Rumeurs et complots

Rumeurs et complots
Lorsqu’il s’agit d’observer la zone des pouvoirs, on peut constater que la place de l’intrigue a tendance à grandir démesurément. L’histoire de John Kennedy et de son assassinat en pleine épopée est un meurtre de l’ombre qui n’a jamais été vraiment élucidé. Que croire lorsque, sous Staline, est éventé un « complot des blouses blanches » ? Plus près de nous, comment expliquer la chute de Ceaucescu, le Roumain, brutalement contesté, sous l’œil des caméras, dans un meeting en plein air ? Il était pourtant la clef de voûte d’une dictature où la police veillait, jusque-là, à tuer dans l’œuf tout incident. Plus en arrière de nous, revit le spectre de Napoléon, exilé à Sainte-Hélène, dictant ses mémoires, en butte aux sarcasmes de son geôlier anglais souvent soupçonné d’avoir assassiné le héros à petit feu par une alimentation empoisonnée.

La suite de l'article sur le site de Cairn

Thierry Meyssan : de la lutte contre la calotte à la politique mondiale

A 44 ans, le président du Réseau Voltaire affiche un itinéraire aux contours sinueux.

Mince, le regard sombre, Thierry Meyssan ne correspond guère à l'image qu'on se fait du plumitif besogneux découvrant chaque jour un nouveau complot depuis son officine. L'homme, né en 1957, est secrétaire national du Parti radical de gauche. Si aujourd'hui son nom se confond surtout avec celui du Réseau Voltaire qu'il préside, son itinéraire présente des contours plus sinueux. Thierry Meyssan a fréquenté, du temps où il était proche du Renouveau charismatique, le séminaire d'Orléans avant de devenir un pourfendeur inlassable de l'Opus Dei, partisan opiniâtre de la laïcité. Marié à l'époque de ses études de théologie, il n'aurait toutefois jamais envisagé de devenir prêtre.

Les premiers engagements de Thierry Meyssan sont plutôt d'ordres "sociétaux". Via une association aujourd'hui en sommeil, Le projet Ornicar, il milite pour les droits des homosexuels. A force d'arpenter les couloirs du Parlement de Strasbourg, M. Meyssan rencontre Yves Frémion, alors député européen (Vert). Avec lui et quelques autres, il lance le Réseau Voltaire en 1994. L'extrême droite constitue, à cette époque, la cible privilégiée. Mais le Réseau Voltaire n'hésite pas à s'en prendre à des mythes nationaux plus consensuels. Ainsi M. Meyssan et ses amis parviennent-ils, en 1996, à diffuser la lettre de soutien de l'abbé Pierre à Roger Garaudy, alors que ce dernier propose d'ouvrir le débat sur l'histoire de la Shoah aux auteurs négationnistes.

Thierry Meyssan affiche son appartenance à la franc-maçonnerie dont il est un membre remuant. Il ne cache pas être l'une des sources de l'ouvrage sulfureux Les Frères invisibles de Ghislaine Ottenheimer et Renaud Lecadre (Le Monde du 15 mai 2001). La réunion organisée le 22 janvier 2000 dans les locaux du Grand Orient, rue Cadet à Paris, avec des nationalistes corses dans le but de discuter, à l'en croire, de "l'indépendance" de l'île (Le Monde du 18 mars 2000) ouvre un conflit direct avec l'actuel grand maître Alain Bauer. Un temps suspendu de l'obédience, parce qu'il accusait M. Bauer d'être à l'origine de la rencontre, Thierry Meyssan y sera finalement rétabli, non sans avoir présenté ses excuses - est-il précisé dans Grand O (Denoël), l'ouvrage du grand maître.

Avec L'Effroyable Imposture (Carnot), la méthode de Thierry Meyssan se précise : asséner. Cette fois dans le but, assure-t-il, de "défendre la liberté et la démocratie en Amérique." "Nous aimons l'Amérique de Tocqueville et non celle du Patriot Act", ajoute-t-il. Et de citer Jean Moulin - "un radical" comme lui - lui aussi "un terroriste". Sa pratique du radicalisme renvoie plutôt au Partito radical de Marco Panella qu'à Edouard Herriot ou Pierre Mendès France.

EN CURIEUSE COMPAGNIE

Bien que les Verts soient partie prenante du Réseau Voltaire, la dernière initiative laisse un Jean-Luc Bennahmias, directeur de campagne de Noël Mamère, des plus sceptiques. La stratégie reste apparemment contrôlée, mais désormais la scène se veut mondiale ! Contre ceux qui lui reprochent une vision conspirationniste du monde, Thierry Meyssan invoque la contre-expertise citoyenne ou le journalisme d'investigation. "Certains groupes d'individus peuvent coordonner leur action. Cela explique le cours de leur carrière, mais pas l'histoire", précise-t-il.

Il n'empêche qu'avec sa mise en question de la version généralement admise du 11 septembre 2001, cet homme de gauche se retrouve aujourd'hui en bien curieuse compagnie. Celle d'Emmanuel Ratier, disciple de l'agitateur antisémite Henry Coston (1910-2001, Le Monde du 2 août 2001), qui dans sa lettre diffusée sur Internet (Faits et documents n° 23, daté du 20 octobre 2001) mettait également en doute qu'un avion se fût écrasé sur le Pentagone (doutes rappelés à l'occasion du conseil scientifique du Front national le 1er décembre 2001). De même a-t-il profité des conseils et de l'expertise de personnalités inattendues comme celle de Pierre-Henri Bunel, cet officier condamné à cinq ans de détention dont trois avec sursis pour avoir transmis, en 1998, les plans des frappes de l'OTAN à un colonel serbe, en pleine guerre du Kosovo. Certes les deux hommes ne partagent pas les mêmes convictions. Ils ont seulement le même éditeur.

Source : Le Monde, 21 mars 2002.

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Les Pokémon, conspiration nippono-sionisto-darwinienne

Les Pokémon, conspiration nippono-sionisto-darwinienne

Heureusement que nos imams veillent au grain ! Alors que du Maroc à l'Indonésie et de la Turquie au Sénégal, nous vaquions à nos occupations sans nous douter de la menace qui pesait sur nous, les gardiens de la foi sont parvenus à déjouer un complot - un de plus ! - ourdi par les agents de la conspiration nippono-sionisto-darwinienne (NSD). À Dubaï, le comité religieux des Émirats arabes unis vient de condamner un certain Pikachu, tête de pont de la NSD, pour « incitation au pari » (sic). Le gang Pikachu serait également connu sous le nom collectif « les Pokémon ».

J'ignore de quoi il s'agit, n'étant pas entouré d'enfants, mais tout cela fait peur. Il semble que les Pokémon soient de petits monstres créés par un Japonais (ou par un ordinateur japonais, on ne sait plus) puis lâchés dans la nature par la NSD, dûment pourvus d'une étoile de David.

Selon les anti-Pikachu, le mot « Pokémon » n'est d'ailleurs que la transposition phonétique du mot japonais signifiant « juif ». Plusieurs d'entre eux ont exigé, au téléphone, que l'attaché culturel de l'ambassade japonaise à Amman prononce le mot « juif » dans sa propre langue. Réponse du diplomate interloqué : youdayajin. Aheum... Qu'importe, un membre du Front jordanien de l'action islamique, qui reconnaît tout ignorer des Pokémon, préconise l'extension d'une récente fatwa anti-Pokémon saoudienne à tous les musulmans de la planète. L'apothéose approche. Il se trouvera bien un nerveux de la fatwa pour proclamer Pikachu et ses potes « ennemis de Dieu ». Il faut avoir une vision vraiment grandiose de Dieu pour lui opposer Pikachu.

Mais, demandez-vous, que vient faire Darwin dans cette histoire ? Eh bien, les cent cinquante membres du gang Pokémon possèdent la capacité de se transformer et d'acquérir de nouvelles aptitudes. Horreur ! Nos imams, qui ne sont pas la moitié d'un imbécile, ont immédiatement compris de quoi il retournait : l'immonde NSD voulait diffuser en douce la doctrine darwinienne dans le monde arabo-musulman ! Heureusement que nous avons nos héros, par exemple le cheikh el-Haddad, directeur de l'administration centrale des fatwas des Émirats arabes unis. Pikachu ne passera pas ! a tonné el-Haddad. Dans tous les pays du Golfe, la résistance s'organise. L'expulsion du gang Pika n'est plus qu'une question de jours. Les cartes à jouer représentant les monstres sont déjà interdites. En Arabie saoudite, ils sont tous persona non grata.

Un problème : vu que leurs images sont interdites, comment vont faire les policiers et les gendarmes saoudiens pour reconnaître et arrêter Pikachu et ses complices ?

Source : Jeune Afrique, 17 avril 2001.

Voir aussi :
* Michael Slackman, « Arabs See Jewish Conspiracy in Pokemon » (Los Angeles Times, 24 avril 2001).
* Massimo Introvigne, « I Pokémon? "Sono un complotto giudaico-massonico" » (Il Giornale, 17 gennaio 2004).

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