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La pureté des intentions immunise-t-elle contre les vieux poisons ? La séquence sur CNews où Erik Tegnér, patron du média d’extrême droite Frontières, présente Yaël Braun-Pivet comme « la finition du macronisme » et assimile l'essayiste Alain Minc à « l’argent-roi » et Jacques Attali à « l’homme nomade » fournit la triste illustration du contraire.
Tandis que SOS Racisme a saisi l’Arcom, la présidente de l’Assemblée nationale a dénoncé « les pires clichés antisémites ».
Procès en sorcellerie ou vigilance justifiée ? Égrener les noms de trois personnalités juives régulièrement visées par la propagande antisémite pour critiquer le président de la République ne va pas forcément de soi. Le faire en réactivant le thème de la dictature de l'argent et l'opposition barrésienne de l'enraciné et du nomade trahit une vision du monde inséparable de l'antisémitisme. Toutes choses qu'Erik Tegnér devrait savoir s'il se souciait véritablement de l'explosion des actes antijuifs ces dernières années.
On se souvient de la sortie sournoise de Jean-Luc Mélenchon reprochant à Yaël Braun-Pivet de « [camper] à Tel-Aviv pour encourager le massacre ». Des mots dont le sous-texte avait été clairement explicité par l'historien Pierre Birnbaum. Jacques Attali a publié un livre intitulé L’Homme nomade (Fayard, 2003), réflexion sur la destinée de l'espèce humaine à travers l'histoire. Alain Minc de son côté est l'auteur de L’Argent fou (Grasset, 1990), un vibrant plaidoyer pour la régulation du capitalisme. Erik Tegnér aurait-il commis un contre-sens ? Toujours est-il que, dans un cas comme dans l'autre, assigner des personnes à des essences – ici, l’errance et l’argent – relève d’un procédé d’essentialisation qui est au coeur de la grammaire conspirationniste. D'autant que Frontières (ex-Livre Noir) ne parle pas de nulle part : ce média militant cultive sans complexe sa proximité avec une extrême droite politique qui est loin d'en avoir fini avec ses vieux démons (lire ici ou là). Ce qui est tout sauf un détail.
Qu'Erik Tegnér puisse sincèrement exciper de sa bonne foi, se défendre de toute intention antisémite, se dire « aux côtés des juifs chaque jour depuis le pogrom du 7 octobre » et qu'il se trouve des personnalités juives prêtes à lui donner l'absolution n'y change rien : certains discours, qu'ils s'inscrivent dans l'horizon « antimondialiste » de l'extrême droite identitaire ou qu'ils soient motivés par l'« antisionisme » de la gauche radicale, doivent autant être jugés sur leurs intentions que sur leurs effets. Car, on ne le sait que trop, l'enfer est pavé de bonnes intentions.
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