Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Attentat de Strasbourg, complotisme et gilets jaunes : l'essentiel de la semaine

Publié par La Rédaction16 décembre 2018

Des gros titres aux petites infos passées inaperçues : ce qu’il fallait retenir de l’actualité des derniers jours en matière de conspirationnisme et de négationnisme.

POST-VÉRITÉ. Professeur à l’École pratique des hautes études, Myriam Revault d’Allonnes vient de publier La Faiblesse du vrai. Ce que la post-vérité fait à notre monde commun (Seuil, octobre 2018). Elle analyse dans cet essai le concept de « post-vérité », utilisé massivement à la suite de la campagne du Brexit et de l’élection de Donald Trump, et interroge les rapports entre politique et vérité. Dans un entretien au Figaro, la philosophe explique qu’ « en remettant en question le caractère essentiel de la vérité, la ‘post-vérité’ laisse entrevoir l’affaiblissement et même l’abolition de sa valeur normative : le partage entre le vrai et le faux s’efface. » Elle précise qu’il ne s’agit pas tant de l’avènement d’une ère du mensonge généralisée que de « la montée en puissance d’une indifférence à la vérité » (source : Le Figaro, 7 décembre 2018).

DÉFIANCE. Dans un entretien au Nouveau magazine littéraire, Rudy Reichstadt, directeur de l’Observatoire du conspirationnisme, revient sur la montée en puissance actuelle des fake news et des théories du complot, facilitée par la pratique des réseaux sociaux. Au sujet de la rencontre entre le mouvement des Gilets jaunes et les thèses complotistes, il fournit l’analyse suivante : « Ce complotisme se nourrit évidemment de la défiance à l’égard des grandes paroles d’autorité – la Science, la Presse, le Pouvoir. Or, le mouvement des Gilets jaunes est précisément le produit d’une crise de confiance profonde envers les élites. Il n’y a donc rien d’étonnant à voir des thèses complotistes circuler sur les réseaux sociaux fréquentés par les Gilets jaunes. » (source : Nouveau magazine littéraire, 10 décembre 2018).

LOI DE 1973. D’après une rumeur remise à l'honneur par les « gilets jaunes », la dette publique aurait été artificiellement créée et résulterait d’une loi de 1973, passée par et sous la présidence de Georges Pompidou pour favoriser les banques, au détriment des citoyens. Partie d’un livre publié en 2008, elle est aujourd’hui fréquemment colportée par Debout la France, le Rassemblement national, Jacques Cheminade ou François Asselineau, mais aussi par de nombreux blogs d’extrême droite et de la gauche radicale (source : Les Décodeurs, 13 décembre 2018). En 2011, l'économiste Alain Beitone avait été l'un des premiers à consacrer une réfutation argumentée du mythe de la loi « Pompidou-Giscard-Rothschild ».

HOMME SUR LA LUNE. Après avoir confié, dans un podcast, qu’il doutait que les hommes soient un jour allés sur la Lune, le joueur américain de basket-ball de la NBA Stephen Curry s’est vu proposé par la NASA la visite de son laboratoire lunaire. Mais le joueur est rapidement revenu sur sa déclaration en affirmant en marge d’un match : « C’était faux à 1000%.  Je plaisantais évidemment sur ce podcast. Je ne disais rien juste pour voir les gens utiliser ce que j’ai dit pour me décrire comme un gars qui croit que le voyage sur la Lune était faux. » Curry a ensuite vanté les bienfaits de l’éducation et de l’information… et accepté l’invitation de la NASA. Peut-être le début de l’ère des « fake fake news » ? (source : CNews, 11 décembre 2018 ; Fredzone.org, 15 décembre 2018).

STRASBOURG. L’attaque terroriste de Strasbourg du 11 décembre au soir a déclenché une vague complotiste, inédite par son ampleur et par son télescopage avec le mouvement des Gilets jaunes. Au lendemain de son allocution télévisée, Emmanuel Macron aurait cherché, par le déclenchement d’un attentat, à détourner l’attention des Français pour empêcher l’« Acte 5 » de la mobilisation. Maxime Nicolle, figure emblématique du mouvement (auquel Les Inrocks ont consacré un portrait le 15 décembre 2018), s’est ainsi immédiatement fendu d’un commentaire expliquant, notamment, qu’ « un mec qui veut faire un attentat vraiment, il attend pas qu’il y ait trois personnes dans la rue le soir à 20h00. Il va en plein milieu des Champs-Élysées quand il y a des millions de personnes et il se fait exploser. Le reste, c’est des effets pour faire peur. » 

Vendredi 14 décembre, dans l'émission « Balance ton post ! », sur C8, deux Gilets jaunes ont à nouveau créé le malaise en insinuant que le gouvernement mentait sur l'attentat de Strasbourg (source : Conspiracy Watch, 16 décembre 2018). Le phénomène n’est pas minoritaire, comme l’a montré Tristan Mendès France, en révélant cette tendance forte sur les réseaux sociaux, notamment sur les groupes Facebook de gilets jaunes. L’essayiste a pu rappeler dans un entretien au Journal du Dimanche, entre autres facteurs explicatifs, les conséquences du discrédit actuel de la parole médiatique : « Cela libère un espace non contrôlé dans lequel tout est nivelé et où toute parole a sa place. Une information d’un média de référence ne vaut pas plus qu’un témoignage d’une personne lambda sur un groupe Facebook. » (source : JDD, 12 décembre 2018). On lira également sur ce sujet les commentaires de Rudy Reichstadt interrogé par le journal Le Point. Cette poussée sans précédent a provoqué des réactions officielles de politiques tels que Bruno Studer, député LREM du Bas-Rhin, à l’Assemblée nationale, ou Adrien Quatennens, député LFI du Nord, appelant à ne pas relayer les fausses informations. On écoutera en outre les mises au point journalistiques de Thomas Legrand, pointant la responsabilité des hommes politiques, de certains intellectuels et des grands médias, et de Jean Birnbaum, rappelant la dimension « profondément égocentrique » du complotisme. Il faut enfin noter que les contenus complotistes ont suscité des réactions de désaccord chez les Gilets jaunes, allant jusqu’à provoquer la fermeture des commentaires sur certaines pages Facebook (source : Huffington Post, 12 décembre 2018 ; nouvelobs.com, 12 décembre 2018.

Stéphane Blet (capture d'écran YouTube, décembre 2018)

« LOBBY JUIF ». On a vu émerger au sein du mouvement des Gilets jaunes des manifestations d’antisémitisme inspirées par les stéréotypes traditionnels de domination et de « lobbies juifs », qui pèseraient de tout leur poids sur le président de la République française. Elles empruntent essentiellement la forme de graffitis, de menaces visant des lieux spécifiques, d’attaques sur les réseaux sociaux, de vidéos comme celle du pianiste Stéphane Blet, adepte de Dieudonné M’Bala M’Bala et d’Alain Soral, exhortant les manifestants à « comprendre que le véritable ennemi, ce sont les Juifs »… (source : Courrier international, 14 décembre 2018).

TERRORISTES. Des intox conspirationnistes ont été partagées de manière virale à la suite de l'attaque de Strasbourg. Ainsi BFM TV et Emmanuel Macron auraient soi-disant annoncé l’attaque avant même qu’elle n’ait eu lieu. On devrait également à un compte israélien la divulgation de l’identité de l’auteur de Chérif Chekatt avant toute le monde. Le site de fact-checking AFP-Factuel s’est penché sur quelques-unes de ces rumeurs (source : AFP, 14 décembre 2018). Les Décodeurs ont également dû venir corriger l’idée selon laquelle les terroristes seraient systématiquement abattus par la police, revenant sur les attentats de ces dernières années et rappelant l’importance de ces interpellations pour les enquêteurs (source : Les Décodeurs, 14 décembre 2018).

STRATÉGIE DU CHAOS. Pour discuter du mouvement des Gilets jaunes, BTLV, « premier site multimédia qui étudient (sic) quotidiennement les sujets de l’irrationnel » et « lieu de rendez-vous incontournable pour tous ceux qui cherchent à comprendre notre place dans l’univers », avait fixé la barre haut en sollicitant le 5 décembre les éclairages de Philippe Pascot, Étienne Chouard et de Jean Lassalle. Au cours de ce long échange, le député des Pyrénées-Atlantique a notamment affirmé que « c'est la CIA qui entièrement qui a voulu lancer ces Printemps arabes pour mieux neutraliser et foutre en l’air des gens de façon à mettre le chaos absolu […] pour préparer cette globalisation qui permet à la finance de tout gérer. » Lassalle a également révélé sa grande admiration pour Étienne Chouard qui, en duplex, brandissait une feuille sur laquelle était écrit : « Ils veulent le chaos pour nous imposer leur nouveau régime (suppression de tous les contre-pouvoirs aux riches) » (source : YouTube, 5 décembre 2018  ). On notera que Chouard, figure de la complosphère d’extrême droite, s’est vu offrir une longue interview par Russia Today France au cours de laquelle il a pu exposer tout le mal qu’il pense de « l’anti-Constitution de 1958 » et de la démocratie représentative.

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Des gros titres aux petites infos passées inaperçues : ce qu’il fallait retenir de l’actualité des derniers jours en matière de conspirationnisme et de négationnisme.

POST-VÉRITÉ. Professeur à l’École pratique des hautes études, Myriam Revault d’Allonnes vient de publier La Faiblesse du vrai. Ce que la post-vérité fait à notre monde commun (Seuil, octobre 2018). Elle analyse dans cet essai le concept de « post-vérité », utilisé massivement à la suite de la campagne du Brexit et de l’élection de Donald Trump, et interroge les rapports entre politique et vérité. Dans un entretien au Figaro, la philosophe explique qu’ « en remettant en question le caractère essentiel de la vérité, la ‘post-vérité’ laisse entrevoir l’affaiblissement et même l’abolition de sa valeur normative : le partage entre le vrai et le faux s’efface. » Elle précise qu’il ne s’agit pas tant de l’avènement d’une ère du mensonge généralisée que de « la montée en puissance d’une indifférence à la vérité » (source : Le Figaro, 7 décembre 2018).

DÉFIANCE. Dans un entretien au Nouveau magazine littéraire, Rudy Reichstadt, directeur de l’Observatoire du conspirationnisme, revient sur la montée en puissance actuelle des fake news et des théories du complot, facilitée par la pratique des réseaux sociaux. Au sujet de la rencontre entre le mouvement des Gilets jaunes et les thèses complotistes, il fournit l’analyse suivante : « Ce complotisme se nourrit évidemment de la défiance à l’égard des grandes paroles d’autorité – la Science, la Presse, le Pouvoir. Or, le mouvement des Gilets jaunes est précisément le produit d’une crise de confiance profonde envers les élites. Il n’y a donc rien d’étonnant à voir des thèses complotistes circuler sur les réseaux sociaux fréquentés par les Gilets jaunes. » (source : Nouveau magazine littéraire, 10 décembre 2018).

LOI DE 1973. D’après une rumeur remise à l'honneur par les « gilets jaunes », la dette publique aurait été artificiellement créée et résulterait d’une loi de 1973, passée par et sous la présidence de Georges Pompidou pour favoriser les banques, au détriment des citoyens. Partie d’un livre publié en 2008, elle est aujourd’hui fréquemment colportée par Debout la France, le Rassemblement national, Jacques Cheminade ou François Asselineau, mais aussi par de nombreux blogs d’extrême droite et de la gauche radicale (source : Les Décodeurs, 13 décembre 2018). En 2011, l'économiste Alain Beitone avait été l'un des premiers à consacrer une réfutation argumentée du mythe de la loi « Pompidou-Giscard-Rothschild ».

HOMME SUR LA LUNE. Après avoir confié, dans un podcast, qu’il doutait que les hommes soient un jour allés sur la Lune, le joueur américain de basket-ball de la NBA Stephen Curry s’est vu proposé par la NASA la visite de son laboratoire lunaire. Mais le joueur est rapidement revenu sur sa déclaration en affirmant en marge d’un match : « C’était faux à 1000%.  Je plaisantais évidemment sur ce podcast. Je ne disais rien juste pour voir les gens utiliser ce que j’ai dit pour me décrire comme un gars qui croit que le voyage sur la Lune était faux. » Curry a ensuite vanté les bienfaits de l’éducation et de l’information… et accepté l’invitation de la NASA. Peut-être le début de l’ère des « fake fake news » ? (source : CNews, 11 décembre 2018 ; Fredzone.org, 15 décembre 2018).

STRASBOURG. L’attaque terroriste de Strasbourg du 11 décembre au soir a déclenché une vague complotiste, inédite par son ampleur et par son télescopage avec le mouvement des Gilets jaunes. Au lendemain de son allocution télévisée, Emmanuel Macron aurait cherché, par le déclenchement d’un attentat, à détourner l’attention des Français pour empêcher l’« Acte 5 » de la mobilisation. Maxime Nicolle, figure emblématique du mouvement (auquel Les Inrocks ont consacré un portrait le 15 décembre 2018), s’est ainsi immédiatement fendu d’un commentaire expliquant, notamment, qu’ « un mec qui veut faire un attentat vraiment, il attend pas qu’il y ait trois personnes dans la rue le soir à 20h00. Il va en plein milieu des Champs-Élysées quand il y a des millions de personnes et il se fait exploser. Le reste, c’est des effets pour faire peur. » 

Vendredi 14 décembre, dans l'émission « Balance ton post ! », sur C8, deux Gilets jaunes ont à nouveau créé le malaise en insinuant que le gouvernement mentait sur l'attentat de Strasbourg (source : Conspiracy Watch, 16 décembre 2018). Le phénomène n’est pas minoritaire, comme l’a montré Tristan Mendès France, en révélant cette tendance forte sur les réseaux sociaux, notamment sur les groupes Facebook de gilets jaunes. L’essayiste a pu rappeler dans un entretien au Journal du Dimanche, entre autres facteurs explicatifs, les conséquences du discrédit actuel de la parole médiatique : « Cela libère un espace non contrôlé dans lequel tout est nivelé et où toute parole a sa place. Une information d’un média de référence ne vaut pas plus qu’un témoignage d’une personne lambda sur un groupe Facebook. » (source : JDD, 12 décembre 2018). On lira également sur ce sujet les commentaires de Rudy Reichstadt interrogé par le journal Le Point. Cette poussée sans précédent a provoqué des réactions officielles de politiques tels que Bruno Studer, député LREM du Bas-Rhin, à l’Assemblée nationale, ou Adrien Quatennens, député LFI du Nord, appelant à ne pas relayer les fausses informations. On écoutera en outre les mises au point journalistiques de Thomas Legrand, pointant la responsabilité des hommes politiques, de certains intellectuels et des grands médias, et de Jean Birnbaum, rappelant la dimension « profondément égocentrique » du complotisme. Il faut enfin noter que les contenus complotistes ont suscité des réactions de désaccord chez les Gilets jaunes, allant jusqu’à provoquer la fermeture des commentaires sur certaines pages Facebook (source : Huffington Post, 12 décembre 2018 ; nouvelobs.com, 12 décembre 2018.

Stéphane Blet (capture d'écran YouTube, décembre 2018)

« LOBBY JUIF ». On a vu émerger au sein du mouvement des Gilets jaunes des manifestations d’antisémitisme inspirées par les stéréotypes traditionnels de domination et de « lobbies juifs », qui pèseraient de tout leur poids sur le président de la République française. Elles empruntent essentiellement la forme de graffitis, de menaces visant des lieux spécifiques, d’attaques sur les réseaux sociaux, de vidéos comme celle du pianiste Stéphane Blet, adepte de Dieudonné M’Bala M’Bala et d’Alain Soral, exhortant les manifestants à « comprendre que le véritable ennemi, ce sont les Juifs »… (source : Courrier international, 14 décembre 2018).

TERRORISTES. Des intox conspirationnistes ont été partagées de manière virale à la suite de l'attaque de Strasbourg. Ainsi BFM TV et Emmanuel Macron auraient soi-disant annoncé l’attaque avant même qu’elle n’ait eu lieu. On devrait également à un compte israélien la divulgation de l’identité de l’auteur de Chérif Chekatt avant toute le monde. Le site de fact-checking AFP-Factuel s’est penché sur quelques-unes de ces rumeurs (source : AFP, 14 décembre 2018). Les Décodeurs ont également dû venir corriger l’idée selon laquelle les terroristes seraient systématiquement abattus par la police, revenant sur les attentats de ces dernières années et rappelant l’importance de ces interpellations pour les enquêteurs (source : Les Décodeurs, 14 décembre 2018).

STRATÉGIE DU CHAOS. Pour discuter du mouvement des Gilets jaunes, BTLV, « premier site multimédia qui étudient (sic) quotidiennement les sujets de l’irrationnel » et « lieu de rendez-vous incontournable pour tous ceux qui cherchent à comprendre notre place dans l’univers », avait fixé la barre haut en sollicitant le 5 décembre les éclairages de Philippe Pascot, Étienne Chouard et de Jean Lassalle. Au cours de ce long échange, le député des Pyrénées-Atlantique a notamment affirmé que « c'est la CIA qui entièrement qui a voulu lancer ces Printemps arabes pour mieux neutraliser et foutre en l’air des gens de façon à mettre le chaos absolu […] pour préparer cette globalisation qui permet à la finance de tout gérer. » Lassalle a également révélé sa grande admiration pour Étienne Chouard qui, en duplex, brandissait une feuille sur laquelle était écrit : « Ils veulent le chaos pour nous imposer leur nouveau régime (suppression de tous les contre-pouvoirs aux riches) » (source : YouTube, 5 décembre 2018  ). On notera que Chouard, figure de la complosphère d’extrême droite, s’est vu offrir une longue interview par Russia Today France au cours de laquelle il a pu exposer tout le mal qu’il pense de « l’anti-Constitution de 1958 » et de la démocratie représentative.

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