Russell Brand (1975 - ) est un humoriste et ancien animateur britannique qui s’est imposé comme influenceur complotiste depuis la pandémie de Covid-19.
Connu pour son style provocateur et ses frasques très médiatisées lors de sa carrière dans le divertissement, le comédien s’est reconverti, dès 2020, dans la diffusion de théories conspirationnistes. Depuis, il partage quotidiennement sa vision du monde sur les réseaux sociaux. Il cumule plus de 11 millions d’abonnés sur X, près de 7 millions sur YouTube, 4,8 millions sur Instagram et 2 millions sur Rumble, une plateforme très prisée de la complosphère.
La position anti-médias, anti-institutions et anti-science du comédien est cohérente avec sa propension à interpréter la réalité à l'aune d'une grille de lecture complotiste. Son modus operandi mêle titres alarmants (tels que « on VOUS a menti », « les secrets EXPOSÉS » ou encore « ce n’est PAS une théorie du complot »), une interpellation directe de son public qu’il nomme « my awaken wonders » (« mes merveilles éveillées ») et un ton qui se veut humoristique. En outre, depuis qu’il s’est converti au christianisme évangélique en mai 2024, le Britannique évoque régulièrement Dieu dans ses discours.
Inculpé en avril 2025 pour viol et agressions sexuelles, le comédien reste néanmoins extrêmement populaire et continue de propager ses fakes news et théories conspirationnistes sur les réseaux sociaux au travers de ses vidéos « Stay Free » (« Restez libres »).
Brand a lancé sa carrière sur Internet en 2014 avec sa série YouTube intitulée The Trews: True News with Russell Brand, et dans laquelle il commentait l’actualité et critiquait les médias traditionnels. De plus, il répondait régulièrement aux commentaires de ses auditeurs, prodiguant conseils et avis. Déjà à l’époque, son penchant complotiste transparaissait dans des épisodes tels que « Devrions-nous faire confiance à la vaccination pour bébés ? » et « David Cameroun menace vos enfants – CE N’EST PAS UNE BLAGUE ! ».
Mais c’est durant la pandémie de Covid-19 qu’il a opéré un virage définitivement complotiste. C’est à ce moment-là que Brand explose sur les réseaux sociaux. À la fin de l’année 2021, son audience YouTube avait presque doublé, atteignant près de 5 millions d’abonnés. Ses sujets de prédilection sont ainsi devenus la pandémie, « Big Pharma », le « Great Reset », la guerre en Ukraine et le « Deep State ».
Pour le comédien, le Covid-19 est un virus créé en laboratoire, les mesures prises durant la pandémie auraient servi à museler la population et les vaccins seraient non seulement dangereux, mais auraient également été testés sur des « prisonniers des camps de concentration chinois ».
En ce qui concerne le « Great Reset », les premières vidéos de Brand sur le sujet l’ont permis d’être propulsé en véritable influenceur de la complosphère. En effet, alors qu’au début de la pandémie, ses contenus étaient visionnés entre 100 000 et 300 000 fois, la simple mention de l’expression « Great Reset » lui a directement valu plus d’un million de vues. En janvier 2022, sa vidéo « QUOI ?! Le Great Reset n’est PAS une théorie du complot ! » – dans laquelle il déclare : « Bonne nouvelle, la pandémie du Coronavirus est en déclin, mauvaise nouvelle le Great Reset où vous ne posséderez rien et serez heureux, est en train d’être amené par des décisions de politiques économiques prises par votre gouvernement » – a été regardée près de 3 millions de fois.
Pour le Britannique, le Forum économique mondial, l’organisation non gouvernementale fondée par Klaus Schwab, dirigerait le monde. Toujours dans cette thématique de « contrôle de la population », Russell Brand accusait en janvier 2025 la Defense Advanced Resarch Projects Agency (DARPA) de « manipuler [notre] comportement » [archive]. Créée en 1958 sous la présidence de Dwight D. Eisenhower (1890-1969), la DARPA est une agence américaine chargée de la recherche et du développement des nouvelles technologies destinées à un usage militaire.
À propos de la guerre en Ukraine, le comédien partage la théorie complotiste selon laquelle des laboratoires américains destinés à produire des armes biologiques seraient implantés en Ukraine. Cette fausse accusation provenant du Kremlin a été largement reprise par les figures complotistes anglophones, dont le mouvement QAnon et Robert F. Kennedy Jr.
Enfin, la thématique du « Deep State » représente une source infinie de commentaires pour le Britannique, qui en use pour propager des théories complotistes à ses millions d’auditeurs. Versant dans toutes les théories conspirationnistes classiques, Brand voit la main de « l’État profond » partout, que ce soit dans les « élections truquées », derrière l’assassinat de JFK [archive] ou encore autour du couple Clinton. Selon lui, l’ancien couple présidentiel serait au cœur de la pseudo-affaire dite du « Pizzagate » et les personnes les ayant côtoyés disparaitraient de manière étrange. En outre, les attentats du 11 septembre 2001 seraient selon lui une grande supercherie [archive]…
Organisation de stages spirituels avec sa femme, promotion de la kundalini (une forme de yoga pratiquée par un mouvement religieux), vente « d’amulettes magiques » pour se protéger du « wifi corrompu » : s’il est bien une chose qui est restée inchangée chez Russell Brand depuis le début de sa carrière, c’est son désir de servir de guide spirituel pour ses fans. Alors qu’en 2013, l’humoriste jouait de sa propre vanité et de sa tendance à se voir comme un sauveur dans son spectacle Messiah Complex, aujourd’hui, il semblerait qu’il ait totalement embrassé cette idée.
Cheveux longs, barbe de plusieurs jours et chemise ouverte (sa marque de fabrique), pain en main et croix chrétienne, Brand donne l’impression de s’adresser à ses abonnés depuis le ciel lorsqu’il les invite à écouter ses rencontres hebdomadaires « Break Bread » [« Rompre le pain »] sur le site conservateur Locals. Cette émission est, pour Russell Brand, l’occasion de « créer un espace dans lequel [il] peut parler de sa foi en profondeur ».
Pour sa première vidéo, c’est sans surprise que le comédien s’entretenait avec Tucker Carlson, figure de la complosphère conservatrice américaine. En effet, la conversion au christianisme de Brand l’a rapproché de la droite identitaire américaine.
Russell Brand se considère également comme étant personnellement victime de conspirations. Depuis son inculpation par la justice britannique pour viol et agressions sexuelles, il évoque non seulement Dieu lorsqu’il se prononce sur le sujet, mais également une « machination obscure » qui aurait été mise en place pour lui nuire.
Directement après la publication de son jugement, Brand niait les faits :
« Nous sommes très chanceux, dans un sens, de vivre dans un temps où il existe très peu de confiance dans le gouvernement britannique, nous sommes très chanceux, je suppose que ceci se passe alors que nous savons que la loi est devenue une sorte d’arme à être utilisée contre des personnes, des institutions et parfois contre des nations entières […] Et je parle particulièrement à vous, à ceux qui sont en train de regarder cette vidéo depuis la Grande-Bretagne, comment vous sentez-vous par rapport à votre système juridique aujourd’hui ? […] Lorsque j’étais jeune et célibataire […], j’étais un imbécile avant que je ne vive dans la lumière de Dieu. »
Quelques jours plus tard, discourant sur les crimes pour lesquels il a été jugé, Brand incite ses followers à ne « pas croire la culture », l’une des « institutions » qui se seraient liguées contre lui, mais de « croire en Dieu ».
(Dernière mise à jour le 18/07/2025)
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