France 5 - Dimanche 30 mai - 20 h 50 - Documentaire
Deux enquêtes glaçantes reviennent ce soir sur deux drames : l’exécution de Samuel Paty, professeur décapité le 16 octobre 2020 à quelques mètres du lycée de Conflans-Sainte-Honorine où il enseignait, par Abdouallakh Anzorov, un islamiste extrémiste ; et le massacre de cinquante et une personnes dans deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, le 15 mars 2019, par Brenton Tarrant, un suprémaciste blanc australien. Deux cas reliés par un point commun : les deux jeunes terroristes se sont radicalisés sur les réseaux sociaux, au vu et au su de tous.
Chronologiquement, méthodiquement, les enquêteurs ont reconstitué pour « La Fabrique du mensonge », présenté par Karim Rissouli, les parcours familiaux et psychologiques des tueurs, en pointant l’incroyable faillite des plates-formes digitales à modérer leurs contenus. Un document qui dépasse l’imaginable et interroge au-delà des réseaux.
Abdouallakh Anzorov apparaît sur Twitter pour la première fois le 8 juin 2020, sous le compte @Abdellah_270. Dès lors, toutes ses activités en ligne ont été retrouvées, contextualisées, depuis l’appel à détruire la Chine, le 24 juin 2020 – « Oh Allah, désintègre ce pays » –, jusqu’à celui lancé pour trouver « une cible », après l’ouverture du procès des attentats de janvier 2015 et la republication sur Charliehebdo.fr des caricatures du Prophète. Le document souligne par ailleurs l’influence de facteurs déclencheurs, comme la manifestation des Femen, seins nus, le 7 juillet : « Il faut la lapider car elle nuit au public », écrit-il sur Twitter.
Convergence entre virtuel et réel
La convergence entre virtuel et réel va se faire à la faveur de la polémique née d’un cours de Samuel Paty (les diapositives projetées en classe sont montrées) et du mensonge réitéré par une de ses élèves, Zora, puis repris par son père, amplifié jusqu’à mener à la diffusion en ligne des coordonnées de l’enseignant. Avec courage, la mère d’un élève de la classe de Samuel Paty témoigne, parfois les larmes aux yeux. En incarnant la tolérance, elle apporte un des rares messages d’espoir de ce documentaire, dont se dégage un immense sentiment d’impuissance.
L’incompréhension s’amplifie dans la seconde partie consacrée au parcours de Brenton Tarrant, marqué par sa fascination pour la théorie du « grand remplacement » (popularisée par le Français Renaud Camus), qu’il va vouloir vérifier en se rendant en France en avril 2017. Comment l’Australien, une GoPro fixée sur le front, a-t-il pu se filmer et donner un lien pour suivre « l’attaque en live sur Facebook » en toute impunité ? La vidéo du massacre va être en ligne vingt-neuf minutes, avant qu’un modérateur, alerté, la retire ; 300 000 internautes ont eu le temps de la republier. Facebook mettra vingt-quatre heures à rendre son système de modération efficace, l’algorithme ayant confondu l’attentat avec… un jeu vidéo.
La Fabrique du mensonge. Terroristes en réseaux, de Guillaume Auda et Etienne Mélou (Fr., 2021 95 min). Egalement disponible sur Lumni et sur France.tv
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