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Quel était le profil du « citoyen souverain » qui a tué deux policiers en Australie ?

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Publié par Victor Mottin30 août 2025, ,

Il refusait les lois, rejetait l'État, détestait les forces de l'ordre. Le 26 août, en Australie, un « citoyen souverain » a tué deux policiers venus perquisitionner son domicile.

Dezi Freeman (montage CW).

Le complotisme tue. Les récents évènements survenus à Porepunkah, une localité située au sud-est de l'Australie, dans l'État de Victoria, n'en sont qu'une nouvelle illustration. Mardi 26 août, « Dezi Bird Freeman », de son vrai nom Desmond Filby, a abattu deux policiers et blessé un troisième après qu'ils soient venus à son domicile munis d'un mandat de perquisition lié à une ordonnance de prohibition d'armes. L'homme de 56 ans a ensuite pris la fuite, probablement armé. Il est, à l'heure où nous écrivons ces lignes, toujours recherché par les autorités.

Desmond Filby est connu des services de police. Et pour cause. Le bushman évolue dans la mouvance des « sovereign citizens », jugée dangereuse dans de nombreux pays. Cette idéologie conspirationniste nie la légitimité de l'État, des autorités et des institutions judiciaires. Aux États-Unis, le FBI la considère comme l'une des principales « menace terroriste intérieure ». Ailleurs dans le monde, des membres des « Reichsbürger » − leurs homologues allemands − ont par exemple préparé en 2022 une tentative de coup d'État.

En 2023, un rapport de la police fédérale australienne soulignait que le mouvement existait sur l'île depuis plusieurs décennies mais qu'il avait connu une « résurgence » depuis la pandémie de Covid-19. Et alertait : « Si ces groupes se présentent et se comportent très différemment des autres groupes extrémistes, ils ont une capacité sous-jacente à susciter la violence. »

Le Covid comme vecteur de radicalisation

La dérive de Desmond Filby s'est également accentuée avec la crise sanitaire. En 2019, l'homme avait déjà tenté de placer sous « arrestation citoyenne » un magistrat directement dans la salle d’audience du tribunal de Wangaratta, une ville australienne, affirmant qu'il n'avait « aucune autorité légitime ». L'année suivante, il refuse de se soumettre à un test de dépistage de drogue effectué par la police et perd, logiquement, son permis. Outré, Filby a porté l'affaire jusqu'à la Cour suprême de l'État de Victoria.

Sur Facebook, Desmond Filby s'en prend à Daniel Andrews (source : Crikey, 29/08/2025).

Il se serait radicalisé au cours de la pandémie de Covid-19 selon certains témoignages recueillis après le drame. Refusant de porter un masque, exprimant son refus de se faire vacciner et faisant part aux gens de son aversion pour les restrictions et les confinements imposés par le Gouvernement, Desmond Filby a notamment tenté de faire juger, sans succès, le chef de l'État de Victoria Daniel Andrews, pour haute trahison et fraude. Il lui reprochait notamment sa gestion de la pandémie.

L'année dernière, devant la Cour suprême de Victoria, où il contestait l'annulation de son permis, il a déclaré : « La simple vue d'un policier ou d'une voiture de police… c'est comme si un survivant d'Auschwitz voyait un soldat nazi »... Au fil des années, sa détestation des forces de l'ordre s'est accentuée. Durant ses différentes actions en justice, il a qualifié les policiers de « sales nazis » et de « criminels terroristes », les a accusés de faire partie de la « Gestapo », et a affirmé qu’ils portaient des « pentacles sataniques » sur leurs uniformes. En 2023, il écrivait sur Instagram qu'un « bon flic est un flic mort ». Il a également appelé à « l'extermination des politiciens ».

« Torturer et tuer ces traîtres démoniaques »

Le média australien Crikey a obtenu et analysé des centaines de publications du suspect sur Facebook ou Instagram ainsi que des dizaines de messages Telegram. Entre 2018 et 2024, Filby a ainsi publié plus de cent messages sur la police : il prônait leur mort et se portait même volontaire pour les tuer et les torturer lui-même. « Tout le monde a le droit sacré et le devoir de traquer tous les flics et de lyncher, torturer et tuer ces traîtres démoniaques sans courage », a-t-il par exemple posté en 2022. Le site précise également que Desmond Felby est apparu en 2019 dans le podcast de Mike Holt, un citoyen souverain connu en Australie. Holt a notamment publié en 2021 sur la page de Felby un lien vers un tee-shirt anti-vaccin portant le slogan « My Body My Choice ». Dans les heures qui ont suivi la fusillade, Holt a défendu les actes du suspect, affirmant qu'il était « tout à fait dans son droit de tirer sur n'importe qui ».

En 2022, Desmond Filby souhaitait la mise en place d'un « Nuremberg 2 » pour juger les policiers (source : Crikey, 29/08/2025).

Sur X, un influenceur complotiste pro-Trump vivant en Australie, a partagé un message qu'il aurait reçu de la part d'un individu prétendant être le meilleur ami de Dezi Freeman. Ce dernier aurait écrit : Desmond Filby « est harcelé sans relâche depuis des années par la police et les services sociaux parce qu'il voulait scolariser ses enfants à la maison et ne pas les vacciner. Fervent chrétien, il ne veut pas que ses enfants soient endoctrinés par les conneries de la gauche. […] D'une grande intelligence et d'une connaissance approfondie du droit, il a défendu la liberté des Australiens face à la tyrannie sur diverses questions pendant la pandémie de Covid-19. Il s'est opposé à la tyrannie policière et à ses tactiques brutales pendant la pandémie ».

Ce drame alourdit le bilan d’une mouvance de plus en plus perçue comme un risque de sécurité intérieure en Australie et dans le reste du monde. En France, le grand public a découvert la mouvance des « citoyens souverains » à la faveur d'une vidéo devenue virale montrant un couple se faisant arrêter et hurlant qu'il ne « contractait pas ». Une séquence qui avait suscitée de nombreuses moqueries sur les réseaux sociaux.

En début d'année, un couple de « citoyens souverains » français était mis en examen dans une enquête terroriste. Les enquêteurs ont notamment découvert des armes dans leur voiture et à leur domicile, parmi lesquelles des couteaux, des revolvers, une carabine à plomb, des grenades à plâtre, des arbalètes... Mais aussi des engins explosifs improvisés, des produits chimiques entrant dans la fabrication d’explosifs et la recette du TATP, une bombe artisanale. Si le juge antiterroriste n’a pas suivi les réquisitions du Parquet qui réclamait aussi la mise en examen du couple pour « association de malfaiteurs terroriste en vue de commettre un crime », c'est néanmoins la première fois que la mouvance des « citoyens souverains » est citée dans une enquête antiterroriste française.

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à propos de l'auteur
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Victor Mottin
Victor Mottin est journaliste et travaille pour Conspiracy Watch depuis 2021. Il collabore régulièrement avec le magazine Usbek & Rica. Ses sujets de prédilection : complotisme, extrême droite et dérives sectaires.
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