa conviction qu’Emmanuel Macron a mis en œuvre « une pédagogie de la soumission des catégories populaires » :

« Macron, il a la chance du diable. Pour faire taire cette contestation populaire de ses politiques, le Covid est tombé à point nommé. Voilà. Et il a appuyé tout de suite sur le bouton nucléaire [le confinement - ndlr]. […] J’ai pas pu m’empêcher de penser qu’il y avait une jouissance du pouvoir sur cette question. »

Au journal Libération, Frédéric Pierru tient des propos analogues, assurant que la suspension des soignants non vaccinés « ne représente rien d’autre qu’une haine de classe ». Loin de chercher à protéger la population, la majorité présidentielle aurait en réalité « voulu punir le populaire »...

Une sociologie dévoyée

L’ancien ministre de la Santé n’est pas le seul à avoir réagi à la mise en avant de cet article par Le Monde diplomatique. On l'a vu, plusieurs médecins ont dit leur indignation face à un « pamphlet » qui alimente la méfiance à l'égard des vaccins. Parmi eux, Mathias Wargon, qui s’était opposé publiquement, l’année dernière, dans les colonnes du Monde, à la réintégration de soignants qui, rappelait-il, ont « rompu avec les obligations de notre profession, dans une défiance de ce qui constitue la pratique médicale fondée sur les études et le consensus scientifique ». Sur X, la philosophe Valérie Kokoszka signale quant à elle que « la vaccination a sauvé des millions de vie, freiné la transmission, protégé les plus fragiles. La perte du sens commun, de la rationalité scientifique et de la solidarité humaine mènent tout droit à ce darwinisme assumé de petits Calliclès de salon qui ne veulent rien sacrifier à la santé collective, à commencer par celle des personnes âgées et des malades. » Toujours sur X, l’historien Hervé Joly, chercheur au CNRS, écrit : « Cet article de deux chercheurs lillois illustre ce que peut être une sociologie dévoyée. On fait une enquête auprès des soignants non-vaccinés suspendus et on reprend leur discours, en les présentant comme les victimes de la dégradation de l'hôpital, ce qui n'a rien à voir ».

Le tollé provoqué par le papier de Fauquette & Pierru est également perceptible dans les commentaires de plusieurs journalistes. « J’ai aimé ce journal, écrit Thomas Huchon. Beaucoup. Depuis quelques années, de moins en moins. J’y ai été depuis insulté par un auteur (Lordon), nos combats contre la désinformation y sont systématiquement moqués ou décrédibilisés, et maintenant ça. Au revoir Diplo, pour moi c’est fini. » Pour Michel Monpontet, Le Monde diplomatique a carrément « perdu la boule » : « Adieu, jadis je vous lisais avec plaisir et intérêt ». Laurent Bazin, lui, évoque un « naufrage ».

Loan Nguyen, ex-journaliste santé à L’Humanité, livre un témoignage qui mérite qu'on s'y arrête :

« Je me souviens, à l'époque, avoir couvert une manif de soignants suspendus : la totalité des personnes croisées tenaient des discours pro-Raoult/Fouché et posaient des recommandations du genre "le covid ça se soigne avec des granions [granules ?] d'argent". Je ne souhaite à personne d'être soigné par des personnes ayant aussi peu le souci de la science. Maintenant que je suis fonctionnaire, je suis choquée par ce mépris total de la notion des devoirs des fonctionnaires qui nous imposent de poser comme priorité le service public. »

Le 8 mai prochain, le « Conseil Scientifique Indépendant » fêtera sa 150ème édition. Pour l'occasion, il réunira, comme l'année dernière, ses membres et amis à Saintes (Charente-Maritimes) pour une journée d'échanges qui vient d'être annoncée par le très conspi-friendly magazine Nexus.

Frédéric Pierru, le co-auteur du papier publié dans Le Monde diplomatique, est aux nombre des intervenants. Il participera à une table-ronde aux côtés du sociologue Laurent Mucchielli. Après un mot d'ouverture de Christian Perronne, plusieurs personnalités évoluant dans la complosphère francophone se succèderont : Louis Fouché (Réinfo Covid), André Bercoff (Sud Radio), Alexandra Henrion-Caude, Vincent Pavan, Gérard Guillaume (Bon Sens), Sophie Audugé (SOS Education) ou encore... Didier Raoult (en vidéo pré-enregistrée).

 

Voir aussi :

Monde diplomatique : vous avez dit "anathème" ?

 

EDIT (23/04/24, 18h26) : Le 8 mai prochain, pour la 150ème édition du CSI, c'est une interview de Didier Raoult en vidéo qui sera projetée aux participants.

EDIT (28/04/24, 12h10) : Au lendemain de la publication du présent article, Frédéric Pierru a adressé à notre rédaction un message comminatoire dans lequel il exigeait que nous retirions notre texte sous peine de poursuites judiciaires, nous accusant de l’avoir diffamé – ce que nous contestons catégoriquement. Parallèlement, il s’est répandu en invectives contre nous et des personnes citées dans notre article. Il a ainsi qualifié Christian Lehmann d’« ultra-libéral » et de « type de droite extrême » et a accusé nommément Mathias Wargon, chef de service des urgences et du SMUR du centre hospitalier Delafontaine (Seine-Saint-Denis), d’avoir « initié » contre lui et son co-auteur un « torrent de boue » sur les réseaux sociaux… Samedi 27 avril, dans une publication sur LinkedIn, Frédéric Pierru a annoncé qu’il renonçait à se rendre à l’événement organisé à Saintes par le « Conseil Scientifique Indépendant ».

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