
La thèse d’un gigantesque complot d’Etat visant à dissimuler la « vérité » sur les extraterrestres est plus répandue qu’on ne le pense. C’est pourquoi il faut saluer le Monde diplomatique d’avoir ouvert ses colonnes ce mois-ci à un article de Pierre Lagrange intitulé « Ovnis et théorie du complot » (pp. 12-13).
Quelques remarques préliminaires sont toutefois nécessaires avant de continuer plus avant. La question des ovnis est en effet un véritable terrain miné où s’affrontent « sceptiques » (qui n’y croient pas) et « ufologues » (qui y croient). Ce grand partage se double d’une controverse épistémologique entre, d’une part, les tenants d’une approche rationaliste, qui contestent le caractère scientifique de l’hypothèse extraterrestre défendue par un grand nombre d’ufologues et, d’autre part, les relativistes qui, rejetant la distinction classique entre sciences et « parasciences » (ou pseudosciences), considèrent que certains domaines de la connaissance se prêtent mal, par leur nature même, aux processus classiques d’administration de la preuve.

Sociologue spécialisé dans l’étude du paranormal et collaborant notamment à la presse ufologique, Pierre Lagrange instruit le procès du rationalisme, inapproprié selon lui pour rendre compte de certains phénomènes comme celui des ovnis. Laissant en suspens la question de l’existence des extraterrestres, il plaide pour une approche « irréductionniste » des ovnis qui ferait place à « de nouvelles catégories de faits définis selon d’autres critères que ceux du laboratoire ».
La première partie du texte de Pierre Lagrange retrace la généalogie des thèses conspirationnistes qui se sont développées autour des ovnis.
C’est à partir de 1947, date à laquelle apparaissent les premiers témoignages relatant l’observation d’« objets volants non-identifiés », que commence à germer, aux Etats-Unis, l’idée selon laquelle la vérité sur les soucoupes volantes serait dissimulée au grand public. La thèse se popularise en 1950, année de la publication du best-seller de Franck Scully, Behind the Flying Saucers. Des citoyens ne tardent pas à s’organiser et, en 1956, est créé le National Investigations Committe on Aerial Phenomena (Nicap), une association soupçonnant l’US Air Force d’être en possession d’indices prouvant l’existence d’une vie extraterrestre. Le Nicap attirera en son sein plusieurs personnalités médiatiques et politiques et jusqu’au premier directeur de la CIA, Roscoe Hillenkoetter.
Dans les années qui suivent, les mythes les plus farfelus apparaissent – dont celui des fameux hommes en noir, les Men in Black. La controverse sur les ovnis prend une telle ampleur que le Pentagone met en place une commission scientifique placée sous la direction du physicien Edward Condon. Ses conclusions tombent en 1968. Elles font l’effet d’un couperet : les ovnis ne présentent aucun intérêt scientifique.
En 1987, l’apparition de documents expédiés sous pli anonyme et présentés comme « ultra-secrets » lancent l’affaire de Roswell : quarante ans plus tôt, le président Harry Truman aurait décidé la création d’une officine gouvernementale, le MJ-12, chargée de gérer l’incident et de le dissimuler au public. La publication de ces documents aura un tel retentissement que les histoires d’enlèvements par des extraterrestres se multiplient alors comme jamais auparavant.
Puis, « en 1990, des individus étrangers à la scène ufologique commencent à diffuser des révélations sur le réseau Internet naissant. Liés à l’extrême droite américaine, parfois anciens militaires, ils prétendent détenir des informations sur l’existence d’un Watergate cosmique. De telles thèses favorisent la publication d’une littérature de plus en plus délirante sur le « grand complot » ». De là se développe un récit complotiste auquel le succès de la série X-Files « conférera le statut de mythologie populaire ».
Les derniers paragraphes de l’article confirment que Pierre Lagrange ne s’intéresse pas seulement au conspirationnisme « ufologique » mais aussi – sinon surtout – aux effets de disqualification d’un discours « rationaliste » sur l’hypothèse selon laquelle des vaisseaux extraterrestres seraient bel et bien venus visiter la Terre. « La question n’est pas « pourquoi les gens croient-ils aux soucoupes volantes ? » écrit-il dans un texte publié sur la version web du Monde diplomatique, mais « pourquoi veut-on réduire ce sujet à être une simple croyance ? » Pourquoi, alors même que le débat générait du doute, a-t-on voulu réduire cette histoire à une « croyance populaire » ? » Lagrange estime en effet que les ufologues comptent « quelques esprits rigoureux » et qu’il ne saurait être question de tous les caricaturer en « amateurs de théories du complot ».
Est-ce à dire que le phénomène des ovnis est étranger à tout facteur psychologique ? Les premières observations d’ovnis, par exemple, sont communément replacées dans leur contexte politique, celui de la Guerre froide, marqué par un climat de paranoïa dont témoigne bien l’épisode maccarthyste. Or, pour Lagrange, « cette explication sociohistorique des événements relève de la plus haute fantaisie » (sic). Revenant sur l’affaire Kenneth Arnold (un pilote ayant observé des engins inconnus dans le ciel en 1947), le sociologue relève qu’aucun journaliste ni personne d’autre n’a, à l’époque, « pensé à la tension entre les deux grandes puissances » pour expliquer les observations du pilote. Mais le fait que ces phénomènes n’aient pas été immédiatement interprétés comme étant des aéronefs soviétiques invalide-t-il pour autant l’hypothèse selon laquelle la menace de la guerre aurait produit des effets psychologiques inconscients tendant à alimenter la peur d’une invasion étrangère – « extraterrestre » en l’occurrence ?
ierre Lagrange échoue à convaincre lorsqu’il explique que « la culture scientifique (…) repose, elle aussi, sur une théorie du complot « originaire » ». Si l’affrontement titanesque entre la Raison d’un côté et l’Obscurantisme de l’autre, que cristallise le procès de Galilée, peut avoir valeur de « mythe fondateur » pour la science moderne, il n’en demeure pas moins que les bûchers de l’Inquisition étaient bien réels. C’est en s’émancipant de la tutelle de l’Eglise et de l’emprise de la croyance religieuse sur la société que la culture scientifique a pu s’imposer et se diffuser. Cela est patent, encore aujourd’hui aux Etats-Unis, avec l’opposition farouche existant entre les partisans de la théorie de l’évolution et les créationnistes, issus pour la plupart de la droite chrétienne fondamentaliste. Faut-il vraiment ranger ceux qui s’inquiètent de la possibilité d’une telle régression parmi les partisans d’une « théorie du complot » contre la science ?Selon Lagrange, les conspirationnistes seraient les premiers à manifester leur « adhésion à une vision rationaliste, « héroïque », de la science », point de vue qu’il avait déjà développé l’année dernière, dans un entretien au journal Libération, ou encore au micro de Natacha Quester-Séméon pour le site Mémoire Vive, à l’occasion du cinquième anniversaire des attentats du 11-Septembre. Mais ne peut-on pas de nouveau objecter que, dans la mesure où il s’autorise les raisonnements les plus scabreux, le « rationalisme » revendiqué par les conspirationnistes a tout de caricatural ?
Enfin, reste la question du positionnement épistémologique de Lagrange qui semble considérer que, les parasciences échappant aux processus habituels d’administration de la preuve, il convient d’imaginer de nouvelles procédures de validation du savoir. Or, la volonté de se soustraire à de tels processus d’administration de la preuve rejoint l’un des leitmotivs du discours conspirationniste, selon lequel la meilleure « preuve » d’un complot résiderait, précisément, dans l’impossibilité d’en apporter une preuve indiscutable et définitive.
N.B. : Pour un aperçu du « conspirationnisme ufologique », on se reportera à la critique de l’article de Pierre Lagrange par l’ufologue français Gilles Bourdais, lequel dénonce sur son blog une « politique du secret » (sic) au sujet des extraterrestres. Aux antipodes de ce point de vue, on trouvera une approche « rationaliste » dans un billet consacré à Pierre Lagrange sur le site du blogueur « sceptique » Jean-Michel Abrassart.
Voir aussi :
* Pierre Lagrange, « Ovni soit qui mal y pense », Libération, 21 juillet 1999.
Excellent billet!
le complot selon Reega
lui il avait le bouton rouge entre les mains
Ronald Reagan (ex président des USA)
» Nos taches respectives seraient facilités si ce monde était soudain menacé par des espèces venues d’autres planètes. Nous nous rendrions compte une fois pour toutes que nous sommes des êtres humains vivant ensemble sur cette Terre. »
Ronald Reagan à Gorbatchev en 1985
…Obsédés par les rivalités du moment, nous oublions souvent tout ce qui unit les membres de l’humanité. Peut-être avons-nous besoin de quelque menace mondiale extérieure afin de prendre conscience de ce lien. Je pense quelquefois que nos différences disparaîtraient très vite si nous devions faire face à une menace extraterrestre. Et pourtant, je vous le demande : Une force extraterrestre n’est-elle pas déjà parmi nous ?
Ronald W. Reagan (1981-1989), 42e Assemblée Générale des Nations Unies du 21 septembre 1987.
@ aurel :
Je vous conseille vivement d’écouter les propos de Reagan en version originale. Vous en tirerez des conclusions très différentes…
Voici la vidéo dans laquelle R. Reagan cite les propos que vous évoquez :
http://www.youtube.com/watch?v=Ag44dRO8LEA
Et voici le passage final (que vous ne citez malheureusement pas dans son intégralité) :
“And yet I ask you : is not an ‘alien’ force already among us ? What could be more ‘alien’ to the universal aspirations of our people than war and the threat of war ?”
Que l’on pourrait traduire par :
« Et pourtant je vous le demande : n’y a-t-il pas déjà une force ‘étrangère’ parmi nous ? Que pourrait-il y avoir de plus ‘étranger’ aux aspirations universelles de nos peuples que la guerre et la menace de la guerre ? »
Dans la première partie de son discours, Reagan suggérait que seule une menace ‘étrangère’ (dans le sens d’extraterrestre) serait de nature à rapprocher les nations entre elles pour faire face à un péril commun. Dans la seconde partie, celle où il s’interroge sur la présence ‘parmi nous’ de cette menace étrangère, Reagan utilise clairement une figure de style : il évoque l’étrangeté de la guerre et de la menace de la guerre qui sont effectivement ‘déjà parmi nous’ et qu’il considère comme ‘étrangères’ aux aspirations universelles des hommes. Bref, Reagan ne s’interroge pas à haute voix à la tribune de l’ONU sur la présence des ET sur la Terre – comme certains l’ont compris… ou veulent le faire accroire.
A Rudy
Une force extraterrestre n’est-elle pas déjà parmi nous ?
c’est pas moi qui le dit ,mais lui
ceci dit vous avez le droit de le trouver formidable
Bonsoir,
Juste pour signaler que j’ai mentionné ce billet dans l’Épisode #7 : « Scepticisme ou Zététique? » du balado « Scepticisme scientifique »:
http://pangolia.com/blog/?p=87
Sceptiquement vôtre,
Si on devine au début de votre texte que vous buvez du petit lait à propos de la description des conspirations imaginaires «les plus farfelus » des ufologues par Lagrange, vous êtes naturellement plus circonspect quand Lagrange examine de la même manière le camp des « sceptiques ».
C’est bien naturel. Les sceptiques ne sauraient être comparés à ces énergumènes.
Pierre Lagrange a cité dans l’article du Monde Diplomatique plusieurs citations de la part d’illustres scientifiques ; discours qui sorties de la bouche d’autres personnes vous auraient immédiatement convaincus de la paranoïa conspirationniste existant chez ces personnes.
Charpak – prix Nobel – ingénument, questionne : « le renouveau des pratiques magiques, occultes ou para-normale a été curieusement rapide (…) Si rapide même que l’on est en droit de se poser la question : quel sont les concours qui ont créé ce besoin ?»
Poser la question serait-il y répondre ?
Albert Jacquard : « transformer les citoyens en moutons soumis est le rêve de bien des pouvoirs. Pour y parvenir, les moyens sont nombreux ; les intoxiquer de parasciences peut être fort utiles »
Rien n’est affirmé. Tout est suggéré.
Mais comme il s’agit de Georges Charpak ou de Albert Jacquard, vous ne le relevez pas et vous ne montrez pas du tout la même sévérité de jugement qu’envers les « conspirationnistes ». Pour conclure, vous affirmez que Lagrange « échoue à convaincre ».
Lagrange dans son dernier livre « OVNIS : Ce qu’ils ne veulent pas que vous sachiez » cite aussi un scientifique du collège de France, adhérent à l’Union rationaliste, et porte-parole de cet organisme, avec qui il s’entretint. La conversation portait sur la théorie du complot de Roswell puis dériva sur une autre conspiration : celle de l’Église. Le professeur du collège lui expliqua que l’Église conspira pendant plusieurs siècles pour étouffer toute vérité scientifique et que cette conspiration fut maintenue secrète jusqu’à maintenant…
Ouahhh … Bienvenu au club des conspirationnistes, amis sceptiques…
Sceptiquement Vôtre.
Il y a aussi cette autre théorie de la conspiration où l’instauration d’un nouvel oprdre mondial serait précédé d’une destruction humaine massive visant à faire place nette aux richards de la planète.
Un grand ménage humain d’abord effectué par une vaccination contrôlée et imposée à l’échelle planétaire afin de contrer une pandémiei annoncée.. Ah…!
Et aussi par une soi disant invasion d’extraterrestres agressifs qui ne seraient ni plus ni moins qu’une série de monstres créés de de toutes pièces dans les étages souterrains de la NASA.
Nous pourrions assister à un spectaculaire débarquement céleste holographique, projeté et à partir de satellites synchronisés… par Hollywood.
On parle donc plutôt d’intra terrestres meurtriers clonés, résultant d’une fusion entre cellules humaines et animales fruits de nombreuses années d’expériences bio génétiques secrètes du gouvernement américain.
Ronald Reagan à Gorbatchev en 1985: Nos taches respectives seraient facilités si ce monde était soudain menacé par des espèces venues d’autres planètes. ….. »
Ah…!