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Santé : les recettes dangereuses (et stupides) des influenceurs complotistes

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Rejet du don de sang, dépistages contestés, traitements miracles... De nombreux influenceurs complotistes diffusent des discours dangereux sur la santé. Derrière ces théories, un rejet profond de la médecine moderne aux conséquences bien réelles.

Montage CW.

Début octobre, un message relayé sur les réseaux sociaux appelait les internautes à ne plus donner leur sang. À l’origine, un second couteau de la sphère complotiste, affirmant que le don de sang servirait principalement à enrichir l’industrie pharmaceutique. Au-delà de l’ineptie de cette affirmation, ce type de discours témoigne d’un phénomène plus large : la remise en cause systématique des fondements de la médecine moderne par une frange radicale d’influenceurs dits « alternatifs ».

Sur X, le post de cet internaute a été vu plus de 430 000 fois (capture d'écran Renard Jean-Michel/X).

Dans le domaine de la santé comme ailleurs, le complotisme fonctionne comme une boussole déréglée : il pointe systématiquement dans la mauvaise direction.

Parmi les figures les plus actives de cette mouvance, Jérémie Mercier se distingue par ses positions particulièrement extrêmes. Pour lui, les virus n’existent pas. Le cancer ? Un leurre médical. Chaque année, à l’occasion d’Octobre rose, une campagne annuelle mondiale de communication destinée à sensibiliser au dépistage du cancer du sein et à récolter des fonds pour la recherche, il incite ainsi les femmes à ne pas se faire dépister, estimant que les médecins détecteraient volontairement de « faux cancers » afin de prescrire des traitements onéreux. Un véritable « rituel de soumission des femmes à la maffia médicale (sic) ». Sa défiance ne s’arrête pas là : ce militant antivax récuse aussi le dépistage du cancer de la prostate ou des testicules. Selon lui, tous ces examens médicaux relèveraient d’une stratégie orchestrée pour alimenter les profits de « Big Pharma ».

Une boussole déréglée

Des propos relayés par d'autres influenceurs. Sur X, le twittos anonyme AuBonTouiteFrançais affirme préférer « mourir vierge » plutôt que de se faire examiner par un médecin pour un cancer colorectal. Une provocation symptomatique du rejet virulent de la médecine conventionnelle par certains acteurs de la complosphère.

AuBonTouiteFrancais a 138 000 abonnés... (capture d'écran X, 23/08/2025).

Le discours médical alternatif prend parfois des tournures ésotériques. Jean-Jacques Crèvecœur, conférencier complotiste, pense que la CIA projette des hologrammes d’extraterrestres dans le ciel. Il affirme aussi que « l’âme des non-vaccinés s’est détachée de leur corps ». Il distille également des « conseils santé » pour le moins surprenants : comme lorsqu'il assure boire son café… par voie rectale. Une méthode qualifiée par ses soins de « simple et puissante », censée agir « en profondeur sur le foie et les canaux biliaires ». Son proche, Tal Schaller, chaman autoproclamé, a quant à lui fait de l’urinothérapie sa spécialité. Convaincu que boire sa propre urine peut soigner diverses maladies – dont le sida – il défend cette pratique avec un aplomb désarmant.

Depuis les années 1980, le VIH et le sida sont d’ailleurs au cœur de nombreuses théories conspirationnistes. Certaines, comme celle du KGB, suggéraient que le virus aurait été fabriqué en laboratoire. D'autres affirment qu'il n'existe tout simplement pas. Bien entendu, de nombreux influenceurs santé ont également inventé des traitements miracles, à l'instar de la naturopathe Irène Grosjean. Disparue récemment, la papesse du cru affirmait ainsi que l’on pouvait « gai-rire » du sida en suivant un régime à base de « graines germées, de fruits et de crudités ». De son côté, Jérémie Mercier (encore lui) allait jusqu’à affirmer que le sida « s’arrêtera tout seul quand on arrêtera la propagande abrutissante autour de cette fausse pandémie ». Un discours partagé par Thierry Casasnovas, autre influenceur controversé.

La remise en question du lien entre tabac et cancer est une autre marotte de certains complotistes. Johann Fakra a par exemple soutenu qu’il n’existe aucune preuve que le tabac est l'une des causes du cancer du poumon. Selon lui, il s’agirait d’un écran de fumée destiné à dissimuler les effets du nucléaire, dont les méfaits auraient été attribués – à tort – à la cigarette.

Pour Silvano Trotta (260 000 abonnés sur X), le tabac n'est pas dangereux (capture d'écran Silvano Trotta/X).

Dans cette logique, certains vont jusqu’à affirmer que le tabac aurait des propriétés protectrices contre la radioactivité. Silvano Trotta, influenceur adepte de la théorie de la Lune creuse, abonde dans ce sens : pour lui, si l’on fumait autant dans les « vieux films », c’est bien que le tabac n’a jamais été dangereux.

De la sphère marginale à la parole politique

Si ces discours peuvent prêter à sourire, leur diffusion est loin de se limiter à quelques profils isolés. Certains influenceurs évoqués cumulent plusieurs dizaines de milliers, voire centaines de milliers d’abonnés. Plus préoccupant encore, ces idées gagnent parfois les sphères du pouvoir. L’ancien président américain Donald Trump a ainsi régulièrement tenu des propos controversés sur la santé. Durant la pandémie de Covid-19, il avait notamment suggéré que s’exposer aux rayons UV ou boire du désinfectant pourrait soigner la maladie. Plus récemment, il a déconseillé la prise de paracétamol chez les femmes enceintes, évoquant un lien avec l’autisme et affirmant comprendre cette pathologie « mieux que la plupart des spécialistes ».

En filigrane de ces discours se dessine un rejet profond des institutions médicales, scientifiques et médiatiques. Et si certaines affirmations peuvent sembler caricaturales, elles participent à un climat de méfiance généralisée à l’égard de la science. Les conséquences de cette défiance ne sont pas théoriques. Comme le montre la journaliste Margot Brunet dans son enquête sur la naturopathie, certaines personnes sous emprise de ces discours ont cessé leur traitement médical, avec parfois des issues tragiques.

Refuser un dépistage, abandonner une chimiothérapie ou croire que l’urine soigne le VIH n’est pas sans conséquence. Derrière ces « conseils santé » diffusés massivement, souvent déguisés en vérités alternatives, se cache un danger bien réel : celui de désinformer au point de mettre en péril la santé – voire la vie – de milliers de personnes.

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