
C’est pourquoi les « constructivistes » croient dur comme fer aux théories de la conspiration. Pour eux, il est non seulement possible, mais aussi simple comme bonjour qu’un groupe de conspirateurs manipule la conjoncture historique. Puisque, selon eux, la clé du problème est qui détient le pouvoir et que tout le reste en découle, leur conception de la politique, dépouillée de l’accessoire, se réduit aux manœuvres nécessaires pour prendre et garder le pouvoir.
[…] Parce que la politique est conçue comme une bataille pour prendre le pouvoir, on n’admet pas que les cadres de l’« officialisme » (i.e. les militants du mouvement au pouvoir – NDLR) fassent de la politique ni que celle-ci ait à voir, fût-ce indirectement, avec cette bataille. C’est pourquoi ils peuvent tous faire l’objet de purges, comme on l’a vu dramatiquement lors des grands procès soviétiques. A l’exception du numéro un, tous sont potentiellement des traîtres, des corrompus, des vendus à l’« ennemi » (les compagnies pétrolières, l’« empire » nord-américain).
[…] Les résultats évidents du piège psychologique que nous sommes en train de décrire sont les suivants : la soumission politique des militants et des fonctionnaires, l’apparition d’une « cour » destinée à obéir et à flatter, la disparition de l’initiative personnelle.
[…] La « peur de la trahison » se répand partout, faisant proliférer les dénonciations de conspiration, comme celles dont a déjà parlé le gouvernement sans jamais les prouver : conspirations des compagnies pétrolières (avec « photos » à l’appui qui n’ont jamais paru), conspirations de l’ambassade des Etats-Unis, qu’il a fallu ensuite démentir, conspirations de l’oligarchie de l’est du pays ou des moyens de communication, qui se sont révélées sans fondement.
L’auteur :
Fernando Molina est spécialiste de l’histoire de la Bolivie contemporaine. Derniers ouvrages parus : Evo Morales y el retorno de la izquierda nacionalista (2006) ; Conversión sin fe. El Mas y la democracia (2007).
N’ayant pas lu l’article dans son intégralité, je ne peux guère porter d’appréciation sur sa thèse. Il me semble néanmoins important de signaler que le sens que l’auteur donne au terme de « constructivisme » (inspiré, semble-t-il, de Hayek) n’a rien à voir avec le sens généralement accordé à ce mot en sciences sociales (cf. par exemple la définition qu’en donne Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Constructivisme_social).
Oui je suis d’accord. C’est la raison pour laquelle j’ai titré « rationalisme dogmatique … » et non « constructivisme … ». Car c’est bien cela qui est au fondement du raisonnement conspirationniste : une sorte d’hyper-rationalisme qui réduit la réalité politique et sociale à une mécanique parfaitement huilée dans laquelle aucun grain de sable (qui auraient pour nom « hasard », « incompétence », « bêtise ») ne vient jamais gripper la machine.
Vous aurez compris que cet hyper-rationalisme est une caricature de pensée rationnelle ; qu’il est, en fait, un pseudo-rationalisme.
C’est le sens de la phrase d’Hannah Arendt à propos des masses vivant sous le joug de régimes totalitaires : « Les masses se laissent convaincre non par les faits, même inventés, mais seulement par la cohérence du système dont ils font censément partie. (…) Ce que les masses refusent de reconnaître, c’est le caractère fortuit dans lequel baigne la réalité. Elles sont prédisposées à toutes les idéologies parce que celles-ci expliquent les faits comme étant de simples exemples de lois, et éliminent les coïncidences en inventant un pouvoir suprême et universel qui est censé être à l’origine de tous les accidents. La propagande totalitaire fleurit dans cette fuite de la réalité vers la fiction, de la coïncidence vers la cohérence ».
« ..la coïncidence vers… » mort de rire Rudy avec tes coïncidences 😉
Dans tous les thèmes que tu abordes pour lutter contre l’idée de « stratégie et de mise en oeuvre », il y a soit « coïncidence » soit « incompétences » sans que jamais tu ne t’inquiètes du manque de sanctions (inexistantes à chaque fois ou faisant sauter un ou deux fusibles parfois). Pas de stratégie et de mise en oeuvre selon ton observatoire. Juste des coïncidences !!! Mort de rire…
Au fait, de quels régimes totalitaires parles-tu exactement (je suis trop stupide pour saisir) ? Des régimes capitalistes néo-libéraux de droite extrème ?
Au fait, que penses-tu des dangereux conspirationnistes qui pointent du doigt les « forces rouges de l’ultra gauche terroriste » dans les affaires de la SNCF et du plastiquage sans détonnateur d’un magasin (cf. France2, TF1, france Inter, Le Monde, Libé etc…)?
Que penses-tu des Conspirationnistes (les vrais) qui nous font avaler la couleuvre épaisse « des pirates d’Al Qaeda » montés sur bateaux à moteur et qui attaquent des pétroliers lancés en pleine mer ?…
Et si on expliquait que ces pirates ne sont pas vraiment des pirates mais plutôt des mercenaires à la solde de capitalistes occidentaux et arabes milliardaires et que ce joue là d’étranges conquêtes… d’étranges traffics. Qu’ils sont armés par la Franc entre autre… hein ?!!! On peut en parler ou on continue de laisser s’exprimer LE CONSPIRATIONNISME que tu hais tant au point d’y consacrer, tel soeur Emmanuelle, une partie de ta vie ?!!! c’est beauuuuuuuu Rudy ! Ton sacrifice est un exemple pour nous tous ! Enfin, pour ceux qui sont un peu dupe quand même…
Az
Une question : le rationalisme dogmatique est-il le seul fondement du conspirationnisme ?
Autrement dit tout conspirationniste est-il nécessairement un rationaliste dogmatique ?
« La rente pétrolière est passée de 300 millions de dollars à plus de 4 milliards de dollars. Aujourd’hui, elle va au peuple. Elle n’est pas accaparée par une minorité parasite. Nous avons modifié les contrats avec les multinationales. Désormais nous leur laissons 18 % de profit et nous gardons 82 %. Avant c’était l’inverse. »
(Interview d’Evo Moralès à l’Humanié dimanche)
Si les lecteurs de l’Humanité ne connaissent pas Fernando Morena, ils ne savent pas que Moralès est un émule de Joseph Staline et non une sorte d’abbé Pierre tropical.
Mais je remarque que notre conspirologue émérite n’est pas un fan des «obsédés de l’extrême » de Mme Fourest puisqu’il semble ignorer qu’il existe deux sortes de conspirationnistes : les cyniques et les illuminés.
En tout cas il omet de mentionner à quelle catégorie appartient le Président bolivien.
Qui pourrait donner cette utile précision aux lecteurs de conspiracy watch qui restent dans l’expectative ?