Dans un livre publié en 2005, Pierre Péan dépeint les Tutsi en conspirateurs ataviques chez qui dominerait une « culture du mensonge et de la dissimulation »…

“Noires fureurs, blancs menteurs”, de Pierre Péan (Mille et une nuits, 2005).
Le procès s’est tenu la semaine dernière, du 23 au 25 septembre 2008, devant la XVIIème Chambre correctionnelle de Paris. Il fait suite à la plainte déposée, en octobre 2006, par Dominique Sopo, président d’SOS-Racisme, pour « diffamation raciale » et « incitation à la haine raciale » à l’encontre de Pierre Péan, auteur de Noires fureurs, Blanc menteurs (Fayard, 2005) et de son éditeur Claude Durand.
Voici les passages du livre incriminés :
« A ces rudiments d’histoire et de géographie, il est important d’ajouter et de garder en tête que le Rwanda est aussi le pays des mille leurres, tant la culture du mensonge et de la dissimulation domine toutes les autres chez les Tutsis, et, dans une moindre part, par imprégnation, chez les Hutus » (p. 41).
« Les rebelles tutsi ont fait beaucoup mieux (que les leurres militaires). Ils ont réussi jusqu’à maintenant à falsifier complètement la réalité rwandaise, à attribuer à d’autres leurs propres crimes et actes de terrorisme, à diaboliser leurs ennemis. Enquêter au Rwanda relève du pari impossible tant le mensonge et la dissimulation ont été élevés par les vainqueurs au rang des arts majeurs… Kagame et ses collaborateurs tutsi ont, jusqu’à présent, réussi à ce que l’opinion publique internationale prenne des vessies pour des lanternes. (…) Cette culture du mensonge s’est particulièrement développée dans la diaspora tutsi. Pour revenir “l’an prochain à Kigali”, celle-ci a pratiqué avec efficacité mensonges et manipulations. Les associations de Tutsi hors du Rwanda ont fait ainsi un très efficace lobbying pour convaincre les acteurs politiques du monde entier de la justesse de leur cause. Elles ont infiltré les principales organisations internationales, et d’aucuns, parmi leurs membres, ont su guider de très belles femmes tutsi vers des lits appropriés… Leur brillante intelligence a su parfaitement se jouer de nombreux milieux intellectuels » (p. 44).
Pour se faire une idée, on lira avec profit ces articles contradictoires :
- Hervé Deguine (historien et journaliste, témoin de la défense dans le procès intenté à Pierre Péan), « Un écran de fumée sur le Rwanda » (Causeur.fr, 30 septembre 2008).
- Assumpta Mugiraneza (réalisatrice, diplômée en psychologie sociale et science politique, enseignante à Paris VIII), « Pierre Péan sur le Rwanda, ou le discours de la haine » (L’Arche, septembre 2006).
- « Au Rwanda, le Tutsi est menteur et la femme Tutsi est une espionne, explique Pierre Péan » (Blog de Kagatama, 19 septembre 2008).
En attendant, rappelons que les « travaux » de Pierre Péan sur les massacres de Sabra et Chatila avaient donné lieu à un article extrêmement critique publié dans L’Arche (n°595-596, décembre 2007-janvier 2008).
Mise à jour (18/04/2009) :
Dans une tribune publiée le 14 avril 2009 dans Libération, le journaliste et réalisateur Jean-Christophe Klotz relève les erreurs commises par Pierre Péan dans son dernier ouvrage, Le Monde selon K., concernant le génocide des Tutsis :
« Pierre Péan me cite à plusieurs reprises. Je tiens à préciser ici qu’il le fait de manière totalement erronée. S’il ne s’agissait pas de faits aussi graves (le génocide des Tutsis du Rwanda de 1994), je me serais abstenu de le relever publiquement. Je ne sais pas par quel tour de passe-passe Péan affirme avoir eu accès à mon soi-disant “carnet de notes” qui aurait été “publié au moment de la diffusion de [mon] documentaire” (“Kigali, des images contre un massacre” – NDLR). Or ce carnet de notes – qui ne comporte que quelques pages griffonnées à la hâte – n’est pas sorti de mon bureau, et n’a jamais été rendu public. Mieux encore, les passages qu’il m’attribue sont en réalité tirés de deux articles d’un confrère, le journaliste Jean-Paul Mari, consultables sur Internet » (ici et là – NDLR).
Jean-Christophe Klotz continue :

« Contrairement à ce qu’il affirme, Péan défend bien une thèse générale, celle du “double génocide” rwandais, que l’on croyait pourtant morte et enterrée depuis la Mission d’information parlementaire de 1998 qui avait invalidé la plupart des arguments des tenants de cette vision de l’histoire. C’est dans la défense passionnelle et obstinée de cette thèse que je vois la seule explication possible des erreurs, des approximations et des affirmations sans preuves que je lis dans son ouvrage.
(…) Cette vision erronée refait surface depuis 1994. Durant tout le génocide des Tutsis du Rwanda, la France officielle continuait à parler de massacres interethniques, renvoyant dos à dos les parties en présence, invoquant une sorte de fatalité, une sauvagerie à chercher du côté d’un soi-disant atavisme africain. Il suffit de voir le vocabulaire et les tournures de phrases employées par Péan pour voir que rien ne fera bouger les tenants de cette version : « les massacres succèdent aux massacres » (Le Monde selon K., p. 140 – NDLR) écrit Péan, en 2009, à propos de la situation à Kigali au mois de mai 1994, cherchant à effacer d’une phrase quinze ans de rapports officiels, de travaux historiques et d’enquêtes journalistiques.
Or il se trouve que j’étais à Kigali durant le génocide, n’en déplaise à Péan qui rappelle – à juste titre cette fois – que ce n’est pas une raison suffisante pour connaître la vérité. Mais “y être” permet tout de même d’approcher une forme de vérité, celle du témoignage. En revanche, est-ce bien sérieux de la part de Péan d’écrire deux livres sur un pays qu’on ne connaît qu’à travers des documents et des témoignages, sans jamais y avoir mis les pieds ?
(…) A mon sens, Péan est prisonnier de ses réseaux d’information. Ses sources appartiennent au réseau ou plutôt à un ensemble de réseaux qui regroupent les militaires français de l’Association France-Turquoise, les membres et les partisans des autorités rwandaises en place au moment du génocide, et des opposants au régime actuel de Paul Kagame. Certains recoupements parmi ses sources sont trop troublants pour ne pas être relevés. Pierre Péan cite notamment des personnalités comme Faustin Ntilikina, auteur d’un livre préfacé par Bernard Lugan , universitaire d’extrême droite dont les travaux sont contestés par la communauté scientifique, et très présent sur le site de l’Association France-Turquoise. Le livre en question est édité par la maison d’édition les Sources du Nil, qui propose aussi sur son site un ouvrage de Ferdinand Nahimana, condamné à perpétuité par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour avoir été l’un des promoteurs de la tristement célèbre Radio-télévision libre des Mille Collines (RTLM).
(…) Ce n’est pas parce que cela se passe en Afrique qu’on peut écrire et dire n’importe quoi. Le devoir de vérité et son urgence sont les mêmes là qu’ailleurs. »
« Un pamphlet anti-tutsi » (Le Monde) ; « un brûlot aux relents nauséabonds » (Libération) ; un livre de « propagande » (La Libre Belgique) ; un livre « au fumet nauséeux » (Le Figaro) ;«un pamphlet sans nuances » (La Croix) ; « une thèse négationniste » (Regards), «le scandale Péan» (Jeune Afrique)… Nous sommes fin 2005, le livre « Noires fureurs, blancs menteurs » de Pierre Péan vient de paraître. Un an plus tard L’Humanité titra : «un livre de haine raciale» à la suite du dépôt de plainte des associations Ibuka et SOS Racisme pour « diffamation raciale et incitation à la haine raciale». Les audiences sont prévues les 23, 24 et 25 septembre prochain.
Pierre Péan et « la culture du mensonge des Tutsi ».
Pierre Péan qui considère les Hutu et les Tutsi comme deux races distinctes, nous dit que « la culture du mensonge et de la dissimulation domine toutes les autres chez les Tutsi, et dans une moindre part, par imprégnation chez les Hutus »[1]. Il convoque deux « experts », un Rwandais, Antoine Nyetera et un Belge, Paul Dresse……………. La suite sur http://kagatama.blogspot.com/
Marrant que ce billet suive celui sur Al-Dura…Ne trouvez-vous pas qu’il y a des similitudes dans le discours essentialisant anti-tutsi de Péan et celui anti-palestinien (culture palestinienne = culture de la mort et de la haine, Les Israéliens aiment la vie plus qu’eux n’aiment la mort, ils mettent les enfants en première ligne comme chaire à canon pour se victimiser – ce qui revient à dire que les vrais victimes sont…les soldats israéliens) et anti-Arafat (fourberie, duplicité, avarice, double-discours) ?
Je crois que le “discours essentialisant anti-tutsi” de Pierre Péan ressemble en fait à tous les discours essentialisants.
Mais pour ce qui nous occupe, je crois que l’analogie peut également être faite entre son discours anti-tutsi et son discours anti-israélien. Lorsqu’il écrit, dans l’extrait cité ci-dessus, « l’an prochain à Kigali », comment ne pas penser à la formule « l’an prochain à Jérusalem » (qui clôt les cérémonies de la Pâque juive) ? Lorsqu’il parle, en l’espace de quelques lignes, de « diaspora tutsi », du « très efficace lobbying [des] associations de Tutsi hors du Rwanda » ou encore de la « brillante intelligence » des Tutsis, qui « a su parfaitement se jouer de nombreux milieux intellectuels », comment ne pas faire le parallèle avec la diaspora juive, le lobbying pro-israélien ou encore l’intelligence exceptionnelle que certains stéréotypes prêtent aux juifs et leur sur-représentation dans les milieux intellectuels ?
Bien vu…Mais il me semble que face à la question du racisme anti-palestinien, on a pas la même vigileance que lorsqu’il est question de la judéophobie dite nouvelle. Qui réagit quand Goasguen, au nom de 100 députés, parle de “peuple sauvage de terroristes épouvantables” ?? Pour se justifier, il en remet une couche : “les manifestations de joie à Gaza après l’attentat m’ont profondément choqué car en Israël, lorsque des enfants palestiniens meurent, on ne voit jamais ça”.
Je viens de lire l’article de Rue89 :
http://www.rue89.com/2008/03/20/goasguen-les-palestiniens-et-le-peuple-sauvage-de-terroristes
Goasguen tombe clairement dans le travers de l’essentialisation, quoi qu’il puisse en dire par ailleurs. En revanche, sur les manifestations de joie à Gaza, je crains malheureusement qu’il ait raison…
Pour le reste, je vous dirais que la vigilance à l’égard de ce type de discours est fonction de ce qu’il représente en France et de son degré de nocivité. Il me semble que le racisme anti-arabe ou anti-maghrébin dans notre pays se nourrit infiniment plus de clichés hérités de la période coloniale que des discours « anti-palestiniens » qui peuvent être tenus ici ou là et qui ne concernent, pour l’essentiel, que des personnes qui se sentent proches des positions de la droite israélienne.
Et, puisque vous parlez du discours anti-Arafat, j’aimerais attirer votre attention sur le fait que M. Hassan Iquioussen a été invité aujourd’hui à un rassemblement de l’UOIF dans lequel il a pu côtoyer Vincent Geisser (un chercheur du CNRS) ainsi que Tariq Ramadan :
http://www.rmpca2008.amp80.fr/
Il n’y a pas si longtemps que ça, Hassan Iquioussen expliquait à qui voulait l’entendre que Yasser Arafat était un dépravé et un traître à la cause palestinienne. Qui s’en est offusqué ? Et qui s’en offusque aujourd’hui ?
Sur Arafat, il y a différents niveaux de critiques et différentes formes…
“En revanche, sur les manifestations de joie à Gaza, je crains malheureusement qu’il ait raison… ” Si des Palestiniens manifestent leur joie, des extrémistes Israéliens de leur côté crient “morts aux arabes”. ….Hormis, les milieux politisés de la gauche israélienne, les Israéliens semblent quant à eu indifférents à la mort de résistants et civils “ennemis”…C’est également choquant.
Olmert lui-même parle de pogroms de la part de colons…Les Palestiniens n’ont pas le monopole de la sauvagerie de guerre.
C’est pour moi un argument de propagande, tout comme l’histoire des manuels scolaires…Comme si le problème majeur n’était pas l’occupation et la colonisation (incessante).
Le 7 février 2009, Pierre Péan, invité de Daniel Schneidermann à “Arrêt-sur-Images”, tombe le micro et s’en va dégoûté…
Cet incident est intéressant à plus d’un titre. Péan se laisse rosser, tant que Schneidermann se contente de le manœuvrer entre les garde-fou de la correction politique pour le pousser à l’auto-flagellation… Mais Schneidermann va trop loin. C’est qu’elle ne s’arrête jamais en chemin, la “bien-pensance” cosmopolite. Elle ne contente pas d’une reddition sans condition; elle exige du “prévenu médiatique” qu’il rampe, qu’il mendie le châtiment, la solution finale… Alors Péan se rebiffe; c’en est trop. C’est physique; c’est presque palpable pour le téléspectateur, tellement Péan étouffe tout à coup. Péan se révolte corps et âme devant le Système. On a émasculé le Français; on n’a pas tué le Gaulois…
Cet incident me donne de l’espoir car il montre du doigt le germe d’autodestruction du Système, ce jusqu’au-boutisme outrancier qui va de pair avec l’arrogance dominatrice que dénonçait de Gaulle. C’est que Gaza n’est pas loin, et Schneidermann n’y a pas fait d’Arrêt-sur-Images. Allez plus loin, Péan – le dégoût est le premier pas de la révolte!
Denis Jaisson
membre d’E&R
http://www.egaliteetreconciliation.fr
Un livre est paru cette année, Génocide et propagande de Edward S. Herman (un collaborateur de Noam Chomsky) et David Peterson dans lequel un chapitre est consacré au génocide au Rwanda. Le livre a été écrit en 2010 et traduit en Français cette année (2012). La version défendue est que Kagame a fait du nettoyage ethnique dans le sud du Rwanda en lançant un génocide contre les Hutus et que la majorité des victimes du génocide Tutsi, que les auteurs mettent entre guillmets sont en fait Hutus. C’est la première fois que j’entends cette version des faits, mais le livre cite plusieurs sources qui ont l’air d’aller dans ce sens. Kagame serait à l’origine de l’assassinat du président Hutu et aurait déclenché l’attaque par le fpr du Rwanda 2 heures seulement après. Le TPIR aurait refusé d’enquêter sur la mort du préssident pour ne pas inquiéter Kagame, etc… Que pensez vous de ce livre et de cette version des faits ? En tout cas se contenter de qualifier de “théorie du complot” une version peut-être contestable ne règle pas la question de sa véracité, je me pose toujours des questions.
@ polechomage : Le livre de Edward S. Herman et David Peterson est évoqué ici (à propos du massacre de Srebrenica, dont Herman conteste l’ampleur) :
Quant à la thèse défendue par Herman & Peterson s’agissant du génocide au Rwanda, c’est classiquement celle des génocidaires et de ceux qui essaient de les disculper :
Merci pour les liens, je n’avais pas lu ces articles avant. J’ai lu Génocide et propagande avec un doute permanent. Le problème avec tout ça c’est que n’importe qui peut affirmer tout et son contraire, je suis plutôt pour une approche rationaliste en tout, mais la vérité rationnelle est difficilement accessible du fait que des sources prétendument sérieuses peuvent colporter de fausses informations dont la vérification objective est difficile pour qui n’a pas accès aux données directement (je ne suis pas médecin légiste, je n’ai pas vu les corps etc.. mais ça ne m’empêche pas de croire la communauté des historiens sur le génocide des juifs pendant la seconde guerre mondiale par exemple, mais pour des exemples plus récents, le recul manque). Le propos du livre de Herman et Peterson a quelque chose de pertinent malgré tout dans la comparaisons des morts par le camp Américain ou le camp adverse, c’est très dommage par contre qu’il passe par des exemples erronés, ça décrédibilise tout le message alors que l’idée de base n’est pas infondée.
Un reportage de la BBC vient de faire remarquer qu’effectivement la version officielle est une histoire tronquée à la gloire de Kagamé.
Une fois de plus vous n’avez relayé qu’un discours sur ce site au mépris du doute scientifique qui était légitime.
http://vimeo.com/107867605