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[COMPLORAMA] Roumanie, le complotisme à l'heure des élections

À deux jours de l’élection présidentielle roumaine, les théories complotistes s’invitent dans le débat électoral. Nationaliste, antivax et fan de Donald Trump, le candidat d’extrême droite George Simion donne du grain à moudre à la sphère complotiste déjà bien implantée en Roumanie.

COMPLORAMA : Roumanie, le complotisme à l'heure des élections

"Je pense que nous avons complètement démoli les mondialistes ici, en Roumanie, nous avons gagné", s'est exprimé George Simion le 5 mai dernier au micro de Steeve Bannon dans son podcast WarRoom, bien connu pour son penchant complotiste. À l'issue du premier tour des élections présidentielles, le candidat roumain d'extrême droite a récolté plus de 40% des voix. Ce dimanche, il affrontera l'actuel maire de Bucarest, le centriste et pro-européen Nicușor Dan. Deux candidats que tout oppose.

Alors que la Covid 19 relèverait d'une "dictature sanitaire", la Moldavie serait un pays "artificiel". Le nationaliste George Simion est friand des théories complotistes. "Outre le fait qu'il soit lui-même un fan absolu de Donald Trump, on le voit surtout fricoter avec la frange radicale et complotiste des fans de Trump", observe Tristan Mendès France. Son intervention au micro de l'ancien conseiller à la Maison Blanche Steeve Bannon n'est pas son unique apparition auprès des proches du président américain. Pour Tristan Mendès France : "Ces interventions médiatiques s'inscrivent dans une stratégie de rapprochement entre mouvements populistes américains et européens par le biais de la complosphère."

De Georgescu à Simion, une continuité complotiste

Pleines de rebondissements, les élections roumaines ont laissé le champ libre à la complosphère. Avant la candidature de George Simion, un premier tour des élections avait eu lieu le 24 novembre 2024, laissant Câlin Georgescu, le "messie de TikTok", en tête des suffrages. "C'est quelqu'un qui ne croit pas au réchauffement climatique, c'est aussi un covidosceptique. Il croit que les aliments contiendraient des puces nanotechnologiques servant à relier le corps humain à des ordinateurs. Il est convaincu que l'ONU aurait un projet de dépopulation mondiale", explicite Rudy Reichstadt. Mais le 6 décembre 2024, la Cour constitutionnelle a annulé le vote après des soupçons d'ingérence russe. Des documents déclassifiés par la présidence roumaine détaillaient les allégations visant le candidat d'extrême droite Calin Georgescu, prorusse et opposé à l'aide à l'Ukraine. Selon les autorités, les données obtenues "révèlent une campagne de promotion agressive, en violation de la législation électorale, et une exploitation des algorithmes pour accroître la popularité de Calin Georgescu de manière accélérée". Une accusation que la Russie dément, mais cette décision a temporairement rebattu les cartes avant que George Simion ne prenne la suite de la compétition électorale.

Cette situation inédite interpelle. D'un côté, "un narratif conspirationniste significatif qui hurle au ‘déni de démocratie' de la part de gens qui, il faut tout de même le souligner, sont tout sauf des démocrates", analyse Rudy Reichstadt. De l'autre, "ça dit quelque chose de l'ampleur des ingérences russes et du problème des plateformes comme TikTok. Surtout dans un contexte où l'extrême droite roumaine a toute la sympathie de la Maison Blanche", continue-t-il.

Un pays perméable aux théories du complot

Une enquête menée par GLOBSEC en 2022 a classé la Roumanie parmi les trois pays de l'Union européenne où la population est la plus encline à croire aux théories du complot, avec 39 % des personnes interrogées adhérant à des récits de désinformation ou complotistes. Un constat particulièrement flagrant pendant la période du Covid-19. Selon une autre étude publiée en 2022 dans la revue scientifique Vaccines qui s'est penchée sur les raisons du refus de la vaccination en Roumanie en 2021, environ 33% des sondés pensaient que les médecins étaient payés pour administrer un vaccin destiné à réduire la population mondiale.

Lors d'un discours au Sénat roumain, le 8 février 2023, l'eurodéputée Diana Șoșoacă a affirmé l'existence d'une "véritable campagne d'extermination de masse", notamment "par l'intermédiaire de prétendues pandémies et de la nécessité imminente d'injecter des vaccins non testés qui tuent". À l'aube des élections présidentielles, la Roumanie reste largement perméable aux théories complotistes. "Si George Simion perd, il y a peu de doute sur le fait qu'il attisera le complotisme électoral et s'il gagne, il va tenter de conforter son mandat en attaquant les institutions démocratiques", conclut Tristan Mendès France.


"Roumanie, le complotisme à l'heure des élections", c'est le 89e épisode de Complorama avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférences associé à l'université Paris-Cité, spécialiste des cultures numériques et membre de l'observatoire du conspirationnisme. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l'application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcastsPodcast AddictSpotify, ou Deezer.

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