Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Pourquoi Wikileaks travaille-t-il avec un négationniste notoire ?

Publié par Michael C. Moynihan15 décembre 2010, ,

Le négationniste Israël Shamir et son fils représentent officiellement Wikileaks en Russie et en Scandinavie. C’est l’information révélée récemment par la presse suédoise. Le journaliste Michael C. Moynihan, du magazine Reason, revient sur les fréquentations (très) douteuses de Julian Assange…

La semaine dernière, j’ai écrit que le long article [publié dans CounterPunch.org - NDT] affirmant que la CIA était derrière l’accusation de viol visant Julian Assange avait pour auteur un négationniste d’origine russe résidant en Suède, un antisémite multirécidiviste qui écrit sous le nom d’Israël Shamir, alias Adam Ermash ou Jöran Jermas. La question la plus importante n’est pas celle de l'efficacité ou de la moralité de Wikileaks (…). Elle porte sur la façon dont l'idéologie (…) peut conduire des personnalités de la presse traditionnelle dans les marécages boueux de la théorie du complot sur Internet.

Il est déjà assez préoccupant de voir des journalistes, soit accidentellement, soit délibérément, convoler avec des personnes telles que Shamir. Mais il vient d’être révélé qu’Israël Shamir – lorsqu’il n’est pas en train d’accuser les accusateurs d’Assange de travailler pour la CIA – travaille avec WikiLeaks à titre tout à fait officiel.

Selon des informations parues dans la presse russe et suédoise (…), Shamir fait office d’agrégateur de contenus du groupe Wikileaks en Russie. Selon une enquête de la radio publique suédoise, il est celui qui « sélectionne et distribue » les câbles diplomatiques aux agences de presse russes. Dans le journal suédois Expressen, Magnus Ljunggren, professeur émérite de littérature russe à l'Université de Göteborg, a mis en lumière les liens étroits qu’entretient Shamir avec Wikileaks et sa fonction de diffuseur des documents Wikileaks en Russie (l'article est d’ailleurs illustré avec une photographie montrant Assange et Shamir côte à côte dans un bureau).

Dans une émission diffusée sur la radio Echo de Moscou, Yulia Latynina, journaliste à la Novaïa Gazeta, s’interroge : « Qu'est-ce que cela signifie qu’Assange accepte de se faire représenter par un extrémiste ? » Latynina a également constaté que (…) Shamir avait falsifié un télégramme diplomatique concernant le discours du président iranien Mahmoud Ahmadinejad à l'ONU, un faux censé prouver la collusion entre les diplomates qui se sont levés et ont quitté la salle en signe de protestation. Il n’y a rien de surprenant à ce que Shamir invente un tel document. Shamir a écrit précédemment un éloge au « courageux et charismatique leader » de l’Iran.

Rappelons rapidement les opinions politiques de Shamir. Comme je l'ai fait remarquer la semaine dernière, il a qualifié le camp d'extermination nazi d'Auschwitz de « centre d'internement, supervisé par la Croix-Rouge (par opposition au centre d'internement américain de Guantanamo) ». Il a déclaré à un journaliste suédois (par ailleurs négationniste) que « c'était le devoir de chaque musulman et de chaque chrétien que de nier l'Holocauste ». Les Juifs, dit-il, sont un « virus sous forme humaine ». Quant aux Protocoles des Sages de Sion [un célèbre faux antisémite fabriqué au début du XXème siècle par la police secrète tsariste - NDT], ils sont selon lui authentiques.

Mais attendez, il y a pire !

Les medias suédois ont identifié le fils de Shamir, un journaliste du nom de Johannes Wahlström [qui s’est par ailleurs discrédité pour avoir fait des déclarations à caractère antisémite et pour avoir falsifié des citations – NDT], comme un porte-parole de Wikileaks en Suède. En effet, Wahlström a écrit des articles basées sur les documents de Wikileaks pour le journal Aftonbladet et est recensé comme l’un des producteurs d’un documentaire sur Wikileaks diffusé récemment sur la télévision publique suédoise.

Mais alors qu’on ne saurait reprocher au fils d’être responsable des turpitudes de son père, ses célébrations des écrits de son père et ses contributions au site web de Shamir suggèrent une affinité idéologique (peu après la publication de cet article, Wahlström a déclaré à la radio suédoise que son « père est ce que j’appellerais l’équivalent suédois de Salman Rushdie », précisant qu’il était une personne « très controversée »). Ainsi, en 2005, Wahlström a écrit un article pour le magazine de gauche Ordfront, affirmant que les medias suédois, peu connu pour leur empathie à l’égard de l’Etat hébreu, étaient en fait manipulés par des intérêts juifs, pour le compte du gouvernement israélien.

Trois des journalistes interviewés pour l’article (Cecilia Uddén, Lotta Schüllerqvist, et Peter Löfgren), ont affirmé par la suite que Wahlström avait falsifié leurs propos, conduisant le magazine à retirer l’article de son site et à publier des excuses. Selon l’historienne Heléne Lööw, spécialiste du fascisme et du néo-nazisme, le texte de Wahlström contient tous les « éléments qu’on trouverait dans une théorie du complot antisémite classique ».

Un membre de la redaction d'Ordfront, a fait part dans le journal Dagens Nyheter de sa consternation que cet article ait pu être publié, citant la « proche relation de travail [de Wahlström] avec Shamir », sans pourtant montrer à quel point les deux hommes sont proches. Wahlström et Shamir, le père et le fils, sont les représentants de Wikileaks pour deux grandes zones géographiques. Selon une enquête de la radio suédoise, Wahlström a la main sur les télégrammes diplomatiques en Scandinavie et « a le pouvoir de décider » à quels journaux les fuites sont communiquées et quels documents ils sont autorisés à voir.

En Russie, le magazine Russian Reporter dit qu’il a un « accès privilégié » aux documents par l’intermédiaire de Shamir, lequel a déclaré à un journal moscovite qu’il était « accrédité » pour travailler pour le compte de Wikileaks en Russie. Mais Shamir ayant un assez gros problème de crédibilité, la radio suédoise a posé directement la question au porte-parole de Wikileaks, Kristinn Hrafnsson :

Radio suédoise : Israël Shamir, vous savez qui c’est ? Vous le connaissez ?
Kristinn Hrafnsson (porte-parole de Wikileaks) : Oui. Oui, il est associé avec nous.
R. S. : Alors, quel est son rôle ?
K. H. : Eh bien, je veux dire, nous avons beaucoup de journalistes qui travaillent avec nous à travers le monde. Et ils ont des rôles différents dans notre travail sur ce projet. Je ne peux pas vous dire en détail quel est le rôle spécifique de chacun d’entre eux.
R. S. : Avez-vous connaissance des controverses qui entourent Israël Shamir ?
K. H. : Il y a beaucoup de gens controversés à travers le monde qui sont associés avec nous. Je ne vois pas vraiment où vous voulez en venir.
R. S. : Savez-vous qu’il est réputé être antisémite ?
K. H. : J’ai entendu ces allégations… oui, oui. [Silence] Quelle est vraiment votre question ?
R. S. : La question est : est-ce que vous saviez que ce serait un problème ?
K. H. : Non, je ne ferai pas de commentaire là-dessus.

(…) Hrafnsson, qui a repris du service lorsque Julian Assange a été emprisonné la semaine dernière, confirme que Wikileaks a choisi Shamir pour travailler avec leurs partenaires russes. Après son enquête, le programme de radio suédois Medierna a conclu sans détours qu’« Israël Shamir représentait WikiLeaks en Russie ».

(…) Il est nécessaire pour une organisation comme Wikileaks, qui prétend créer une nouvelle manière de faire du journalisme (…) d’adhérer aux principes élémentaires du journalisme. Au moment où il a été interrogé à propos de Shamir, Hrafnsson a esquivé le problème, prétendant qu’il était simplement une personnalité controversée, à l’instar d’Assange – et pas un auteur négationniste et antisémite ayant des liens avec l’extrême droite et l’extrême gauche, et ayant un penchant avéré pour le mensonge.

Alors traitons les équipes de Wikileaks comme les journalistes qu’ils prétendent être et posons la question posée par Yulia Latynina, la journaliste de la Novaya Gazeta : sur l'ensemble des journalistes compétents qui ont de la sympathie pour la mission que s’est assigné Wikileaks, pourquoi avoir choisi de confier à Wahlström et à Shamir – c’est-à-dire à un journaliste discrédité et à un extrémiste raciste – la fuite de télégrammes diplomatiques la plus importante de l'histoire ?

Source : Michael C. Moynihan, “ Assange's Extremist Employees ” [« Les employés extrémistes d’Assange »], Reason.com, 14 décembre 2010 (traduction française : Conspiracy Watch).

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Le négationniste Israël Shamir et son fils représentent officiellement Wikileaks en Russie et en Scandinavie. C’est l’information révélée récemment par la presse suédoise. Le journaliste Michael C. Moynihan, du magazine Reason, revient sur les fréquentations (très) douteuses de Julian Assange…

La semaine dernière, j’ai écrit que le long article [publié dans CounterPunch.org - NDT] affirmant que la CIA était derrière l’accusation de viol visant Julian Assange avait pour auteur un négationniste d’origine russe résidant en Suède, un antisémite multirécidiviste qui écrit sous le nom d’Israël Shamir, alias Adam Ermash ou Jöran Jermas. La question la plus importante n’est pas celle de l'efficacité ou de la moralité de Wikileaks (…). Elle porte sur la façon dont l'idéologie (…) peut conduire des personnalités de la presse traditionnelle dans les marécages boueux de la théorie du complot sur Internet.

Il est déjà assez préoccupant de voir des journalistes, soit accidentellement, soit délibérément, convoler avec des personnes telles que Shamir. Mais il vient d’être révélé qu’Israël Shamir – lorsqu’il n’est pas en train d’accuser les accusateurs d’Assange de travailler pour la CIA – travaille avec WikiLeaks à titre tout à fait officiel.

Selon des informations parues dans la presse russe et suédoise (…), Shamir fait office d’agrégateur de contenus du groupe Wikileaks en Russie. Selon une enquête de la radio publique suédoise, il est celui qui « sélectionne et distribue » les câbles diplomatiques aux agences de presse russes. Dans le journal suédois Expressen, Magnus Ljunggren, professeur émérite de littérature russe à l'Université de Göteborg, a mis en lumière les liens étroits qu’entretient Shamir avec Wikileaks et sa fonction de diffuseur des documents Wikileaks en Russie (l'article est d’ailleurs illustré avec une photographie montrant Assange et Shamir côte à côte dans un bureau).

Dans une émission diffusée sur la radio Echo de Moscou, Yulia Latynina, journaliste à la Novaïa Gazeta, s’interroge : « Qu'est-ce que cela signifie qu’Assange accepte de se faire représenter par un extrémiste ? » Latynina a également constaté que (…) Shamir avait falsifié un télégramme diplomatique concernant le discours du président iranien Mahmoud Ahmadinejad à l'ONU, un faux censé prouver la collusion entre les diplomates qui se sont levés et ont quitté la salle en signe de protestation. Il n’y a rien de surprenant à ce que Shamir invente un tel document. Shamir a écrit précédemment un éloge au « courageux et charismatique leader » de l’Iran.

Rappelons rapidement les opinions politiques de Shamir. Comme je l'ai fait remarquer la semaine dernière, il a qualifié le camp d'extermination nazi d'Auschwitz de « centre d'internement, supervisé par la Croix-Rouge (par opposition au centre d'internement américain de Guantanamo) ». Il a déclaré à un journaliste suédois (par ailleurs négationniste) que « c'était le devoir de chaque musulman et de chaque chrétien que de nier l'Holocauste ». Les Juifs, dit-il, sont un « virus sous forme humaine ». Quant aux Protocoles des Sages de Sion [un célèbre faux antisémite fabriqué au début du XXème siècle par la police secrète tsariste - NDT], ils sont selon lui authentiques.

Mais attendez, il y a pire !

Les medias suédois ont identifié le fils de Shamir, un journaliste du nom de Johannes Wahlström [qui s’est par ailleurs discrédité pour avoir fait des déclarations à caractère antisémite et pour avoir falsifié des citations – NDT], comme un porte-parole de Wikileaks en Suède. En effet, Wahlström a écrit des articles basées sur les documents de Wikileaks pour le journal Aftonbladet et est recensé comme l’un des producteurs d’un documentaire sur Wikileaks diffusé récemment sur la télévision publique suédoise.

Mais alors qu’on ne saurait reprocher au fils d’être responsable des turpitudes de son père, ses célébrations des écrits de son père et ses contributions au site web de Shamir suggèrent une affinité idéologique (peu après la publication de cet article, Wahlström a déclaré à la radio suédoise que son « père est ce que j’appellerais l’équivalent suédois de Salman Rushdie », précisant qu’il était une personne « très controversée »). Ainsi, en 2005, Wahlström a écrit un article pour le magazine de gauche Ordfront, affirmant que les medias suédois, peu connu pour leur empathie à l’égard de l’Etat hébreu, étaient en fait manipulés par des intérêts juifs, pour le compte du gouvernement israélien.

Trois des journalistes interviewés pour l’article (Cecilia Uddén, Lotta Schüllerqvist, et Peter Löfgren), ont affirmé par la suite que Wahlström avait falsifié leurs propos, conduisant le magazine à retirer l’article de son site et à publier des excuses. Selon l’historienne Heléne Lööw, spécialiste du fascisme et du néo-nazisme, le texte de Wahlström contient tous les « éléments qu’on trouverait dans une théorie du complot antisémite classique ».

Un membre de la redaction d'Ordfront, a fait part dans le journal Dagens Nyheter de sa consternation que cet article ait pu être publié, citant la « proche relation de travail [de Wahlström] avec Shamir », sans pourtant montrer à quel point les deux hommes sont proches. Wahlström et Shamir, le père et le fils, sont les représentants de Wikileaks pour deux grandes zones géographiques. Selon une enquête de la radio suédoise, Wahlström a la main sur les télégrammes diplomatiques en Scandinavie et « a le pouvoir de décider » à quels journaux les fuites sont communiquées et quels documents ils sont autorisés à voir.

En Russie, le magazine Russian Reporter dit qu’il a un « accès privilégié » aux documents par l’intermédiaire de Shamir, lequel a déclaré à un journal moscovite qu’il était « accrédité » pour travailler pour le compte de Wikileaks en Russie. Mais Shamir ayant un assez gros problème de crédibilité, la radio suédoise a posé directement la question au porte-parole de Wikileaks, Kristinn Hrafnsson :

Radio suédoise : Israël Shamir, vous savez qui c’est ? Vous le connaissez ?
Kristinn Hrafnsson (porte-parole de Wikileaks) : Oui. Oui, il est associé avec nous.
R. S. : Alors, quel est son rôle ?
K. H. : Eh bien, je veux dire, nous avons beaucoup de journalistes qui travaillent avec nous à travers le monde. Et ils ont des rôles différents dans notre travail sur ce projet. Je ne peux pas vous dire en détail quel est le rôle spécifique de chacun d’entre eux.
R. S. : Avez-vous connaissance des controverses qui entourent Israël Shamir ?
K. H. : Il y a beaucoup de gens controversés à travers le monde qui sont associés avec nous. Je ne vois pas vraiment où vous voulez en venir.
R. S. : Savez-vous qu’il est réputé être antisémite ?
K. H. : J’ai entendu ces allégations… oui, oui. [Silence] Quelle est vraiment votre question ?
R. S. : La question est : est-ce que vous saviez que ce serait un problème ?
K. H. : Non, je ne ferai pas de commentaire là-dessus.

(…) Hrafnsson, qui a repris du service lorsque Julian Assange a été emprisonné la semaine dernière, confirme que Wikileaks a choisi Shamir pour travailler avec leurs partenaires russes. Après son enquête, le programme de radio suédois Medierna a conclu sans détours qu’« Israël Shamir représentait WikiLeaks en Russie ».

(…) Il est nécessaire pour une organisation comme Wikileaks, qui prétend créer une nouvelle manière de faire du journalisme (…) d’adhérer aux principes élémentaires du journalisme. Au moment où il a été interrogé à propos de Shamir, Hrafnsson a esquivé le problème, prétendant qu’il était simplement une personnalité controversée, à l’instar d’Assange – et pas un auteur négationniste et antisémite ayant des liens avec l’extrême droite et l’extrême gauche, et ayant un penchant avéré pour le mensonge.

Alors traitons les équipes de Wikileaks comme les journalistes qu’ils prétendent être et posons la question posée par Yulia Latynina, la journaliste de la Novaya Gazeta : sur l'ensemble des journalistes compétents qui ont de la sympathie pour la mission que s’est assigné Wikileaks, pourquoi avoir choisi de confier à Wahlström et à Shamir – c’est-à-dire à un journaliste discrédité et à un extrémiste raciste – la fuite de télégrammes diplomatiques la plus importante de l'histoire ?

Source : Michael C. Moynihan, “ Assange's Extremist Employees ” [« Les employés extrémistes d’Assange »], Reason.com, 14 décembre 2010 (traduction française : Conspiracy Watch).

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