Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Radio Courtoisie, une édition radiophonique de l'Action Française ?

Actuellement dans le collimateur du C.S.A., Radio Courtoisie, antichambre des idées de l'extrême droite, gagne en notoriété et s'offre le projet d'une diffusion nationale.

Radio Courtoisie, une radio encore essentiellement parisienne, fêtera son 10ème anniversaire le 7 novembre prochain. Créée par Jean Ferré, ancien chroniqueur au Figaro Magazine, la radio a pour vocation - et c'est écrit dans l'acte statutaire de l'association - le rassemblement de toutes les familles de droite. Alternant musique classique et longues émissions de débats (souvent 3 heures), la radio se présente comme un France Culture d'opinion. C'est vrai dans les grandes lignes. Quand on s'intéresse aux détails, par contre, les choses sont plus compliquées. Commençons par nous intéresser aux principaux animateurs de la radio (et laissons de côté les émissions consacrées à l'artisanat ou à la langue française). Jean Ferré, le président de la radio anime une émission de débats le lundi en soirée. Antidémocrate, monarchiste, franquiste, ancien de la coloniale, Jean Ferré, symbole de la radio et du petit côté "Résistance" à la "pensée unique" qu'elle se donne, annonce d'entrée la couleur. Serge de Beketch, anar de droite, très proche du Front National en compagnie duquel il fit un bout de chemin comme chargé de communication auprès du maire FN de Toulon, est un pilier de Radio Courtoisie, et son "Libre-Journal" du mercredi soir est souvent consacré à une éminence du parti de Le Pen (quand lui-même n'est pas invité). Claude Giraud, la femme du groupe, anime elle aussi des "libres-journaux" sur Courtoisie. Catholique proche de Christine Boutin avec laquelle elle partage la lutte contre l'IVG, elle dirige également la rédaction de Monde et Vie, bimensuel catholique et national, proche des intégristes du regretté Mgr Lefebvre. Ces trois figures emblématiques révèlent en fait les principales tendances où "familles" qui constituent le cœur idéologique de la radio.

« Rassembler les droites » ne signifie ni ne sous-entend ressouder les groupes parlementaires que sont l'UDF et le RPR, cela veut dire créer une synergie entre les tendances minoritaires les plus à droites de la culture française. Tendances qui sont : la tradition monarchiste héritière de la contre-révolution, les nationalismes pétainiste ou doriotiste, le catholicisme le plus dirigiste, celui-là même qui manipule les commandos anti-IVG, et se déclare lutter contre toute forme de pornographie. Cette communion des droites avec laquelle jongle depuis des années le Front National sans trop savoir comment s'y prendre, Radio Courtoisie est parvenue à la faire. Son inspiration ? La même qui anime Maurras quand il crée l'Action Française à la fin du siècle dernier : mobiliser les élites. Le parallèle entre le projet de Maurras et celui de Radio Courtoisie est loin d'être absurde. Non seulement, comme héritier de Barrès, Maurras veut rassembler certaines forces antagonistes qui partagent néanmoins une même idée de la nation, mais il veut pour cela mobiliser académiciens, historiens, journalistes, publicistes, afin de créer un pôle dominant capable de mettre en branle la République et cela par le moyen... d'une revue. Avec Radio Courtoisie, seul le média a changé. Le reste a été conservé à l'identique. Ajoutons que, pour Jean Ferré et ses acolytes, Maurras demeure la principale référence idéologique.

Radio Courtoisie, véritable super club de réflexion qui associe volontiers les auditeurs à sa dialectique, reçoit ainsi sur ces ondes les personnalités les plus éminentes des droites réactionnaires. S'y expriment volontiers des lettrés comme Jean Tullard (académicien) ou Jean Dutour (académicien), des historiens renommés (François-Georges Dreyfus, Pierre Chaunu), des journalistes tels que Jean-Claude Valla (Minute) ou Jean Montaldo (écrivain-journaliste). Des politiques soutiennent également la radio (environ une trentaine de député) ou y sont régulièrement invités, au nombre desquels on peut citer : Alain Griotteray (UDF), Christine Boutin (UDF-FD), Bruno Gollnisch (FN), Bernard Antony (FN) ou Jean-Marie Le Pen en personne.

Dernière particularité, et non la moindre que partagent Radio Courtoisie avec l'idéologie maurrassienne : l'antisémitisme. La haine du Juif et l'idée du complot cimentent aujourd'hui comme hier les éléments composites de l'extrême droite, car comme le disait Maurras : « Tout paraît impossible ou affreusement difficile sans cette providence de l'antisémitisme. Par elle, tout s'arrange, s'aplanit et se simplifie. Si l'on n’était antisémite par volonté patriotique, on le deviendrait par simple sentiment de l'opportunité ». Pour ceux qui en douteraient, citons quelques dérapages notoires entendus sur les ondes. Jean Ferré pense, par exemple, qu'en ce qui concerne internet, le négationnisme est une "opinion" qui doit exister au nom de la liberté d'expression. Serge de Beketch, entre deux calembours à connotations antisémites, relativise fréquemment l'ampleur du génocide juif. Il a dit récemment « qu'en France, en 1943, on ne traitait pas les juifs comme on traite aujourd'hui les gens du Front National. Evidemment, on les arrêtait, on les déportait... En Allemagne, il y a eu des choses, mais en France, je n'ai pas souvenir qu'il y ait eu de pogromes comme on en fait actuellement aux gens du FN ». Le 20 mars dernier, Pierre de Villemarest, co-animateur du "Libre Journal" de Claude Giraud, dont les opinions antisémites ou négationnistes sont assez bien connues des fidèles, s'est laissé aller (comme c'était arrivé en 1992) à prononcer une phrase qui niait l'existence des chambres à gaz. L'horreur de l'extermination se résume à « deux ou trois essais » de Zyklon B. Cette phrase malencontreuse (effacée des rediffusions...) a enfin éveillée l'attention du CSA (Voir Libération du 6 avril). En 1992, Pierre de Villemarest remettait déjà en cause le nombre des juifs victimes du génocide, et la même année, Jacques Toubon, à l'époque ministre de la culture, écrivait : « Radio Courtoisie doit demeurer lieu de non conformisme, de pensée vigoureuse, et d'expression nationale et ainsi rencontrer un public (...) avide de justice (...), à l'écoute de la sincérité ». L'actuel Garde des sceaux peut-il encore souscrire à cela ?

Source : L’Arche, n° 474, juin 1997.

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