Après l’attentat qui a visé la communauté juive d'Australie hier, la complosphère a immédiatement dégainé l'accusation de « false flag ». Entre Mossad, « acteurs de crise » et Tsahal, ce récit complotiste éculé prospère sur les obsessions antisémites de ceux qui le relaient, argumentant sur la base de contresens et de faux générés par IA.

Un père d'origine pakistanaise et son fils ont ouvert le feu hier sur une foule réunie pour célébrer le début de la fête juive de Hanouka sur la plage de Bondi, à Sydney (Australie). À l’heure où ces lignes sont écrites, cette attaque antisémite a fait quinze morts, dont une enfant de dix ans, un survivant de la Shoah et Dan Elkayam, un jeune ingénieur français. Une quarantaine de blessés sont hospitalisées.
Selon les premières informations, les deux assaillants, Sajid Akram (50 ans), neutralisé et décédé sur place, et Naveed Akram (24 ans), actuellement à l’hôpital, auraient prêté allégeance à l’État islamique (EI). En plus de drapeaux de Daech qui ont été retrouvés dans le véhicule des assaillants, le fils avait déjà fait l’objet d’une enquête en 2019 pour ses liens avec la cellule terroriste de l’EI de Sydney. Une information confirmée par le Premier ministre australien Anthony Albanese qui a déclaré qu’à l’époque, il avait été « estimé qu’il n’y avait aucune indication d’une menace persistante ou d’une menace violente de sa part ».
Malgré le caractère antisémite de l’attaque, la complosphère a immédiatement dégainé la thèse d'une attaque sous « faux drapeau » (ou false flag). Un récit qui s'est diffusé à une vitesse stupéfiante.
Mossad, acteurs de crise, ou encore Tsahal, les complotistes n’ont pas attendu pour présenter l’attaque de la plage de Bondi comme un acte d’« autosémitisme » orchestré par Israël. Ainsi, Naveed Akram serait en réalité un soldat de l’armée israélienne revenant de Gaza et « seuls les agents du Mossad » auraient été capables de perpétrer une telle attaque. Sans trop se mouiller, le désinformateur américain Jackson Hinkle s'est contenté d'un commentaire laconique : « Rappel : Israël est un État terroriste ». Buckley Carlson (le frère de Tucker Carlson), suggère que l’attentat a été mis en scène par des « réseaux et services de renseignement sionistes ». Hassan Mafi abonde dans le même sens : « Les sionistes sont connus pour simuler des attaques contre eux-mêmes ». Quant à l'animateur du blog conspirationniste The Adam Bomb, il partage une image générée par IA et présentant un homme tout sourire en pleine séance de maquillage. Un visuel propre à réactiver la thématique des « acteurs de crise ».

Sur quels indices et mobiles ces allégations reposent-elles ?
Tout d’abord, les conspirationnistes s’appuient sur les recherches Google sur Naveed Akram en Israël pour affirmer que, dans ce pays, on aurait recherché massivement le nom du terroriste plusieurs heures avant l’attentat. Un argument qui ne résiste pas à l'examen : Google Trends affiche en effet l'heure en se calant sur le fuseau horaire de l'utilisateur. La ville de Sydney ayant 9 heures d’avance sur Israël en décembre, cela a pour effet qu'un pic de recherches postérieur à la diffusion du nom du terroriste sur les réseaux sociaux a pu être présenté comme antérieur à l’attaque.

Une théorie relayée par le complotiste britannique Sulaiman Ahmed dans un tweet vu 2 millions de fois, par l’influenceur anti-Israël Ahmed Hassan avec un tweet qui a atteint plus de 2,7 millions de vues et par le compte X The Patriotic Blonde, avec une publication vue plus de 4 millions de fois. Jouant toujours de la confusion avec les fuseaux horaires, certains conspirationnistes ont également dénoncé les articles de la presse israélienne qui auraient été publiés « avant » l’attaque terroriste...
Les partisans de la thèse du « false flag » se réfèrent également à un tweet de Candace Owens dans un exercice typique de complotisme prédictif. Le 28 novembre dernier, l’Américaine avait en effet affirmé dans un tweet qu’une « attaque similaire à celle du 11 septembre [aurait] lieu la deuxième semaine de décembre »...

Quant aux buts d’une telle opération, ils seraient multiples. Premièrement, cette attaque permettrait de « crier à l’antisémitisme ». À ce propos, le tiktokeur Benjamin Ouyed explique dans une vidéo que « les premiers créateurs d’antisémitisme aujourd’hui c’est le gouvernement israélien lui-même » et que l’attaque de Bondi aurait été commise pour « manipuler l’opinion publique ». Pour Fayed Abushammalah, ancien correspondant de la BBC à Gaza, les raisons de cette attaque − qu'il attribue au « Mossad sioniste » − sont à chercher dans la visite imminente de Benyamin Netanyahou aux États-Unis. L’attaque de Bondi ne serait qu’une manœuvre politique visant à dépeindre les Juifs en victimes et « exonérer l’entité sioniste » pour ses crimes de guerre à Gaza.
Enfin, selon Alain Soral, qui sera bientôt jugé pour association de malfaiteurs dans une affaire d'ingérence iranienne en France, cet attentat n'aurait d'autres buts que de « contrer Gaza et faire avancer la dictature sioniste sur l'Occident ».

À noter qu'il s'agit là de la thèse défendue par la presse d'État iranienne ainsi que par certains membres du Corps des Gardiens de la révolution islamique. Ainsi, pour le général Mohammad Reza Naghdi, il est clair que « le seul qui tire profit de l'incident de Sydney est le régime sioniste ». Quelques heures avant l'attaque, Ahmad Ghadiri Abyaneh, fils de l'ancien ambassadeur iranien en Australie et partisan du guide suprême Ali Khamenei, publiait un message décrivant les célébrations de Hanoukka comme une « plateforme pour les rituels sataniques des cercles maçonniques »...
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