Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Julian Assange, la Stasi et "les Juifs de la Côte Est"

Publié par La Rédaction20 février 2011,

Le fondateur australien de WikiLeaks, qui a défrayé la chronique tout au long de l'année dernière, a été suspecté de travailler pour l’Etat d’Israël et d’être manipulé par la CIA. Un comble pour ce « cyberactiviste » dont on sait désormais qu’il est lui-même un fervent amateur de théories du complot...

"Inside Wikileaks", de Daniel Domscheit-Berg (Grasset, 2011)

Le livre de témoignage que l’ancien numéro 2 de WikiLeaks, Daniel Domscheit-Berg, vient de publier nous renseigne sur un aspect méconnu de la personnalité de Julian Assange. Selon l’auteur de Inside WikiLeaks, Assange « se montrait (…) extrêmement paranoïaque. Pour lui, il allait de soi que ma maison était sous surveillance. Il insistait sur le fait que nous ne devions jamais être vus en train de sortir ensemble de mon domicile, ou d’y entrer. Je me suis toujours demandé si cela aurait fait une différence » (1).

Bill Keller, directeur de la rédaction du New York Times, a également eu affaire à l’activiste australien qu’il décrit comme un homme « obsédé par les complots et étrangement crédule » (2). Un point de vue confirmé par la journaliste du Figaro Laure Mandeville :

« Un jour, pendant un déjeuner à la cafétéria du Guardian, il assène d'un ton péremptoire à l'assemblée des reporters que les anciennes archives de la Stasi ont été infiltrées par d'anciens agents est-allemands, qui ont entrepris d'en détruire le contenu. Le journaliste du Spiegel tentera, visiblement en vain, de le convaincre du contraire » (3).

L’interview que Julian Assange a accordé au site Agoravox le 7 février dernier atteste les penchants conspirationnistes du fondateur de WikiLeaks. Ainsi confesse-t-il avoir eu des craintes à l’égard « des attaques en provenance de la Côte Est des Etats-Unis » avec laquelle « Israël a des liens solides ». Assange poursuit :

« Non seulement en raison de la présence de nombreux juifs sur le sol américain, mais également parce que beaucoup de passeports israéliens ont été fournis aux juifs de la Côte Est afin de renforcer leurs liens avec leur terre d’accueil. La Russie a procédé de la même manière avec l’Ossétie du Sud, en distribuant des passeports à la population locale afin d’encourager la lutte contre le nationalisme géorgien ».

Il convient de s'arrêter un instant sur cette phrase qui n'a apparemment pas eu l'air de surprendre l'interlocuteur de Julian Assange. Si les informations concernant la distribution de passeports russes aux habitants de l’Ossétie du Sud est un fait bien documenté, qui s’inscrit dans une politique délibérée d’encourager le séparatisme ossète contre la Géorgie, rien ne vient corroborer les déclarations d’Assange sur une supposée fourniture de passeports israéliens à des Juifs américains. Outre qu'on ne voit pas très bien quel serait le but d'une telle politique (implanter des colonies juives à New York ?!), l’Agence juive pour Israël estime le nombre de Juifs américains ayant émigré vers l’Etat d’Israël au cours des dernières années à environ 3000 par an. Dans leur grande majorité, ces citoyens américains d'origine juive ayant pris la nationalité israélienne ne sont pas retournés s’installer aux Etats-Unis.

Qu'Assange ait pu se convaincre de telles fariboles n'a peut-être pas rien à voir avec ses fréquentations. Au cours de son entretien avec Agoravox, il confirme ses liens avec un propagandiste antisémite notoire, Israël Shamir, chargé de représenter officiellement WikiLeaks en Russie. L’activiste australien n’hésite pas à prendre la défense de Shamir, allant jusqu’à comparer le discrédit qui le frappe à la condamnation à mort de l’écrivain britannique Salman Rushdie, visé par une fatwa de l’ayatollah Khomeyni pour avoir publié un roman jugé blasphématoire.

« La BBC, affirme Assange, nous a accusé de collaborer avec des prétendus antisémites comme Israël Shamir qui nous soutient. Il s’agit d’un journaliste et écrivain natif de Sibérie et installé en Israël. Niant le judaïsme et devenant pro-palestinien, il s’est par la suite reconverti à l’orthodoxie russe. C’est pourquoi il est haï dans les mêmes proportions que Salman Rushdie. Il vit maintenant en Suède, et comme il nous a aidé pendant un certain temps, des médias nous accusent à notre tour d’être antisémites, d’avoir fourni des documents aux russes et d’avoir des relations avec Loukachenko [le président de la Biélorussie - NDLR] ».

Shamir considère que les Protocoles des Sages de Sion, ce célèbre faux antisémite fabriqué au début du XXème siècle par la police secrète russe, sont un document authentique, que la négation de l'Holocauste est « un devoir pour chaque musulman et chaque chrétien » et que les Juifs sont « un virus sous forme humaine ». Il n'a jamais été question pour la BBC ou qui que ce soit d'autre d'accuser Wikileaks et son fondateur d'antisémitisme. Simplement de questionner sa complaisance à l'égard d'un propagandiste haineux.

 

Notes :
(1) Daniel Domscheit-Berg, Inside WikiLeaks. Dans les coulisses du site internet le plus dangereux du monde, Grasset, 2011, p. 80.
(2) Cité in Laure Mandeville, « La saga WikiLeaks racontée par le New York Times », Le Figaro, 28 janvier 2011.
(3) Laure Mandeville, art. cit.

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Le fondateur australien de WikiLeaks, qui a défrayé la chronique tout au long de l'année dernière, a été suspecté de travailler pour l’Etat d’Israël et d’être manipulé par la CIA. Un comble pour ce « cyberactiviste » dont on sait désormais qu’il est lui-même un fervent amateur de théories du complot...

"Inside Wikileaks", de Daniel Domscheit-Berg (Grasset, 2011)

Le livre de témoignage que l’ancien numéro 2 de WikiLeaks, Daniel Domscheit-Berg, vient de publier nous renseigne sur un aspect méconnu de la personnalité de Julian Assange. Selon l’auteur de Inside WikiLeaks, Assange « se montrait (…) extrêmement paranoïaque. Pour lui, il allait de soi que ma maison était sous surveillance. Il insistait sur le fait que nous ne devions jamais être vus en train de sortir ensemble de mon domicile, ou d’y entrer. Je me suis toujours demandé si cela aurait fait une différence » (1).

Bill Keller, directeur de la rédaction du New York Times, a également eu affaire à l’activiste australien qu’il décrit comme un homme « obsédé par les complots et étrangement crédule » (2). Un point de vue confirmé par la journaliste du Figaro Laure Mandeville :

« Un jour, pendant un déjeuner à la cafétéria du Guardian, il assène d'un ton péremptoire à l'assemblée des reporters que les anciennes archives de la Stasi ont été infiltrées par d'anciens agents est-allemands, qui ont entrepris d'en détruire le contenu. Le journaliste du Spiegel tentera, visiblement en vain, de le convaincre du contraire » (3).

L’interview que Julian Assange a accordé au site Agoravox le 7 février dernier atteste les penchants conspirationnistes du fondateur de WikiLeaks. Ainsi confesse-t-il avoir eu des craintes à l’égard « des attaques en provenance de la Côte Est des Etats-Unis » avec laquelle « Israël a des liens solides ». Assange poursuit :

« Non seulement en raison de la présence de nombreux juifs sur le sol américain, mais également parce que beaucoup de passeports israéliens ont été fournis aux juifs de la Côte Est afin de renforcer leurs liens avec leur terre d’accueil. La Russie a procédé de la même manière avec l’Ossétie du Sud, en distribuant des passeports à la population locale afin d’encourager la lutte contre le nationalisme géorgien ».

Il convient de s'arrêter un instant sur cette phrase qui n'a apparemment pas eu l'air de surprendre l'interlocuteur de Julian Assange. Si les informations concernant la distribution de passeports russes aux habitants de l’Ossétie du Sud est un fait bien documenté, qui s’inscrit dans une politique délibérée d’encourager le séparatisme ossète contre la Géorgie, rien ne vient corroborer les déclarations d’Assange sur une supposée fourniture de passeports israéliens à des Juifs américains. Outre qu'on ne voit pas très bien quel serait le but d'une telle politique (implanter des colonies juives à New York ?!), l’Agence juive pour Israël estime le nombre de Juifs américains ayant émigré vers l’Etat d’Israël au cours des dernières années à environ 3000 par an. Dans leur grande majorité, ces citoyens américains d'origine juive ayant pris la nationalité israélienne ne sont pas retournés s’installer aux Etats-Unis.

Qu'Assange ait pu se convaincre de telles fariboles n'a peut-être pas rien à voir avec ses fréquentations. Au cours de son entretien avec Agoravox, il confirme ses liens avec un propagandiste antisémite notoire, Israël Shamir, chargé de représenter officiellement WikiLeaks en Russie. L’activiste australien n’hésite pas à prendre la défense de Shamir, allant jusqu’à comparer le discrédit qui le frappe à la condamnation à mort de l’écrivain britannique Salman Rushdie, visé par une fatwa de l’ayatollah Khomeyni pour avoir publié un roman jugé blasphématoire.

« La BBC, affirme Assange, nous a accusé de collaborer avec des prétendus antisémites comme Israël Shamir qui nous soutient. Il s’agit d’un journaliste et écrivain natif de Sibérie et installé en Israël. Niant le judaïsme et devenant pro-palestinien, il s’est par la suite reconverti à l’orthodoxie russe. C’est pourquoi il est haï dans les mêmes proportions que Salman Rushdie. Il vit maintenant en Suède, et comme il nous a aidé pendant un certain temps, des médias nous accusent à notre tour d’être antisémites, d’avoir fourni des documents aux russes et d’avoir des relations avec Loukachenko [le président de la Biélorussie - NDLR] ».

Shamir considère que les Protocoles des Sages de Sion, ce célèbre faux antisémite fabriqué au début du XXème siècle par la police secrète russe, sont un document authentique, que la négation de l'Holocauste est « un devoir pour chaque musulman et chaque chrétien » et que les Juifs sont « un virus sous forme humaine ». Il n'a jamais été question pour la BBC ou qui que ce soit d'autre d'accuser Wikileaks et son fondateur d'antisémitisme. Simplement de questionner sa complaisance à l'égard d'un propagandiste haineux.

 

Notes :
(1) Daniel Domscheit-Berg, Inside WikiLeaks. Dans les coulisses du site internet le plus dangereux du monde, Grasset, 2011, p. 80.
(2) Cité in Laure Mandeville, « La saga WikiLeaks racontée par le New York Times », Le Figaro, 28 janvier 2011.
(3) Laure Mandeville, art. cit.

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