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« Meurtre rituel » (Mythe du −)

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Le martyre de Simon de Trente (1493 ; crédits : Wikimedia Commons).

L'accusation de « meurtre rituel » (ou « crime rituel ») est l'un des grands mythes antijuifs historiques. Il consiste à imputer aux Juifs une propension culturelle ou religieuse à assassiner des non-Juifs, plus particulièrement des enfants, à des fins rituelles. Qualifiée par les historiens de pure chimère, cette accusation est pourtant l'une des plus tenaces de l'histoire de la judéophobie.

Bien que des prémisses existent dans l'Antiquité païenne (notamment chez le grammairien Apion qui accusait les Juifs d'engraisser des Grecs pour les immoler), la légende se cristallise véritablement dans l'Europe chrétienne du XIIème siècleLe premier cas célèbre remonte à 1144 en Angleterre, avec l'affaire de Guillaume (ou William) de Norwich, un enfant dont la mort fut imputée aux Juifs, accusés de vouloir reproduire la crucifixion de JésusÀ partir du XIIIème siècle, le mythe intègre l'accusation de cannibalisme. La rumeur prétend que les Juifs égorgent des enfants chrétiens pour recueillir leur sang et l'utiliser dans la fabrication de la matza (pain azyme) pour la PâqueCette accusation s'accompagne d'une lecture falsifiée du Talmud, présenté par les antijuifs comme un ouvrage « satanique » ordonnant secrètement le meurtre des chrétiensCes calomnies − dont l'une des plus fameuses donnera lieu à la béatification de Simon de Trente, un enfant de deux ans disparu dans des conditions inexpliquées aux alentours de la Pâgue juive en 1475 − ont servi de prétexte à de nombreux massacres et expulsions de Juifs tout au long du Moyen Âge.

Au XIXème siècle, alors que l'antisémitisme politique se structure, le mythe du meurtre rituel est modernisé. En 1840, la disparition d'un moine capucin à Damas déclenche une accusation de crime rituel contre la communauté juive locale. C'est « l'affaire de Damas ». Bien que les accusés aient été innocentés et la calomnie condamnée par le Sultan, cette affaire a relancé la diffusion du mythe à l'échelle internationale.

En 1871, la publication du livre d'August Rohling, Der Talmudjude, et sa diffusion dans toute une partie de l'Europe réactive la diffusion du mythe. En Russie, en 1913, le régime tsariste tente de faire condamner Mendel Beïliss pour le meurtre rituel d'un enfant chrétien. Le procès, marqué par l'intervention de faux experts du Talmud comme le prêtre Justin Bonaventure Pranaitis, se solde par l'acquittement de l'accusé, constituant une défaite majeure pour l'antisémitisme d'État de l'époque.

Avec la montée de l'antisémitisme racial, l'explication change de nature. Le crime rituel n'est plus seulement vu comme une pratique religieuse, mais comme l'expression d'une « criminalité héréditaire » juive. Le propagandiste nazi Julius Streicher a fait de cette accusation un thème central de son journal Der StürmerToutefois, les accusations de meurtre rituel ne prirent pas fin avec la chute du nazisme. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en juillet 1946, à Kielce (Pologne), 42 rescapés juifs de la Shoah sont massacrés après qu'une accusation mensongère de meurtre rituel d'un enfant chrétien a circulé.

Résurgence contemporaine

Après la création de l'État d'Israël (1948), l'accusation de meurtre rituel connaît une résurgence, se déplaçant géographiquement vers le monde arabo-musulman et politiquement vers l'antisionisme. Le mythe est banalisé par des responsables politiques et religieux. L'exemple le plus notable est le livre L'Azyme de Sion (1983), du général et ministre syrien de la Défense Mustafa Tlass, qui présente l'affaire de Damas comme un fait historique avéré et accuse les Juifs d'utiliser du sang humain pour leurs ritesEn novembre 2025, lors d'une conférence organisée par Students for Justice in Palestine à l’University College London (UCL), une conférencière présente l'affaire de Damas comme un cas réel de crime rituel juif.

@conspiracywatch

🧐 « Ils prennent le sang des non-Juifs » Les Juifs ont besoin de sang humain pour fabriquer du pain ?! Le 11 novembre dernier, une conférencière invitée par l'association Students for Justice in Palestine, a présenté une célèbre accusation de crime rituel comme un fait réel. Né au XIIème siècle, ce vieux mythe antisémite semble avoir encore de beaux jours devant lui. La mise au point de Perla Msika.

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Selon la sociologue franco-israélienne Eva Illouz, la rumeur selon laquelle Israël prélèverait les organes de Palestiniens morts reprend le trope antisémite du crime rituel.

L’un des ouvrages de référence contre l'accusation de crime rituel est celui du théologien protestant et orientaliste Hermann L. Strack, Der Blutaberglaube in der Menschheit, Blutmorde und Blutritus (1892).

 

Voir aussi :

[PODCAST] Adrénochrome, crimes rituels : le sang au cœur du complotisme

 

(Dernière mise à jour le 22/12/2025)

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