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En début de semaine dernière, dix personnes ont été jugées à Paris pour avoir cyberharcelé Brigitte Macron au moyen d’une théorie du complot aussi délirante qu’ignoble. Les réquisitions du Parquet à leur encontre concernent, pour les plus sérieuses, des peines de prison allant de trois à douze mois avec sursis.
Brigitte Macron, elle, a pris perpét’ : qui peut douter qu’elle continuera à être confrontée à cette rumeur infâme jusqu'à la fin de sa vie ? Ce mensonge fabriqué de toutes pièces pour la salir et atteindre, à travers elle, son président d’époux, ne la laissera jamais tranquille. Ni elle, ni ses proches. Il a d’ailleurs été noté au cours du procès que ses petits-enfants subissaient les retombées de ce cyberharcèlement jusque dans la cour de récréation de leur école.
La plupart des prévenus ont invoqué devant les juges le droit à la satire, invoquant même, toute honte bue, « l’esprit Charlie » – comme si Charlie Hebdo harcelait des innocents à coups de fake news. Mais invoquer la satire, n’est-ce pas reconnaître qu’ils n’ont jamais vraiment cru à l’histoire débile qu’ils nous ont servi ad nauseam ? N’est-ce pas avouer qu’ils se sont moqués de nous ? Quoi qu’il en soit, on peut déjà prédire que les imbéciles qui ont cru à la rumeur ne leur en tiendront pas rigueur.
Le harcèlement est un jeu du « pile je gagne, face tu perds ». Pour les victimes, il n’y a que des mauvaises solutions.
Porter plainte, c’est prendre le risque de faire connaître la rumeur au-delà de son berceau initial en la médiatisant, mais aussi d’être débouté et par là même d'offrir une victoire judiciaire à ceux qui vous diffame. Il n’y a en effet jamais aucune garantie que la justice vous donne raison. La preuve : en juillet dernier, Brigitte Macron a été déboutée en appel des poursuites pour diffamation qu’elle avait intentées contre Amandine Roy et Natacha Rey au motif que, bien que diffamatoires, leurs propos visant l’épouse du chef de l’Etat auraient été tenus « de bonne foi » ! Rappelons que la première, medium de profession et violemment complotiste, a expliqué récemment qu'elle avait été couronnée reine et qu'elle est appelée à gouverner la France d'ici l'année prochaine, tandis que la seconde appelait, à l'époque où elle était Gilet jaune, à faire « exécuter » Emmanuel Macron et à mettre à bas la République afin de « venger les Vendéens, le roi et la reine » (sic).
Susciter un procès, c’est donner à vos harceleurs et à leurs thèses délirantes l’opportunité d’une publicité gratuite mais aussi leur offrir la possibilité de se présenter comme des « dissidents », des « martyrs de la liberté d’expression » et – dans le cas d'espèce – des victimes du pouvoir. Du reste, les peines auxquelles ils s’exposent sont peu dissuasives sinon purement symboliques et, en cas de condamnation, ils peuvent toujours lancer une campagne de crowdfunding sur les réseaux sociaux en surfant sur le ressentiment contre les élites et la haine du « Système ». Mieux, on vous reprochera d’avoir provoqué vous-même le harcèlement dont vous êtes la cible.
Ne pas ester en justice ne présente guère de meilleures options puisque vous permettez à vos harceleurs de se retrancher derrière l’argument : « si c’est faux, pourquoi ne porte-t-elle pas plainte ? » (ce qu’ils ont d’ailleurs fait pendant des mois avant que Brigitte Macron ne prenne la décision d’engager des poursuites).
Dans tous les cas, l’alternative est piégée.
Si l’on est cynique un instant, comment ne pas reconnaître que, d’un strict point de vue stratégique, les complotistes auraient tort de renoncer à cyberharceler ?
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