Plusieurs figures d’extrême droite, mais aussi conspirationnistes, ont participé à la manifestation « Unite The Kingdom », organisée samedi dernier dans la capitale britannique pour marteler un message anti-immigration sous couvert de défendre la liberté d’expression.

C’est une véritable marée humaine garnie de drapeaux anglais et britanniques qui a déferlé sur Londres samedi 13 septembre. Entre 100 000 et 150 000 personnes s'y sont réunies pour « la liberté d’expression » et contre l’immigration, à l’appel de Tommy Robinson, un activiste d’extrême droite identitaire. Quelques jours plus tôt, l’assassinat de l’influenceur ultra-conservateur américain Charlie Kirk a participé à échauffer l’esprit des manifestants. « Unite The Kingdom » serait même le « plus grand défilé nationaliste depuis des décennies » au Royaume-Uni selon The Guardian.
Plusieurs figures complotistes et d’extrême droite, venues du monde entier, ont pu être aperçues dans les épais rangs de cette mobilisation largement anti-musulmane. Le président du parti Reconquête ! Eric Zemmour – qui vient d’être définitivement condamné pour provocation à la haine raciale et injures racistes – était notamment présent. « Le peuple anglais qui descend dans la rue pour dire “nous voulons rester Anglais”, c'est la volonté de lutter contre l'islamisation de l'Angleterre et de toute l’Europe », a-t-il justifié dans une interview à France Info. Eric Zemmour était aussi accompagné du polémiste d’extrême droite Jean Messiha.
Elon Musk a également soutenu la manifestation à distance et est apparu sur des écrans géants pour y tenir un discours. « Que vous choisissiez ou non la violence, la violence viendra à vous. Soit vous ripostez, soit vous mourrez ! », a-t-il lancé à une foule galvanisée par ses propos. Un exercice qu'affectionne le milliardaire américain, qui propage allègrement des intox complotistes et multiplie les clins d'oeil à l'extrême droite européenne. Steve Bannon, l’ancien conseiller de Donald Trump, connu pour ses prises de position populistes et xénophobes, était également annoncé parmi les intervenants (il n'a finalement pas fait le déplacement à Londres).
L’Américaine Valentina Gomez a aussi été aperçue. Les réseaux sociaux de cette candidate trumpiste au Congrès du Texas regorgent de contenus à caractère haineux et violent. Dans des vidéos postées sur X, on peut par exemple la voir brûler au lance-flammes des livres sur la sexualité et sur la cause LGBT+. Ou bien tirer sur un mannequin représentant « les personnes sans papiers qui commettent des crimes violents » et qui, selon elle, « méritent d’être éliminés ». Valentina Gomez a par ailleurs largement partagé sa présence à la manifestation britannique sur X, et a posté une photo en compagnie de Tommy Robinson, écrivant : « nous sommes les plus grands ennemis des violeurs musulmans et des politiciens corrompus » (sic). La plupart des manifestants se sont en effet mobilisés sur la base de la conviction que les migrants agressent et violent les Britanniques et que le gouvernement du Royaume-Uni laisse faire au nom du « Grand Remplacement ».
Unite The Kingdom 🇺🇸 🇬🇧@TRobinsonNewEra
We are the biggest enemies to the rapists muslims & corrupt politicians. pic.twitter.com/nNyLjuzfSq
— Valentina Gomez (@ValentinaForUSA) September 13, 2025
« Nous sommes la génération remigration », a-t-on pu entendre sur ce même podium. Un cri du cœur de l’éditorialiste néerlandaise Eva Vlaardingerbroek. Cette influenceuse d’extrême droite a été régulièrement invitée dans l’émission de Tucker Carlson, lui aussi figure majeure de la complosphère américaine et internationale.
« Nous assistons au viol, au remplacement et au meurtre de notre peuple. Ce n'est pas le moment de rester calme et de continuer ; c'est le moment de riposter [...]. Nous nous battons pour Charlie Kirk, nous nous battons pour nos nations, nous nous battons pour nos enfants. [...] Nous nous battons cette fois parce qu’ils demandent le sacrifice de nos enfants sur l’autel de l’immigration de masse », a-t-elle également scandé sur scène.
Pour les instigateurs de cette manifestation, « ils » symbolise ici le pouvoir britannique, accusé de promouvoir l’arrivée de migrants au détriment de la population autochtone. Comme souvent, les conspirationnistes jouent sur la corde sensible de l’enfance en danger pour justifier la radicalité d’un discours classiquement xénophobe.
Le « Grand Remplacement » n'est pas la seule obsession complotiste qui anime les manifestants. La militante souverainiste britannique Katie Hopkins a par exemple été invitée à s’exprimer sur le podium. La chroniqueuse est connue pour diffuser des propos racistes, homophobes ou encore grossophobes sur ses réseaux sociaux. C’est aussi une covido-sceptique notoire, qui a même été expulsée d’Australie en 2021, après s’être vantée publiquement d’esquiver toutes les restrictions sanitaires.
L’acteur britannique d’extrême droite Laurence Fox faisait aussi partie de la manifestation. Il s'était illustré durant la pandémie en encourageant la population à ne pas respecter la distanciation physique lors de la pandémie. C’est surtout un farouche opposant aux droits des LGBT : il a notamment comparé les drag queens de la cérémonie des JO de Paris 2024 à des « petits pédophiles déviants ». En 2022, il avait également posté une image d’un drapeau LGBT en forme de croix gammée…
Un membre de l’Afd, le parti d’extrême droite allemand a également pris la parole. Il s’agit de Petr Bystron, qui siège au Bundestag et s’était distingué en 2022 en publiant sur Twitter un photomontage représentant des personnalités politiques − dont les ex-chanceliers Angela Merkel et Olaf Scholz − exécutant un salut nazi. Pro-russe − les renseignements tchèques l'accusent d'avoir reçu de l'argent d'un réseau de propagande lié au Kremlin − l'élu dénonce les agissements de « Big Pharma » et encense Jay Bhattacharya, le nouveau directeur du National Institute of Health nommé par Donald Trump, pour sa méfiance envers la vaccination par ARN messager.
„UNITE THE KINGDOM🇬🇧“ in London: „Wir werden um Europa kämpfen!“ | Petr Bystron (@AfD | MdEP)
London ruft – und @PetrBystronAfD antwortet! Bei einer historischen Kundgebung mit über einer halben Million Patrioten richtete er kraftvolle Worte an das britische Volk – und an ganz… pic.twitter.com/PFFO1iOWie
— Deutschland Kurier (@Deu_Kurier) September 15, 2025
Le « succès » de cette manifestation est notamment dû à l’influence de son organisateur Tommy Robinson. Malgré ses condamnations et ses idées ouvertement xénophobes, il ne cesse de gagner en popularité : plus de 1,6 million de personnes le suivent sur X.
De son vrai nom Stephen Yaxley-Lennon, ce quadragénaire né à Luton, en Angleterre, est devenu l’une des figures les plus influentes de l’extrême droite au Royaume-Uni. Au départ, il fait partie de la mouvance hooligan. En 2009, il fonde l’English Defense League, un mouvement identitaire anti-musulman, qu’il finit par quitter quatre ans plus tard. Tommy Robinson cumule les déboires judiciaires. Il a été condamné à de multiples reprises, pour hooliganisme, agression sur un policier, fraudes hypothécaire et fraude de passeport, recel de drogues ou encore trouble à l’ordre public. Après plusieurs mois passés en prison pour avoir transgressé une décision de justice lui interdisant de tenir des propos diffamatoires contre un réfugié syrien, il est libéré en avril 2025. Elon Musk avait d’ailleurs plaidé sa cause.
Le Britannique n’hésite pas à instrumentaliser des événements dramatiques. Après le meurtre de trois petites filles à Southport en juillet 2024, il accuse le tueur d’être un migrant musulman (l’enquête révélera qu’il s’agit d’un jeune homme d’origine rwandaise), contribuant aux violentes émeutes anti-musulmanes pendant plusieurs semaines au Royaume-Uni. Durant l’été 2025, le pays est à nouveau secoué par de virulentes manifestations d’extrême droite devant des lieux d’accueil pour migrants. Là encore, Tommy Robinson est à l’origine de ces mobilisations. C’est d’ailleurs un fervent défenseur de la thèse du « Grand Remplacement » et un promoteur de la « remigration ». Il a notamment co-écrit un livre en 2024, Manifesto, arguant qu’il résulte de « 5 années de recherche détaillant le grand remplacement par la migration de masse ».
Tommy Robinson se montre notamment antivax et covido-sceptique lorsqu’il publie la vidéo d’une femme assurant qu’elle est tombée malade à la suite du vaccin contre le Covid. « Quiconque est encore aveugle aux effets du vaccin doit vraiment se réveiller, c'est fou que les gens continuent à le prendre », écrit-il par exemple sur X en mai 2024. Il poste aussi régulièrement des tweets pro-Poutine, où il salue un soi-disant mode de vie russe plus proche des valeurs traditionnelles, au contraire du Royaume-Uni qui glisserait vers la décadence.
Plusieurs jours après cette marche, Tommy Robinson se félicite encore de l’ampleur qu’elle a prise. Ces appels à dénoncer l’immigration de masse se répètent depuis plusieurs mois, mais semblent avoir pris un tournant avec la présence samedi 13 septembre d’Elon Musk, qui a même appelé à dissoudre le Parlement britannique.
(Mise à jour du 19/09/2025 : rectification concernant la présence de Steve Bannon à la manifestation)
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