Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme

Bat Ye’or, Oriana Fallaci et « Eurabia »

Publié par La Rédaction17 mai 2012, ,

AVERTISSEMENT : Le texte qui suit est extrait de Øyvind Strømmen, La Toile brune. © Éditions ACTES SUD, Arles, avril 2012. Il est protégé par le droit d'auteur. Merci aux éditions Actes Sud d'avoir autorisé Conspiracy Watch à le reproduire.

La Toile brune, de Øyvind Strømmen (éd. Actes Sud, 2012).

[Publié en avril 2004 par la journaliste italienne Oriana Fallaci,] La Force de la Raison commence par une introduction où Fallaci se décrit comme “une Cassandre qui parle au vent”. Elle représente la Vérité et se dresse contre l’inquisition moderne, où les frocs à capuche des prêtres sont remplacés par des “djellabas et des tchadors et les tenues des arcs-en-cielistes qui se disent pacifistes, et aussi les complets gris et les cravates de leurs marionnettistes” (1). Ceux qui ne sont pas d’accord avec Fallaci sont qualifiés de “collaborateurs. C’est-à-dire des traîtres” (2). Le ton est ainsi donné. (...) Fallaci essaie de nous expliquer qu’il s’agit d’une gigantesque trahison, d’une énorme conspiration :

« Derrière tout cela, il y a – voilà la vérité que les responsables ont toujours tue ou plutôt dissimulée comme un secret d’Etat – le plus grand complot de l’histoire moderne. Le plus sordide complot que notre monde ait jamais produit par le biais des escroqueries idéologiques, des saloperies culturelles, des prostitutions morales, des tromperies. Il y a l’Europe des banquiers qui ont inventé la farce de l’Union européenne, des papes qui ont inventé la fable de l’Œcuménisme, des criminels qui ont inventé le mensonge du Pacifisme, des hypocrites qui ont inventé la fraude de l’Humanitarisme. Il y a l’Europe des chefs d’Etat sans honneur ni cerveau, des politiques sans conscience ni intelligence, des intellectuels sans dignité ni courage. En somme, l’Europe malade. L’Europe qui s’est vendue comme une gourgandine aux sultans, aux califes, aux vizirs, aux lansquenets du nouvel Empire ottoman. En somme, l’Eurabie ». (3)

Fallaci présente l’Union européenne comme le principal instigateur d’un grand complot sinistre visant à faire de l’Europe une colonie islamique. Elle montre du doigt la revue Eurabia fondée dans les années 1970 par un groupe d’associations et d’organisations européennes œuvrant pour le dialogue et les échanges culturels avec le monde arabe. Elle accuse ces mêmes organismes d’être “les exécuteurs officiels du complot” et leur obscure revue devient alors la preuve qu’en 1975, déjà, l’Europe était vendue à l’islam. L’analyse de Fallaci (...) s’appuie ici sur le travail de l’auteur d’origine égyptienne Bat Ye’or, ce que Fallaci elle-même souligne. Parmi tous les écrits consacrés à l’Eurabia, le livre de Bat Ye’or Eurabia : l’axe euro-arabe est le plus important. Dans celui-ci, le vrai grand méchant loup est ce que Bat Ye’or appelle le Dialogue euro-arabe.

La plupart des théories vendables du complot – mais pas toutes, loin de là – ont un fond de vérité. Dans le cas présent, celui-ci concerne le fameux Dialogue euro-arabe, qui existe bel et bien. Cependant Bat Ye’or, comme beaucoup d’auteurs dans la prose de l’Eurabia, a l’art de faire passer les choses pour ce qu’elles ne sont absolument pas. Chez elle comme chez Fallaci, un simple séminaire littéraire à Venise en 1977 devient l’un des chaînons d’un complot sinistre, et ce uniquement parce qu’il est lié au fameux Dialogue euro-arabe (4). Et peu importe que les sujets discutés lors de ce séminaire traitent de la coopération dans le domaine de la recherche linguistique ou de l’enseignement de la langue, de la littérature et de la culture arabes, ou encore de l’établissement d’un centre permettant aux Européens lisant l’arabe d’avoir accès à des livres ou périodiques dans cette langue.

Dans cet univers de conspiration où Fallaci et Bat Ye’or souhaitent nous entraîner, les conclusions du séminaire sont la preuve irréfutable que l’Europe a été vendue à l’islam. [...]

 

Notes :
(1) Oriana Fallaci, La Force de la Raison, Editions du Rocher, Monaco, 2004, p. 18. Original : La Forza della Ragione, Rizzoli Intl. Publishers, New York, 2004.
(2) Ibid., p. 32-33.
(3) Ibid., p. 117-118.
(4) Bat Ye’or (Giselle Littman), Eurabia : l’axe euro-arabe, Jean- Cyrille Godefroy, Paris, 2007, p. 109-112.

 

L'auteur :
Øyvind Strømmen est un jeune journaliste norvégien. Il s'intéresse depuis plusieurs années à l'extrémisme de droite sur internet.

 

Voir aussi :

Cet article est en accès libre.
Pour qu’il le reste, Conspiracy Watch a besoin de vous.
Je suis d'accord, je fais un don
je continue ma lecture

AVERTISSEMENT : Le texte qui suit est extrait de Øyvind Strømmen, La Toile brune. © Éditions ACTES SUD, Arles, avril 2012. Il est protégé par le droit d'auteur. Merci aux éditions Actes Sud d'avoir autorisé Conspiracy Watch à le reproduire.

La Toile brune, de Øyvind Strømmen (éd. Actes Sud, 2012).

[Publié en avril 2004 par la journaliste italienne Oriana Fallaci,] La Force de la Raison commence par une introduction où Fallaci se décrit comme “une Cassandre qui parle au vent”. Elle représente la Vérité et se dresse contre l’inquisition moderne, où les frocs à capuche des prêtres sont remplacés par des “djellabas et des tchadors et les tenues des arcs-en-cielistes qui se disent pacifistes, et aussi les complets gris et les cravates de leurs marionnettistes” (1). Ceux qui ne sont pas d’accord avec Fallaci sont qualifiés de “collaborateurs. C’est-à-dire des traîtres” (2). Le ton est ainsi donné. (...) Fallaci essaie de nous expliquer qu’il s’agit d’une gigantesque trahison, d’une énorme conspiration :

« Derrière tout cela, il y a – voilà la vérité que les responsables ont toujours tue ou plutôt dissimulée comme un secret d’Etat – le plus grand complot de l’histoire moderne. Le plus sordide complot que notre monde ait jamais produit par le biais des escroqueries idéologiques, des saloperies culturelles, des prostitutions morales, des tromperies. Il y a l’Europe des banquiers qui ont inventé la farce de l’Union européenne, des papes qui ont inventé la fable de l’Œcuménisme, des criminels qui ont inventé le mensonge du Pacifisme, des hypocrites qui ont inventé la fraude de l’Humanitarisme. Il y a l’Europe des chefs d’Etat sans honneur ni cerveau, des politiques sans conscience ni intelligence, des intellectuels sans dignité ni courage. En somme, l’Europe malade. L’Europe qui s’est vendue comme une gourgandine aux sultans, aux califes, aux vizirs, aux lansquenets du nouvel Empire ottoman. En somme, l’Eurabie ». (3)

Fallaci présente l’Union européenne comme le principal instigateur d’un grand complot sinistre visant à faire de l’Europe une colonie islamique. Elle montre du doigt la revue Eurabia fondée dans les années 1970 par un groupe d’associations et d’organisations européennes œuvrant pour le dialogue et les échanges culturels avec le monde arabe. Elle accuse ces mêmes organismes d’être “les exécuteurs officiels du complot” et leur obscure revue devient alors la preuve qu’en 1975, déjà, l’Europe était vendue à l’islam. L’analyse de Fallaci (...) s’appuie ici sur le travail de l’auteur d’origine égyptienne Bat Ye’or, ce que Fallaci elle-même souligne. Parmi tous les écrits consacrés à l’Eurabia, le livre de Bat Ye’or Eurabia : l’axe euro-arabe est le plus important. Dans celui-ci, le vrai grand méchant loup est ce que Bat Ye’or appelle le Dialogue euro-arabe.

La plupart des théories vendables du complot – mais pas toutes, loin de là – ont un fond de vérité. Dans le cas présent, celui-ci concerne le fameux Dialogue euro-arabe, qui existe bel et bien. Cependant Bat Ye’or, comme beaucoup d’auteurs dans la prose de l’Eurabia, a l’art de faire passer les choses pour ce qu’elles ne sont absolument pas. Chez elle comme chez Fallaci, un simple séminaire littéraire à Venise en 1977 devient l’un des chaînons d’un complot sinistre, et ce uniquement parce qu’il est lié au fameux Dialogue euro-arabe (4). Et peu importe que les sujets discutés lors de ce séminaire traitent de la coopération dans le domaine de la recherche linguistique ou de l’enseignement de la langue, de la littérature et de la culture arabes, ou encore de l’établissement d’un centre permettant aux Européens lisant l’arabe d’avoir accès à des livres ou périodiques dans cette langue.

Dans cet univers de conspiration où Fallaci et Bat Ye’or souhaitent nous entraîner, les conclusions du séminaire sont la preuve irréfutable que l’Europe a été vendue à l’islam. [...]

 

Notes :
(1) Oriana Fallaci, La Force de la Raison, Editions du Rocher, Monaco, 2004, p. 18. Original : La Forza della Ragione, Rizzoli Intl. Publishers, New York, 2004.
(2) Ibid., p. 32-33.
(3) Ibid., p. 117-118.
(4) Bat Ye’or (Giselle Littman), Eurabia : l’axe euro-arabe, Jean- Cyrille Godefroy, Paris, 2007, p. 109-112.

 

L'auteur :
Øyvind Strømmen est un jeune journaliste norvégien. Il s'intéresse depuis plusieurs années à l'extrémisme de droite sur internet.

 

Voir aussi :

Depuis seize ans, Conspiracy Watch contribue à sensibiliser aux dangers du complotisme en assurant un travail d’information et de veille critique sans équivalent. Pour pérenniser nos activités, le soutien de nos lecteurs est indispensable.  

Faire un don !
à propos de l'auteur
[show_profile_image]
Partager :
Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
© 2007-2024 Conspiracy Watch | Une réalisation de l'Observatoire du conspirationnisme (association loi de 1901) avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
cross