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Le style paranoïaque et « l’imitation de l’ennemi »

Publié par La Rédaction11 novembre 2012, ,

Le style paranoïaque et « l’imitation de l’ennemi »
AVERTISSEMENT : Le texte qui suit est extrait de Richard Hofstadter, Le style paranoïaque. Théories du complot et droite radicale en Amérique, © François Bourin Editeur, Paris, septembre 2012 (préface de Philippe Raynaud ; traduit de l'anglais par Julien Charnay). Il est protégé par le droit d'auteur. Merci à François Bourin Editeur d'avoir autorisé Conspiracy Watch à le reproduire.

« À maints égards, l’ennemi semble être une projection du moi : lui sont attribués à la fois des aspects idéaux et des caractéristiques plus difficilement admissibles. Un paradoxe fondamental du style paranoïaque tient à l’imitation de l’ennemi. (…) Le Ku Klux Klan imitait le catholicisme en allant jusqu’à revêtir les vêtements sacerdotaux et instituer un cérémonial élaboré ainsi qu’une hiérarchie tout aussi subtile. La John Birch Society prend exemple sur les cellules communistes et leur fonctionnement quasi-secret avec ses organisations écrans. Elle préconise la poursuite d’une guerre idéologique impitoyable menée sur un modèle très similaire à celui adopté par l’ennemi communiste. Les porte-voix des différentes «croisades» chrétiennes anticommunistes expriment ouvertement leur admiration pour le dévouement, la discipline et l’ingéniosité stratégique que la cause communiste peut susciter.

(…) Pour l’essentiel, la fonction de l’ennemi renvoie moins à ce qui, chez lui, peut faire l’objet d’une imitation qu’à ce qui peut susciter une condamnation sans réserve. La liberté sexuelle qui lui est souvent reprochée, son absence d’inhibition morale, les techniques particulièrement efficaces auxquelles il a recours pour satisfaire ses désirs, offrent aux adeptes du style paranoïaque la possibilité de projeter et d’exprimer librement les aspects les plus répréhensibles de leurs propres désirs. On prêtait aux prêtres et aux patriarches mormons une attirance particulière pour les femmes, et, en conséquence, une forme de prérogative licencieuse. Les catholiques et les mormons – plus tard les Noirs et les juifs – servaient de prétexte à l’expression d’obsessions sexuelles illicites. Les fantasmes des «vrais croyants» constituaient très souvent de puissants exutoires à leurs tendances sadomasochistes, comme le montre très clairement l’intérêt porté par les antimaçons à la cruauté supposée des châtiments maçons. Au sujet de ce phénomène, [l’historien David Brion] Davis note :

“Les maçons éventraient leurs victimes ou leur tranchaient la gorge ; les catholiques arrachaient les fœtus de l’utérus de leur mère pour les jeter ensuite aux chiens sous les yeux de leurs parents ; les mormons violaient et fouettaient les femmes non consentantes, ou bien leur brûlaient la bouche au fer rouge. Cette obsession pour les détails sadiques, qui atteignait des proportions pathologiques dans la plupart des ouvrages de cette littérature, témoignait d’une volonté farouche de déposséder l’ennemi de tout trait digne d’admiration.” »

Voir aussi :
* Pourquoi il est urgent de lire «Le Style paranoïaque» de Richard Hofstadter

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Le style paranoïaque et « l’imitation de l’ennemi »
AVERTISSEMENT : Le texte qui suit est extrait de Richard Hofstadter, Le style paranoïaque. Théories du complot et droite radicale en Amérique, © François Bourin Editeur, Paris, septembre 2012 (préface de Philippe Raynaud ; traduit de l'anglais par Julien Charnay). Il est protégé par le droit d'auteur. Merci à François Bourin Editeur d'avoir autorisé Conspiracy Watch à le reproduire.

« À maints égards, l’ennemi semble être une projection du moi : lui sont attribués à la fois des aspects idéaux et des caractéristiques plus difficilement admissibles. Un paradoxe fondamental du style paranoïaque tient à l’imitation de l’ennemi. (…) Le Ku Klux Klan imitait le catholicisme en allant jusqu’à revêtir les vêtements sacerdotaux et instituer un cérémonial élaboré ainsi qu’une hiérarchie tout aussi subtile. La John Birch Society prend exemple sur les cellules communistes et leur fonctionnement quasi-secret avec ses organisations écrans. Elle préconise la poursuite d’une guerre idéologique impitoyable menée sur un modèle très similaire à celui adopté par l’ennemi communiste. Les porte-voix des différentes «croisades» chrétiennes anticommunistes expriment ouvertement leur admiration pour le dévouement, la discipline et l’ingéniosité stratégique que la cause communiste peut susciter.

(…) Pour l’essentiel, la fonction de l’ennemi renvoie moins à ce qui, chez lui, peut faire l’objet d’une imitation qu’à ce qui peut susciter une condamnation sans réserve. La liberté sexuelle qui lui est souvent reprochée, son absence d’inhibition morale, les techniques particulièrement efficaces auxquelles il a recours pour satisfaire ses désirs, offrent aux adeptes du style paranoïaque la possibilité de projeter et d’exprimer librement les aspects les plus répréhensibles de leurs propres désirs. On prêtait aux prêtres et aux patriarches mormons une attirance particulière pour les femmes, et, en conséquence, une forme de prérogative licencieuse. Les catholiques et les mormons – plus tard les Noirs et les juifs – servaient de prétexte à l’expression d’obsessions sexuelles illicites. Les fantasmes des «vrais croyants» constituaient très souvent de puissants exutoires à leurs tendances sadomasochistes, comme le montre très clairement l’intérêt porté par les antimaçons à la cruauté supposée des châtiments maçons. Au sujet de ce phénomène, [l’historien David Brion] Davis note :

“Les maçons éventraient leurs victimes ou leur tranchaient la gorge ; les catholiques arrachaient les fœtus de l’utérus de leur mère pour les jeter ensuite aux chiens sous les yeux de leurs parents ; les mormons violaient et fouettaient les femmes non consentantes, ou bien leur brûlaient la bouche au fer rouge. Cette obsession pour les détails sadiques, qui atteignait des proportions pathologiques dans la plupart des ouvrages de cette littérature, témoignait d’une volonté farouche de déposséder l’ennemi de tout trait digne d’admiration.” »

Voir aussi :
* Pourquoi il est urgent de lire «Le Style paranoïaque» de Richard Hofstadter

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