
Le week-end dernier, 3 millions de Vénézuéliens sont allés voter pour désigner celui qui sera le candidat unique de l’opposition pour affronter Hugo Chávez aux élections présidentielles d’octobre 2012. Le vainqueur de la primaire s’appelle Henrique Capriles Radonski.
Gouverneur de l’Etat de Miranda, Capriles, 39 ans, dirige le parti centriste Primero Justicia. Se décrivant lui-même comme un « catholique fervent », cet avocat de formation dit puiser son inspiration dans le bilan de l’ancien président brésilien Lula qui « a su combiner initiative privée et politique sociale ». Les médias « bolivariens » dénoncent quant à eux en Henrique Capriles un « bourgeois » doublé d’un « fasciste ».
Le 13 février, la Radio nationale du Venezuela (RNV) a enfoncé le clou en mettant en ligne sur son site – qui dépend du gouvernement vénézuélien – un texte d’Adal Hernandez entièrement consacré au leader de l’opposition et intitulé « L’Ennemi est le Sionisme ». L’article reproche à Capriles (« le sioniste ») d’être lié secrètement à « l’oligarchie », la CIA, l’Opus Dei, et l’Etat d’Israël. Il conclut en expliquant que la présidentielle d’octobre 2012 se jouera entre « la révolution bolivarienne (…) et le sionisme international, qui menace de détruire la planète que nous habitons » (sic).
Accusées à plusieurs reprises de complaisance à l’égard de l’antisémitisme, voire d’attiser délibérément le ressentiment contre les Juifs, les autorités vénézueliennes n’ont cessé d’affirmer officiellement qu’elles condamnaient tout racisme à l’égard de quelque communauté que ce soit. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chávez, la moitié de la petite communauté juive du Venezuela a cependant quitté le pays.
Voir aussi :
* Quand Hugo Chávez célèbre un idéologue négationniste et conspirationniste
* Les Protocoles des Sages de Sion s’invitent sur la radio nationale vénézuélienne
Chavez, grand admirateur de Kadhafi et meilleur ami des mollahs [et du démocratique Bélarus, comme on peut le voir sur le journal pro-Chavez Kikiriki], nous gratifie de sa brillante analyse des malheurs du monde : le sionisme international. Que n’y avions-nous pensé plus tôt ?
Des héroïques journalistes de ce journal d’information n’ont pas hésité à mettre en évidence l’indiscutable preuve de la malfaisance des juifs : le Magen David malfaisant sur le revers de la veste de cet opposant à la Lumière des Andes [ben quoi, il y avait bien le Génie des Carpates et l’Étoile polaire de Corée !]
Heureusement pour le monde, l’eschatologie chiite promet de bientôt nous débarrasser de ce cancer.
REVISIONNISME ET ANTI-SEMITISME SOUS LES TROPIQUES par Jacobo Machover*
Il est des écrits qui font frémir, ou vomir, selon le tempérament de chacun. Ou bien les deux. En ce moment ce ne sont malheureusement pas les exemples qui manquent. A côté de la liste d’intellectuels dressée par Tarik Ramadan, à côté des blagues sinistres de Dieudonné, il y a bien d’autres exemples de pamphlets antisémites et/ou révisionnistes. Parmi eux, ceux d’une certaine Maria Poumier.
« Mais qui est donc cette Maria Poumier que personne ne connaît ? », demandait-elle elle-même, dans une tentative d’auto dérision écrite il y a quelques années, lorsqu’elle et ses acolytes pouvaient passer pour de simples hurluberlus qui prétendaient que les chambres à gaz n’avaient existé que dans l’esprit du lobby juif. Elle était, à l’époque, et elle l’est restée, le bras droit, le faire-valoir, du trop célèbre révisionniste Roger Garaudy. Maître de conférences à l’Université Paris VIII (Saint-Denis), où a eu lieu, il y a quelque temps, une exposition sur la Palestine ornée de sentences du même Garaudy, elle est spécialiste de la littérature latino-américaine et particulièrement cubaine, dont elle a traduit quelques grands noms. Cela l’a amenée à soutenir en toutes circonstances le régime castriste et à appuyer, avec quelques autres « intellectuels » la répression menée au printemps dernier, qui s’est traduite par la condamnation de nombreux dissidents pacifiques à des peines allant jusqu’à 28 ans de prison et par l’exécution de trois jeunes qui avaient tenté de détourner, sans verser de sang, une embarcation vers la Floride.
C’est aussi l’une des animatrices du site web Cuba Solidarity Project , qui se consacre à défendre les paroles et les actes du Líder Máximo et à dénigrer tous ceux qui s’opposent à lui, tant à l’intérieur de l’île qu’en exil. Sur ce site, sévit également un certain Israël Shamir, qui se prétend juif israëlien anti-sioniste (en fait, il ne s’appelle pas comme cela et n’est pas juif non plus). Celui-ci a écrit récemment un livre intitulé La face cachée d’Israël, publié en octobre 2003 aux éditions Blanche (filiale de Balland, dirigée par Frank Spengler, le fils de Régine Deforges, adepte fervente à la fois du castro-guevarisme et de la cause palestinienne) et retiré de la vente au bout de deux semaines car, selon le responsable de la maison-mère, « la traduction française avait été lue trop rapidement » (à la suite de véhémentes protestations, dont celle de notre confrère Proche-Orient.Info. N.D.L.R. ). Le livre était traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier, animateur du site La Maison d’Orient et révisé par… Maria Poumier. En écrivant à son adresse e-mail, ceux qui n’ont pu acheter le livre peuvent se le procurer.
Ce n’est d’ailleurs pas le seul ouvrage qu’elle diffuse gracieusement. Pendant des années, elle s’est chargée d’envoyer, en même temps que ses conseils à des étudiants paumés qui rédigeaient des Maîtrises sous sa direction, des exemplaires du pamphlet de Garaudy, Les mythes fondateurs de l’Etat d’Israël, livre interdit en France et dont l’auteur a été condamné pour ses thèses répugnantes. Garaudy, néanmoins, est une véritable figure dans certains pays arabes ; il dirige aussi le musée de la Calahorra à Cordoue, en Andalousie, théoriquement consacré à l’Espagne des trois religions, mais servant de cache-sexe à de la propagande islamiste.
Maria Poumier, donc, est à la fois la gardienne du temple et la probable héritière de son illustre maître. Mais elle aussi écrit. Prenons un exemple. L’article s’appelle « Le sionisme en Amérique Latine ». Dans un extraordinaire charabia, elle reprend à son compte tous les poncifs sur la volonté des juifs de dominer le monde à travers les Américains et désigne les responsables. Je cite dans le désordre quelques exemples : « Bush se lavant les mains des initiatives génocidaires de Sharon » ; « Clinton, otage du lobby depuis l’affaire Monica Lewinsky (Poumier ajoute : « rappelons par exemple le rôle de CNN dans l’affaire Monica Lewinsky, dont cette chaîne montra jusqu’aux moindres détails, mais cacha l’information décisive : cette jeune femme appartient à une importante famille juive conservatrice» ; « depuis l’origine, d’ailleurs, les dirigeants de la CIA sont juifs »; « certains mettent encore en doute l’influence hégémonique du lobby juif dans la logique de l’impérialisme nord-américain toutes confessions confondues » D’autres dirigeants américains, juifs ou présumés juifs, sont explicitement désignés : Kissinger, Donald Rumsfeld et d’autres.
Rapprochons-nous à présent du monde hispanique, dont Maria Poumier est considérée comme une «spécialiste». L’expulsion des juifs d’Espagne, qui eut lieu en 1492 dans des conditions terribles et qui fut précédée de la promulgation par les Rois catholiques des « statuts de pureté du sang » est ainsi interprétée : « la monarchie espagnole expulsait massivement les commerçants juifs » (comme si tous les juifs espagnols étaient des commerçants). Plus près de nous, l’universitaire n’hésite pas à mentionner « l’hypothèse d’une participation décisive des services secrets israéliens aux attentats de Buenos Aires » perpétrés contre le siège d’une association juive, l’AMIA, et contre l’Ambassade d’Israël, qui firent de nombreuses victimes. Au Salvador, l’implication du Mossad dans la mort de six jésuites ne semble guère faire de doute, pour Maria Poumier : « de nombreux assassinats politiques ont eu lieu en Amérique Latine, qui semblent signés par des inspirateurs israéliens». Mais il y a quand même des gens qui « résistent », parmi lesquels Hebe de Bonafini, la présidente des Mères de la Place de Mai, ces femmes admirables qui dénonçaient la disparition de leurs enfants aux mains de la dictature argentine, mais dont la dirigeante a connu, ces dernières années, une lamentable dérive, en déclarant avoir dansé à l’annonce des attentats contre le World Trade Center et le Pentagone, en appuyant les terroristes basques de l’ETA ou encore en donnant son aval à la répression castriste à Cuba.
Le régime castriste est le seul qui trouve grâce à ses yeux. Les exilés cubains, par contre, sont manipulés (devinez par qui : bien évidemment, par le lobby sioniste). Ainsi, au cours de l’ « affaire Elián », le petit garçon qui avait été sauvé des eaux à la suite d’un naufrage où avaient péri, entre autres, sa mère et son beau-père qui tentaient de fuir le régime de Castro, « les manifestations de soutien aux anticastristes arboraient de nombreux drapeaux israéliens, qui ont été vus par tout le continent américain ». Nombre de journaux hispaniques aux Etats-Unis sont également dans le collimateur de Maria Poumier : « les propriétaires des grands médias sont juifs, certains ardents défenseurs de la suprématie juive dans le monde entier ».
Arrêtons là de nous pencher sur le délire antisémite de Maria Poumier. Mais remarquons que cette universitaire, aujourd’hui en retraite anticipée, est constamment invitée à des colloques importants et que sa présence ne suscite que bien peu de protestations, qu’elle peut discourir à l’Ambassade de Cuba à Paris sur le père de l’indépendance de Cuba, José Martí, en rapprochant sa lutte, ainsi que celle de la révolution castriste, de l’Intifada palestinienne. Rappelons tout de même que, il y a quelques années, les éditions officielles de l’Etat cubain publiaient un ouvrage du Dr. Mahmoud Abbas (alias Abou Mazen), l’éphémère Premier ministre palestinien, intitulé (il n’avait guère alors l’image d’un modéré) : « L’autre visage : la vérité sur les relations secrètes entre le nazisme et le sionisme ». Rappelons aussi qu’un certain Lisandro Otero, Prix National de Littérature à Cuba et l
’un des principaux «intellectuels » au service du régime castriste, publiait dans le grand quotidien mexicain « Excelsior » une série d’articles revendiquant la figure de Hitler en s’appuyant sur les thèses des principaux « historiens » révisionnistes. Rappelons finalement que de nombreux combattants palestiniens ont été entraînés à Cuba et que le gouvernement castriste avait envoyé, en 1973, une brigade en Syrie lors de la guerre du Kippour.
L’antisémitisme, de moins en moins honteux, n’est plus, à l’évidence, l’apanage de la « vieille Europe ». Il a essaimé partout, sur tous les continents et, malheureusement, sur cette Amérique Latine qui a vu fleurir un extraordinaire métissage d’ethnies et de cultures. Les propos d’une Maria Poumier doivent tomber sous coup de la justice pour empêcher, autant que faire se peut, que les thèses de Roger Garaudy et de ses disciples puissent se répandre sur des terres encore peu réceptives à la haine raciale ainsi qu’en France, où les dangers prolifèrent de tous côtés. Le révisionnisme, sous-couvert d’anti-sionisme, n’est pas le moindre d’entre eux.
Jacobo Machover
En une phrase: » la moitié de la petite communauté juive du Venezuela a cependant quitté le pays. «