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Un tournant enfin ? Ces dernières semaines, Bruxelles a franchi un cap et a cessé de parler principes pour entrer dans le dur. Le 23 octobre dernier, la Commission européenne a adressé à TikTok et à Meta des conclusions préliminaires selon lesquelles les deux plateformes auraient violé le Digital Services Act (DSA) en refusant aux chercheurs un accès effectif à des données publiques nécessaires pour mesurer les risques systémiques – désinformation, atteintes aux mineurs, manipulations électorales. Meta est en outre soupçonné d’avoir rendu le signalement de contenus illégaux artificiellement labyrinthique, au moyen d’interfaces dissuasives appelées « dark patterns ».
Pourquoi ce point est-il si central ? Parce que sans données, pas de diagnostic indépendant possible. Quand Meta a supprimé en 2024 l'accès à CrowdTangle, un outil qui permettait de suivre la viralité des posts sur Facebook et Instagram, une partie de la recherche indépendante a été mise sous cloche. Résultat : moins de visibilité sur la circulation des fake news et des rumeurs complotistes, sur les réseaux de cyber-harcèlement et sur la publicité politique. Même histoire chez TikTok : sa Research API, présentée comme la réponse aux exigences européennes, laisse filer une part non négligeable de vidéos et de métadonnées, comme l’ont montré des tests pendant les élections européennes.
Ce bras de fer n’est pas symbolique. Si les manquements sont confirmés, les amendes peuvent grimper jusqu’à 6 % du chiffre d'affaires mondial de la plateforme. L’Arcom, coordinatrice française du DSA, a soutenu l’initiative : signe, peut-être, que la prise de conscience est actée et que le temps de l'action est enfin venu. Dans le même mouvement, début novembre, la Commission européenne a lancé un « European Democracy Shield » (bouclier démocratique européen), une mesure phare préconisée par le rapport de l'ancien président finlandais Sauli Niinistö rendu l'année dernière. L'objectif ? Créer un Centre européen de résilience démocratique pour coordonner la lutte contre les ingérences étrangères.
Le message est clair : l’espace public numérique n’est plus une zone de non-droit. L'idée n'est pas de percer le secret industriel des algorithmes, mais d'imposer un droit de regard démocratique. Car à défaut de réguler ces espaces, nous abandonnons le monopole de la vérité à ceux dont le modèle économique repose sur sa distorsion.
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