Cet homme-là est un « repenti ». Non qu’il ait commis un crime de sang ou renoncé à servir un parrain mafieux. Sa faute, à l’entendre, est d’avoir déversé de la haine, pendant des années, sur les ondes. Au cours de la dernière décennie, Stéphane Gendron a été un chroniqueur et animateur adulé de diverses radios québécoises. Au micro, cet ancien responsable politique, avocat de formation, maire d’une petite ville du Québec, a traité l’ex-premier ministre Jean Charest de « meurtrier », de « menteur » et d’« imbécile », comparé les Israéliens à des « nazis des temps modernes », défendu la peine de mort (« Il faut tuer les assassins »), insulté une magistrate ou encore brûlé une décision de justice en direct à l’antenne.
« J’étais un angry white man [un homme blanc en colère], résume le quinquagénaire à la voix grave. Le trash et l’agressivité ont longtemps été pour moi une addiction. » Ses patrons l’adoraient – « quelle bouffée d’air frais », le complimentaient-ils –, et les auditeurs en redemandaient. « J’usais et abusais du GBS, le “gros bon sens”, comme on dit ici. Ils estimaient que je disais tout haut ce qu’ils pensaient tout bas. »
Stéphane Gendron n’a pas sévi sur n’importe quelles ondes. Son rond de serviette, il l’a eu sur plusieurs antennes communément baptisées « radios poubelles » au Québec. Des structures commerciales privées, où quelques animateurs starisés enchaînent les heures de direct pour commenter l’actualité de la façon la plus provocatrice possible. Le principe : une bande de forts en gueule invite les auditeurs à s’insurger de tout, le tutoiement est de rigueur, le vocabulaire populaire vire souvent au vulgaire.
Choi-FM, surnommée « Radio X », est aujourd’hui la plus puissante de toutes. Diffusée dans la ville de Québec et ses environs, elle dame même le pion, en termes d’audience, à la station publique Radio Canada sur certains de ses rendez-vous. A l’expression calquée de l’anglais « trash radio », Dominique Payette, chercheuse en sciences de l’information à l’université Laval de Québec et autrice d’un livre consacré à ces médias très particuliers, Les Brutes et la Punaise (Lux, 2019), préfère celle de « radio de confrontation ». « Il ne s’agit pas d’un journalisme d’opinion, mais d’un espace public où les faits importent peu et où se répandent toutes les aigreurs. Des personnalités politiques y sont nommément insultées et des communautés entières prises à partie, sans aucun souci d’impartialité. »
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