
« [Ce sondage] met en exergue le déni des Français par rapport au scandale. Ils ne veulent pas y croire, c’est intéressant du point de vue de la psychologie collective (…). Il s’agit d’une réaction à chaud et ce sentiment d’incrédulité pourrait s’estomper au fil de l’enquête » (source : 20minutes.fr).
* Christian Delporte, historien :
« Ce sondage a été réalisé lundi, avant la comparution de Strauss-Kahn. On était alors sidérés face à cette nouvelle incroyable, sans précédent. On ne voit jamais d’homme politique menotté, encadré de policiers. (…) On ne l’a pas entendu lui, ni ses avocats, on ne sait rien de sa défense. Moralement, c’est assez inacceptable de n’avoir qu’un son de cloche. Cela crée un phénomène d’empathie, qui mène à la thèse du complot, elle-même renforcée par un faisceau de raisons. La réputation de séducteur de DSK, c’était sa vulnérabilité. Or cet événement survient au moment où il apparaît déjà comme l’homme à abattre, après l’histoire de la Porsche et des costumes. Cela pousse à croire qu’il a été piégé. Et puis les faits se déroulent aux États-Unis. Cet éloignement nourrit l’imaginaire » (source : France Soir).
* Pascal Froissart, enseignant-chercheur en communication, auteur de La Rumeur :
« La question a été posée dans le cadre d’une enquête d’opinion portant sur l’élection présidentielle, un baromètre politique, et non dans un cadre judiciaire ou en proposant une série de scénarios possibles (du genre, DSK est-il malade ? A-t-il été victime d’une manipulation ?). Cela change tout. (…) Il est faux de dire que tous les Français sont paranos. L’opinion en faveur de la théorie du complot est très située. Elle dépend de l’endroit où l’on se situe sur l’échiquier politique. Les sympathisants de gauche y croient davantage que les autres. Ils défendent leur parti politique, et la cohérence d’une campagne électorale qui se mettait en place. C’est une défense qu’on pourrait presque qualifier de corporatiste. Il y a quelque chose de clanique dans cette réaction » (source : Le Monde).
* Pierre-André Taguieff, politologue, historien des idées, auteur de L’Imaginaire du complot mondial :
« Dénoncer un complot est un mécanisme de défense facile : on simplifie le problème en lui donnant une forme claire et acceptable, on s’offre ainsi une bouée de sauvetage dans un contexte d’incertitude et de désarroi. Le sondage montre surtout qu’un grand nombre de Français semblent ne pouvoir accepter la chute brutale de Dominique Strauss-Kahn, qui aurait pu être le futur président de la République. Quelques personnages publics ont affirmé ou suggéré qu’il est la victime d’un complot : une élue socialiste a même parlé d’un "complot international". Mais pour qu’il y ait complot, il faut un groupe organisateur agissant dans le secret, un objectif, un plan d’action et un bénéficiaire. Rien de tel n’est ici formulé. Il est donc abusif de parler de "théorie du complot" : le complot n’est nullement théorisé, c’est l’innocence de DSK qui est affirmée, par des gens qui expriment ainsi leur malaise ou leur angoisse. Les dénonciateurs du complot ou de la machination ne peuvent clairement répondre à la question "À qui profite le crime ?" » (source : Le Point).
* Gérald Bronner, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg, spécialiste des croyances collectives, auteur de La Pensée extrême :
« Aucun mythe du complot n’est fondé sur la déraison. Pour qu’il se développe, il faut un sentiment d’implication doublé d’une carence en information. Lorsque le sondage a été réalisé, l’incertitude était extrêmement forte tandis qu’une partie des Français s’apprêtaient à voter pour DSK. L’histoire d’un directeur du FMI promis à la présidence de la République qui gâche tout par une tentative de viol, un comportement bestial contre une pauvre dame, c’est assez invraisemblable, contre-intuitif » (source : L’Elysée côté jardin).
* Stéphane Rozès, politologue, président de la société de conseil Cap :
« Il y a un tel écart entre l’image qu’avait Dominique Strauss-Kahn, sa réussite comme directeur général du FMI, son destin de présidentiable en France et d’autre part la gravité des faits qui lui sont reprochés que les Français sont dans un état de sidération (…). Les individus ont horreur du vide et l’état de sidération appelle donc la théorie du complot » (source : Le Point).
* Philippe Corcuff, sociologue :
« Dans nos sociétés, on doute de tout, il n’y a plus de distinction très claire. Toute vérité publique devient dévaluée, cela correspond à un besoin de se sentir plus malin que les autres » (source : Slate.fr).
* Denis Muzet, sociologue des médias :
« Les Français ont été sidérés, au sens fort du mot, en apprenant la nouvelle (…). Pour réduire la distance entre l’empathie qu’ils avaient accumulée en faveur du directeur du FMI, présenté comme le futur candidat socialiste à la présidentielle, et cet événement bloquant soudainement sa candidature, ils ont eu recours au déni. Si lui n’est pas coupable, la seule explication possible est celle du complot. Ce chiffre de 57 % traduit l’ampleur du désarroi de l’opinion » (source : Le Monde)
* Claude Askolovitch, journaliste
:
« Il faut prendre ce sondage au sérieux parce qu’il traduit une souffrance de la société française et un malaise, un doute profond sur la politique (…) L’idée c’est que la politique serait une chose pas très propre et l’idée, qui existe beaucoup à gauche, c’est que le pouvoir de Nicolas Sarkozy serait capable de pratiquement tout » (source : Europe 1).
* François-Bernard Huyghe, politologue :
« Suivant un sondage cité par le Parisien, 57 % des Français sont persuadés que DSK est victime d’un complot. Si c’est exact, ce chiffre nous en apprend autant sur l’exception française que d’autres déjà signalés sur Atlantico : nous sommes le peuple le moins confiant du monde, qu’il s’agisse de foi en l’avenir, surtout économique (nous sommes bien plus pessimistes que les Irakiens ou les Pakistanais), ou en l’autorité judiciaire, administrative ou n’importe quelle autre (nous sommes davantage convaincus que les Colombiens que le système est pourri) » (source : Atlantico).
« Les dénonciateurs du complot ou de la machination ne peuvent clairement répondre à la question « À qui profite le crime ? »
M. Taguieff a tort. J’ai lu et entendu ici et là au moins 3 versions pointant des bénéficiaires potentiels de ce complot :
– Sarko, bien évidemment, qui voit là un de ses rivaux tomber
– Les US qui verraient d’un mauvais œil les velléités sociales de DSK pour l’orientation du FMI
– Les russes (version Bartolone)
Remarquons par ailleurs que cette définition à géométrie variable de la Théorie du complot par M Taguieff dédouane définitivement Marion Cotillard ou Matthieu Kassovitz qui n’ont jamais théorisé de complot pour les attentats du 11 sept 2001 mais se sont contentés de dénoncer l’absurdité de la Version Officielle. Idem d’ailleurs pour une majorité silencieuse que vous désignez péjorativement comme « conspirationnistes ».
Désolé quidam, mais on pourrait aussi dire que ça profite à l’amant de sa femme ou aux caniches tant qu’on y est… à mon avis ils parlent de réponses sérieuses … de raison argumentées, d’où le mot « CLAIREMENT » dans la phrase que tu cites mais tu ne comprends qu’à moitié …
à savoir que par exemple, les USA peuvent toujours virer DSK, l’europe trouveras toujours un remplaçant pour les intérêts de l’europe a dépens de eux des USA … Tout comme sarko qui peut virer straus-khan, cela ne changera pas le fait que le PS présentera un candidat, et que sa côte est au plus bas … Ce qui fait de ces réponses ne sont ni claire, ni sûre …
Ensuite « conspirationniste » n’est pas un mot péjoratif … Ce n’est qu’un mot, que toi tu prends mal, vu qu’il qualifie un mélange de personnes, dont certaines sont complétement conne …
PS: Pour la « majorité silencieuse », je pense personnellement que si elle est silencieuse on ne sait pas ce qu’elle a à dire, et donc qu’on ne peut la placer parmi les « conspirationnistes ». Et par respect pour cette « majorité silencieuse », je te prierais de bien vouloir ne pas les placer dans l’un ou l’autre des deux camps pour assoir un argument d’autorité absurde.
Il est tout de même malvenu, cher ‘Quidam’, de glisser ainsi de ‘l’affaire DSK’ au conspirationnisme à la sauce 9-11.
Dans le cas de cette affaire Strauss-Kahn, on se trouve manifestement (même si le bruit médiatique autour de l’arrestation voile encore la succession des faits) devant un effritement graduel, depuis plusieurs mois, à coup de petites révélations peu à peu distillées dans la presse (les costumes de riche, le riyad, la Porsche de Khiroun…) de la stature d’un homme influent, dont cette arrestation constitue un providentiel climax, au moins pour certains journalistes et politiques français (et sans aucun doute aussi pour de discrets financiers).
Je me rends compte dans l’article de Rudy que les spécialistes convoqués ici semblent en majorité comprendre que ce ‘complot’ là est davantage fondé sur des bases plausibles que la croyance démesurée dans le fabuleux ‘grand complot mondial de la CIA contre le reste du monde’.
Mais je m’interroge quand même sur l’opportunité de citer, dans ce florilège de spécialistes de la psychologie des foules, un article d’Atlantico, média pas vraiment objectif et qui semble de plus en plus nettement asseoir sa notoriété toute neuve et opportunément faire ses choux gras de la pseudo-culpabilité de notre célèbre assigné à résidence.
A quand des citations d’Altermédia.info, de SecreteBase, du Grand Soir et du Bloc identitaire ???
@ La hussarde (# 4) :
Si vous voulez dire qu’Atlantico est orienté, vous avez raison. Atlantico est un peu à Rue89 ce que le Figaro est à Libé. Et après ? En tous cas, Atlantico est loin d’être comparable aux sites que vous mentionnez. Partisan, oui. Délirant, non.
Quant à François-Bernard Huyghe, il est docteur d’Etat en sciences politiques. Il a derrière lui une oeuvre non négligeable et a collaboré aux Cahiers de médiologie, la revue de Régis Debray (certains de ses textes sont particulièrement stimulants). Après, c’est comme tout, on peut être d’accord ou non avec certains de ces écrits. Mais on ne peut pas le ranger dans la case des hurluberlus. Et certainement pas le comparer à la plupart des contributeurs d’Altermédia ou du Grand Soir.
Poppopop> ton commentaire se contredit lui-même. D’un coté tu conforte la déclaration de Taguieff, de l’autre tu dis qu’il n’y a pas de distinction entre conspirationnistes (incluant ceux qui n’ont pas de « raison argumentée » sur le 11/09). C’est un syllogisme. L’absurdité est donc dans ton camp.
Pour ce qui est du caractère péjoratif du terme conspirationniste, je ne crois pas que ce soit discutable. Ce terme est même rapproché de ceux de « révisionniste » ou de « nazi » par des gens intelligents dans ton genre.
Quant à la majorité silencieuse, je fais bien évidemment allusion à tous ceux qui finissent par se taire pour ne pas être amalgamés aux illuminés et extrémistes de tous poils par la police de la pensée.
La hussarde> vous ne pouvez pas définir scientifiquement la « plausibilité » d’un complot imaginé. Il n’y a donc pas de différence entre le complot DSK et du 11/09 que celle que vous voudrez subjectivement y voir.
Par ailleurs, vous induisez que tous ceux qui contestent la VO du 11/09 ont une seule et même version et argumentation, ce qui est faux. La différence que fait Taguieff entre vrais conspis et gens qui « expriment leur malaise », pourquoi ne la faites vous pas pour le 11/09 ?
Extraordinaire. Pas une mention, dans ces citations, du traitement médiatique et des prises de positions dans le monde politico médiatique qui soutiennent implicitement ou explicitement la possibilité d’un complot – à commencer par toute défense par défaut de DSK qui implique qu’étant innocent de ce dont on l’accuse, il serait alors victime d’une magouille. L’inégalité de traitement avec les autres complots (dont les propagateurs sont par contre instantanément diabolisés ici) continue, et BHL peut dormir tranquille.
Il me semble que CW dénonce surtout des groupements et individus dont le conspirationnisme est le pivot central de leur analyse du réel, de leur pensée, de leur idéologie. Théories du complot faisant office de vision politique à des réseaux qui sans vision conspirationniste du monde n’existeraient pas. La pensée générale de BHL se structure t-elle autour de la théorie du complot ? il ne me semble pas. Le propos central de ses articles sur cette affaire ne s’articule pas autour d’une théorie du complot.
Maintenant, si l’on prend le cas Thierry Meyssan, par exemple, sa vision du monde procède t-elle d’une grille de lecture complotiste ? je serai tenté de répondre oui.
Du temps de l’URSS, la dissidence était le fait d’individus aspirant à l’avènement de la démocratie. Replacé ds un contexte démocratique, la dissidence serait alors le fait d’individus aspirant à la fin de la démocratie – dissidence à ne pas confondre avec l’opposition démocratique. Ce dont traite CW, tel que je le comprends, c’est le conspirationnisme structurel des dissidents à la démocratie ; conspirationnisme le plus urgent à dénoncer.
Ensuite, les théories du complot circonstancielles, et non structurelles, qui ont fleuries suite à cette affaire, sont surtout intéressantes à observer du point de vue de la psychologie collective, thème que traite aussi CW.
Pfff, ces commentaires me fatiguent… Ce qui est chouette avec ces « théoriciens » du complot, c’est qu’ils obligent à affuter le sens du discernement, là où on croyait se sentir intouchable. Mais je ne m’imaginais pas me voir aussi vite assimilé aux thuriféraires de ReOpen911… 🙁
Alors donc, au sujet de P.A. Taguieff, son avis porte sur le sondage réalisé « à chaud », 3 jours après l’arrestation ; je ne suis pas certain qu’il dirait encore aujourd’hui que « le complot n’est nullement théorisé, c’est l’innocence de DSK qui est affirmée ». Il faut être naïf (ou avoir des œillères, terme qu’affectionnent semble-t-il nos amis complotistes) pour écarter la possibilité d’éliminer volontairement et radicalement DSK de la présidence du FMI.
J’ai peut-être trop regardé Law & Order, Mission Impossible (la série des 70″), trop lu les livres de Philip K. Dick et les Watchmen, mais l’évidence de la chose me semble davantage fondée que le doute sur les attentats d’Al-Qaïda (qui seraient en fait la partie émergée du « grand plan de la Bilderberg pour dominer le monde par le chaos, et qui dirige les médias du monde entier par l’intermédiaire de la CIA qui a implanté des puces électroniques dans les cerveaux de tous les chefs d’état de la planète qu’elle téléguide à volonté » (la preuve avec Sarkozy, qui disait n’importe quoi dans ses premiers discours, que ces puces n’étaient pas au point…) Quand on veut prouver quelque chose, on trouve toujours moyen de tourner la réalité dans le sens qu’on veut).
@ Rudy : Bravo pour votre mise au point et vos précisions concernant François-Bernard Huyghe. Voilà une rigueur qui fait honneur à votre site.
Et de plus, à ma grande honte, vous y pointez mon sens de l’amalgame : certes, j’ai souvent tendance à voir une continuité de pensée entre radicalisme de gauche et de droite, et à assimiler les partisans aux zélateurs fanatiques.
Mais disons que dans le cas d’Atlantico, ce pourrait être l’équivalent à droite de Marianne, de Bakchich et du Diplo réunis, non ?
@ Skynet (# 8) : je ne saurais mieux dire.
@ La hussarde (# 9) : « l’équivalent à droite de Marianne, de Bakchich et du Diplo réunis »… Dites-moi, ça fait beaucoup pour un seul site apparu il y a seulement quelques semaines ! Mais encore une fois, s’il s’agit de dire que la ligne éditoriale d’Atlantico est orientée à droite, je crois que cela est une évidence pour tout le monde.
Skynet > Chacun appréciera votre raisonnement et le sophisme que vous utilisez : la dissidence russe se battait pour la démocratie, sous entendu que nous avons aujourd’hui cette démocratie idéalisée, et que tout dissident aujourd’hui est contre. Cela éclaire effectivement le clivage de la guerre de l’information qui a lieu aujourd’hui.
Vous avez 30 ans de retard mon ami ! Parlez-en aux « indignés » espagnols, et demandez leurs ce qu’il pensent de nos démocraties. S’il peut y avoir un point commun, c’est vrai, entre tous ceux qui doute de la VO du 11 septembre, c’est de reconnaître que la démocratie dont vous parlez est bien malade. Mais pas malade de ceux qui l’attaquent, mais de ceux qui la font.
C’est bien beau de parler de démocratie malade, mais le problème est que pas un seul état n’a de système démocratique (pouvoir au peuple).
En réalité, il s’agit de républiques (chose publique) et la différence est énorme.
Un seul pays à ma connaissance bénéficie d’un réel système démocratique, la Suisse.
Après pour faire joli et défendre nos valeurs eurocentriste occidentales bienfaitrices, on parle de « démocratie » quand on veut faire la leçon au méchants pas beaux non-occidentaux…
N.B. Je concède toutefois que dans l’usage, il est courant de dire que les républiques sont des démocraties indirectes.
@Quidam : J’ai tenté de différencier « dissidence » et « opposition démocratique » ; ce que j’assimile à la dissidence est, pour faire vite, la « sphère rouge-brune », dont l’idéologie est anti-démocratique, et dont le conspirationnisme sert de moelle épinière. Les « indignés » me semblent appartenir à l’opposition démocratique (ils en appellent à plus de démocratie.)
Ensuite je veux bien admettre que la démocratie soit malade (le cas de la Russie est flagrant), mais je ne pense pas que le conspirationnisme puisse être le remède ; il serait en fait même un des symptômes, de la « maladie de la démocratie ».