Le président américain la traite maintenant de « folle furieuse »...

Vendredi 14 novembre, Donald Trump a publiquement répudié l’une de ses plus fidèles alliées : Marjorie Taylor Greene. Depuis plusieurs semaines, l’élue républicaine de la 14ème circonscription de Géorgie milite en effet pour que soient publiés les dossiers sur l’affaire Jeffrey Epstein, ce riche homme d'affaires et délinquant sexuel new-yorkais mort en prison avant d'être jugé. « La publication des dossiers Epstein devrait être la chose la plus simple à faire, écrit-elle sur son compte X. Les personnes responsables méritent d’être tenues responsables, et toutes les victimes de viol et de trafic sexuel doivent savoir qu’elles bénéficient d’un soutien et qu’elles n’ont plus à être des victimes. »
Donald Trump, ancien proche de Jeffrey Epstein et embourbé dans ce dossier, n’a pas supporté cet affront en provenance de son propre camp. Sur son réseau social Truth Social, le président américain a ainsi opéré une rupture d’ampleur au sein du camp MAGA. Traitant Marjorie Taylor Greene de « folle furieuse » et l’accusant d’être devenue « d’extrême gauche », il s’est même dit prêt à soutenir tout candidat républicain qui s’opposerait à elle, dans sa circonscription de Géorgie, lors de la primaire de mi-mandat en 2026. Quelques jours plus tard, l’élue a annoncé sa démission du Congrès, qu’elle quittera définitivement le 5 janvier prochain.
Marjorie Taylor Greene avait déjà pointé du doigt la politique économique du Président, estimant qu’il négligeait le pouvoir d’achat des Américains. Des critiques qui permettent d'entrevoir les projets politiques de la quinquagénaire. « Je pense qu'elle met de la distance entre elle et Trump, car elle se rend compte que sa proximité avec lui pourrait contrarier ses ambitions, alors qu'il se trouve dans une spirale descendante » estime le journaliste américain Mike Rothschild, collaborateur régulier de Conspiracy Watch (sans lien de parenté avec la célèbre famille du même nom). Car au-delà des élections de mi-mandat, c’est bien la présidentielle de 2028 que vise Marjorie Taylor Greene.
Après deux mandats effectués à la tête des États-Unis, la Constitution américaine empêche − jusqu'à nouvel ordre − Donald Trump d’être élu une troisième fois. Se pose alors la question de l’avenir du Parti républicain et du mouvement MAGA. Pour Mike Rothschild, de nombreux partisans de Trump pourraient y voir une opportunité de lui succéder. Dont Marjorie Taylor Greene. « Je pense qu’elle veut prendre le contrôle de la mouvance MAGA et devenir sa nouvelle figure de proue », analyse-t-il.
Une conclusion partagée par le journaliste italien Leonardo Bianchi, qui souligne, dans sa newsletter « Complotti! » du 22 novembre, « les multiples lignes de fracture » qui « mettent en évidence l'érosion du pouvoir de Trump, et surtout l'affaiblissement de son emprise sur le mouvement MAGA ». Pour ce spécialiste du complotisme, la perspective de 2028 sans candidature de Donald Trump a lancé « une guerre de succession » permettant notamment d'expliquer les multiples invectives adressées par Marjorie Taylor Greene au Président américain « dès le début de son second mandat ».
Cette ascension pourrait malgré tout s’avérer compliquée, au sein d’un camp qui la considère désormais comme « une traîtresse et une apostate », pointe Mike Rothschild. Depuis les déclarations de Donald Trump à son sujet, l'élue dénonce un harcèlement orchestrée par une partie de la sphère MAGA. « Je suis actuellement contacté par des sociétés de sécurité privées qui m'avertissent que ma sécurité est menacée, car un véritable foyer de menaces à mon encontre est alimenté et encouragé par l'homme le plus puissant du monde », ressasse-t-elle sur les réseaux sociaux.
Des méthodes d’intimidations qu’elle maîtrise également : à plusieurs reprises, elle a appelé à la violence contre des élus démocrates. En 2018 et 2019, elle a notamment soutenu l’exécution de personnalités comme Barack Obama, Hillary Clinton, ou encore Nancy Pelosi. Marjorie Taylor Greene avait par ailleurs harcelé en pleine rue David Hogg, un survivant de la tuerie du lycée de Parkland, estimant que la fusillade avait été orchestrée pour nuire au droit du port d'armes.
Taylor Greene qui, harcelée depuis les attaques de Trump, découvre soudain que le harcèlement c’est mal.
Je me souviens encore de son propre harcèlement envers David Hogg, survivant de la tuerie du lycée de Parkland. https://t.co/2OkEXEXzkd pic.twitter.com/6zEuDSbka8— Tristan Mendès France (@tristanmf) November 16, 2025
Malgré le rejet exprimé par les républicains fidèles à Donald Trump, « les Démocrates semblent l'accueillir comme une convertie, ce qu'elle n'est clairement pas », observe Mike Rothschild. Ces derniers jours, Marjorie Taylor Greene a en effet été invitée sur les chaînes ABC et CNN, des plateaux bien plus conventionnels que les studios de podcasts liés au mouvement MAGA qu’elle fréquente habituellement.
Auprès du public américain, Marjorie Taylor Greene, dans la continuité de Donald Trump, se présente comme une « Républicaine de bon sens qui dit la vérité », souligne le journaliste. Mais à la différence du Président, « elle n'est pas redevable à des milliardaires controversées, donc son profil pourrait être très attrayant », ajoute-t-il.
Si le rapport de Marjorie Taylor Greene à la sphère MAGA est compliqué, il l’est tout autant avec les milieux conspirationnistes. Après avoir attiré l’attention du grand public en soutenant publiquement les théories de QAnon, elle a également désavoué ce mouvement à plusieurs reprises.
Interviewée dans l’émission The View sur ABC début novembre, l’élue républicaine répond s’être détachée « il y a bien longtemps » de la mouvance sectaro-complotiste, affirmant même en être la « victime ». En 2020, lors des élections qui lui ont fait gagner un siège à la Chambre des représentants, elle s’était déjà désolidarisée de QAnon, accusant le mouvement de « désinformation ».
Marjorie Taylor Greene on The View:
HOSTIN: “You don’t believe in QAnon anymore? You’ve changed?”
MTG: “No, I haven’t changed. I was a victim—just like you were—of media lies and stuff you read on social media.”The rebrand is wild. From spreading conspiracy theories to… pic.twitter.com/vAY1GOaFa8
— Brian Allen (@allenanalysis) November 4, 2025
Ce retournement de veste n’étonne pas vraiment Mike Rothschild : « Je doute que ses opinions et son attirance pour les théories du complot aient évolué. Mais le mouvement QAnon est relativement toxique et il est courant que des influenceurs s'éloignent de Q tout en essayant de séduire ses partisans. » Ce fût par exemple le cas de Jake Angeli. Le « QAnon Shaman » s’est fait connaître lors de l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Plus tard, il a laissé entendre qu’il s’était fait « duper » par le mouvement, comme beaucoup d’autres adeptes selon lui et a confié regretter sa participation au coup de force.
Au-delà de QAnon, la Républicaine a même réfuté la théorie conspirationniste du « laser spatial juif secret ». Une ineptie qu’elle avait pourtant développé en 2018, expliquant que des engins spatiaux contrôlés par les Rothschild auraient intentionnellement provoqué les terribles incendies qui ont dévasté la Californie cette année-là. Elle a toutefois recyclé cette idée d'un « laser spatial » en 2024, quelques mois avant la réélection de Donald Trump, suggérant de s’en servir pour lutter contre… les migrants clandestins à la frontière avec le Mexique.
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