Durant plus de trois heures d’entretien, la députée européenne LFI a enchaîné les contre-vérités et insinuations complotistes, allant jusqu’à contester les chiffres de l’antisémitisme en France. Un échange où même son intervieweur a peiné à masquer son exaspération.
Si Conspiracy Watch a déjà épinglé à plusieurs reprises la chaîne youtube Thinkerview et son présentateur, cette fois-ci lui-même semble pantois face à la radicalité et les propos de son invitée de mardi dernier, Rima Hassan. Durant 3h30, la députée européenne La France Insoumise a enchaîné les contre-vérités face à un « Sky » à l'agacement palpable. En écoutant l’entretien déjà visionné près de 300 000 fois, on ne compte plus les interventions du présentateur, qui insiste pour que Rima Hassan lui fournisse les sources de ses dires, jusqu’à la contredire sèchement.
Dans cet entretien, filmé de manière très sobre comme le veut la patte reconnaissable de la chaîne, Rima Hassan, vêtue de son habituel keffieh, ne cesse de marteler que l’Occident aurait empêché par tous les moyens le récit des souffrances palestiniennes. Une manière pour la députée européenne de louvoyer dès lors que son interlocuteur tente de convoquer chez elle une condamnation du 7 octobre 2023. « Ce que je reproche surtout aux autorités françaises et plus largement aux Occidentaux, c’est l’hypocrisie autour de ce sujet, c’est-à-dire qu’ils ont tenté de bâillonner vraiment ces libertés d’opinion et d’expression qui consiste à recontextualiser et expliquer mais pas à justifier », déclare-t-elle pour parler de l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et plus largement de ce qu’elle appelle « la lutte armée légitime ».
Cette dénonciation d’un muselage par la France des Palestiniens ou des soutiens à la situation en Palestine, revient à de nombreuses reprises dans le discours de Rima Hassan. « La France et les États occidentaux ont, des décennies durant, aidé Israël à assassiner des figures palestiniennes », martelle-t-elle avant d’éclater de rire. « On va les accuser tantôt d’être le bras droit d’Arafat à l’époque » soutient Rima Hassan avant de développer fièrement ses allégations : « Arafat, je pense qu’il a été empoisonné » assume la députée européenne en citant la thèse avancée par la fille de Yasser Arafat.
En peinant à cadrer et justifier ses propos, Rima Hassan bafouille et supplie même Sky de l’aider à retrouver la substance chimique prétendument utilisée pour assassiner le leader palestinien − à savoir le polonium. Durant plusieurs minutes, Rima Hassan argue l’empoisonnement de Yasser Arafat sans même préciser le fait que la thèse de l’empoisonnement portée en 2012 par un journaliste d’Al-Jazeera a été rejetée par les experts judiciaires. Si Rima Hassan aime d’ailleurs plus généralement se référer à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), elle omet cette fois-ci durant son discours assez bancale de rappeler que la CEDH a rejetté la requête pour assassinat de la veuve et de la fille du leader palestinien en 2021.
Parmi les sorties les plus critiquées de l’entretien de Rima Hassan sur Thinkerview, c’est bien celle qui concerne l'explosion des actes antisémites en France qui obtient la palme d’or. « Oui, il y a eu plus d'actes antisémites. Après, je vous le dis très honnêtement, je ne fais pas du tout confiance aux chiffres du Crif » revendique la députée européenne. Pour justifier sa suspicion, Rima Hassan compare le Conseil représentatif des institutions juives de France à l'AIPAC, le lobby américain de soutien à Israël. Ce qu’oublie de préciser la députée, c’est que la comptabilisation des actes antisémites en France est effectuée par le ministère de l’Intérieur sur la base des dépôts de plainte et signalements enregistrés par les services de police et de gendarmerie, comme l'a récemment rappelé le président du Crif Yonathan Arfi dans Le Figaro. Le Crif n'y a aucune part.
Il faut dire qu'un peu plus tôt au cours de l'interview, la députée avait déjà fustigé la « puissance » d’un « lobby pro-israélien » en France. « Le reproche que j’ai à faire aux soutiens d’Israël… Et ils sont nombreux en France ! Le lobby pro-israélien est très puissant en France. Je dirai que juste après les États-Unis, c’est un des pays où c’est le plus dur de porter la question palestinienne », déclame-t-elle sans finir son propos.
En écoutant Rima Hassan parler de l’imam Hassen Chalghoumi, il devient difficile de différencier son discours de celui de militants d'extrême droite. Outre sa détestation assumée de l’imam de Drancy, qu'elle a attaqué sur X le 17 août dernier, Rima Hassan parvient cette fois-ci à choquer le présentateur qui est contraint d’intervenir à de multiples reprises pour la recadrer factuellement. Selon elle, Hassen Chalghoumi aurait été « mis en place » par des élus et serait « placé, soutenu par un appareil politique ». « C’est un clown », « une imposture », « il insulte et humilie la communauté musulmane », « il fait rire 99 % des musulmans de France », « il est placé », « on ne sait pas par qui il est financé », « il n'est pas imam » (sic) soliloque-t-elle pour désigner celui qui, du fait de ses engagements contre l'islamisme et les discriminations, est obligé de vivre sous protection policière. Il y a vingt ans, le domicile de l'imam avait été saccagé après qu'il s'était rendu en visite au Mémorial de la Shoah, dans un geste de fraternité républicaine.
L’enchaînement d’accusations est tel que Sky est contraint de répéter à plusieurs reprises que les propos de la députée n'engagent qu'elle, ce qu’elle désapprouve, affirmant parler au nom de « toutes les communautés musulmanes ». Le présentateur ne cesse par ailleurs d’exiger les sources dont disposerait l'élue LFI à l'appui de ses propos. En vain. Évidemment, aucune information concrète ne permet à Rima Hassan de sourcer ses dires. Aussi cette dernière se retranche-t-elle derrière le profil de l’avocat d’Hassen Chalghoumi, Me David-Olivier Kaminski. « Son avocat est membre du comité exécutif du Crif ! » se défend l'élue LFI… avant que Sky ne lui rétorque : « Oui, mais ça reste un avocat ! », ce qui parvient momentanément à la faire acquiescer.
Mais sur le réseau social X, l’extrait qui fait le plus réagir les internautes est bien celui où Rima Hassan affirme que Jésus était « palestinien ». Un anachronisme propagandiste (Jésus est né au Ier siècle dans la province romaine de Judée, rebaptisée « Syria Palaestina » sous l’empereur Hadrien, après la révolte juive de 135)... que ne peut s’empêcher de corriger le présentateur en lui récitant plusieurs textes qui attestent de la judéité de Jésus. « C’est la rhétorique coloniale qu’on entend » rétorque la députée, piégée. « Il ne faut pas faire la confusion entre l’héritage religieux et l’héritage sioniste qui est un projet politique » assène-t-elle pour seul argument.
Incapable de répondre sur la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, donnant raison au Hamas sur le rejet de l'existence de l'État d'Israël et légitimant la violence aveugle, Rima Hassan a, pour certains, commis un véritable « suicide politique ». Quoi qu'il en soit, on peut raisonnablement affirmer que la députée européenne, qui confirme durant la vidéo être visée par plus de 18 plaintes à l’heure actuelle − dont plusieurs pour apologie de terrorisme −, n’est qu’au début de son combat judiciaire.
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