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Judi Rever : une révisionniste du génocide des Tutsi chez Marianne

Publié par Élie Guckert12 février 2021

La journaliste canadienne, qui soutient que les Tutsi ont participé à leur propre génocide, a bénéficié en France d’une large publicité. Seul média mainstream à lui ouvrir ses colonnes : l'hebdomadaire Marianne.

Judi Rever (capture d'écran YouTube/TV Libertés, 05/10/2020).

Plus de vingt-cinq ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, certaines voix tentent toujours de réécrire l’histoire. Il y eut autrefois Pierre Péan, qui fustigeait dans son brûlot Noires fureurs, blancs menteurs (Fayard, 2005) « la culture du mensonge et de la dissimulation » des Tutsi qui auraient fabriqué de toutes pièces le « récit officiel ». Il y a désormais la Canadienne Judi Rever, ex-correspondante en Afrique pour RFI puis l’AFP.

Elle est l’autrice d’un ouvrage intitulé L’éloge du sang paru chez Max Milo en septembre 2020. Une enquête que Fayard avait renoncé à publier en 2019. Sa thèse est relativement simple : le Front patriotique rwandais (FPR, parti politique de l’actuel président rwandais Paul Kagamé qui avait renversé le régime génocidaire) aurait lui-même participé au génocide des Tutsi afin de prendre le pouvoir, avant de commettre un deuxième génocide en massacrant cette fois-ci les réfugiés hutu au Congo.

« Ce que fait Judi Rever, à l’image de Pierre Péan avant elle, alimente un type de racisme spécifique qui se rapproche de l’antisémitisme moderne. Cela consiste à prêter au FPR, assimilé aux Tutsi en général, une puissance démesurée qui se traduit notamment par une capacité d’infiltration et de conspiration folle. Comme si Kagame était à la tête d’une sorte de Mossad ou de CIA alors qu’il dirige en fait un pays plutôt pauvre », explique Théo Englebert, journaliste indépendant spécialiste du génocide des Tutsi. « Judi Rever ne se contente pas de reprendre des poncifs éculés, conçus par les génocidaires eux-mêmes après le génocide. Elle va plus loin et tente de valider les accusations en miroir matraquées à la population rwandaise pendant les années qui ont précédé le génocide, accusations selon lesquelles le FPR était lui-même animé d’une volonté exterminatrice. »

Marianne contre « l’orthodoxie » de Kigali

À l’entendre, Judi Rever est détentrice d’une vérité que des forces obscures chercheraient à enterrer. Dans une interview donnée en novembre 2019 au Média – site « alternatif » proche de la France insoumise et déjà épinglé pour son confusionnisme sur la Syrie ou la Shoah –, elle assure que les éditions Fayard auraient ainsi subi une pression « des lobby-pro FPR en France » et de « lobbys israéliens » pour ne pas publier son livre.

Un mois plus tôt, Judi Rever déroulait le même récit à l’autre extrémité du spectre politique, sur le plateau de  la chaîne d’extrême-droite TV Libertés. Mais c’est bien un média « mainstream », l’hebdomadaire Marianne, qui lui aura offert, comme autrefois à Pierre Péan, le plus d’espace. Elle y a signé deux articles : « Attentat contre Habyarimana et génocide rwandais : déconstruction d'une conspiration », en avril 2019, puis « Rwanda : révélations sur les massacres de Bisesero », en décembre de la même année.

Dans un autre article paru en septembre 2020 sous la plume d’Alain Léauthier, « conseiller éditorial » de l’hebdomadaire, Marianne volait au secours de Judi Rever, dont la participation à un colloque au Sénat avait scandalisé ceux qu’Alain Léauthier qualifie « d’experts autoproclamés de la tragédie rwandaise […] gardiens d’une stricte orthodoxie élaborée à Kigali ». Toujours sous la plume d’Alain Léauthier, Judi Rever avait bénéficié d’un papier dithyrambique pour faire la promotion de son livre L’éloge du sang.

Sollicité par Conspiracy Watch, Alain Léauthier assume : « Marianne a effectivement ouvert ses colonnes à Judi Rever, soit sous forme de tribune (et donc avec ce statut), soit à l'occasion de la publication de l'édition française de son ouvrage "In Praise of Blood" (« L’éloge du sang » – ndlr). Si, selon votre formule, de "nombreux spécialistes l'ont accusé de présenter une version révisionniste du génocide", beaucoup d'autres ne sont pas du tout de cet avis et ont au contraire salué son travail, fruit de nombreuses années d'enquête. » Pourtant, à y regarder de plus près, la fameuse enquête de Judi Rever repose bel et bien sur du sable.

Un rapport « top secret »

Dans un entretien accordé à RFI en juin 2018, la Canadienne affirme que « les commandos du FPR ont infiltré dans les mois avant le génocide les milices Interahamwe et d’autres milices et ont participé directement au massacre des Tutsis ». Pour le prouver, elle s’appuie sur un rapport confidentiel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui lui aurait été fourni par des sources anonymes. Un document qu’elle ne reproduit pas dans l’édition anglaise de son livre, prétextant être sous le coup de menaces provenant de l’actuel régime rwandais.

Ce rapport, que Marianne avait publié dès 2018, est aussi reproduit en annexes de l’édition française du livre de Rever que Conspiracy Watch a pu consulter. Ce document classé « top secret », comme le sont de nombreux documents du TPIR pour des raisons de procédure, examine les allégations de crimes commis par le FPR en 1994, rapporte des témoignages et formule des hypothèses sans pour autant tirer de conclusions claires et définitives.

En-tête du Rapport général sur les enquêtes spéciales concernant les crimes commis par l'Armée patriotique rwandaise (APR) en 1994 (source : L'éloge du sang, Max Milo, 2020).

« Ici, la malhonnêteté intellectuelle consiste à isoler ce rapport de son contexte et du reste des enquêtes, en ignorant toute la documentation du TPIR, qui est vertigineuse. On parle de centaines de milliers de documents », nuance Théo Englebert. « La seule conclusion qu’on peut en tirer, c’est que les enquêteurs ont simplement envisagé la piste de possibles crimes commis par le FPR. Or, le procureur Hassan Boubacar Jallow s’était ensuite exprimé pour dire l’exact opposé de ce que dit Rever, à savoir qu’il ne disposait tout simplement pas d’éléments probants pour établir la réalité de ces supposés crimes du FPR. »

Judi Rever explique ensuite à RFI que « beaucoup de soldats et officiers [...] m’ont dit qu’au moins 500 000 Hutus civils ont été massacrés par les forces de l’APR [la branche armée du FPR – ndlr] durant le génocide et les deux années après ». Des massacres qu’elle qualifie de « génocide ».

« Au Congo, il y a eu des crimes de guerre, des exécutions, voire des massacres, c’est indéniable », continue Théo Englebert. « Mais il n’y a jamais eu la moindre volonté génocidaire du côté du FPR. Cette idée d’un "double génocide" est une aberration absolue et elle est contredite par les faits. Il est important de rappeler que l’écrasante majorité des dizaines de milliers de victimes Hutus au Congo sont mortes de faim ou de maladies et qu’elles avaient les fusils des génocidaires pointés dans le dos. Ces derniers captaient l’essentiel de l’aide humanitaire, confisquaient la nourriture et se servaient de ces personnes comme boucliers humains. »

« Des salauds face à d'autres salauds »

La version alternative de Judi Rever fait étrangement écho au récit qu’avait livré sur France Inter Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne, en mars 2018 : « Il est nécessaire de regarder en face ce qui s'est passé à ce moment-là et qui n'a rien finalement d'une distinction entre des méchants et des gentils », avait lâché l’actuelle directrice de la rédaction de Marianne. « Malheureusement, on est typiquement dans le genre de cas où on avait des salauds face à d'autres salauds. »

Ces propos font l’objet d’une plainte déposée par l’association de rescapés du génocide Ibuka pour « contestation de l’existence de crime contre l’humanité ». Natacha Polony a automatiquement été renvoyée devant le  tribunal correctionnel de Paris et, selon nos informations, le procureur a requis le non-lieu (dans l'extrait concerné, elle convient, s'agissant du génocide, qu'« hélas, la France a sans doute participé à cela »). En septembre dernier, Ibuka avait dénoncé « l’obsession pour la réécriture et la falsification de l’histoire du génocide commis contre les Tutsi au Rwanda » de Marianne.

« Natacha Polony ne s'est aucunement livrée à une quelconque forme de "négationnisme" », assure Alain Léauthier. « Concernant le Rwanda, Marianne n'a pas de "ligne" ou plutôt une seule : restituer les faits, tenter de comprendre les multiples ressorts ayant abouti à une telle catastrophe, les mettre en perspective et ne pas se contenter des vérités de tel ou tel "camp". »

« Certains habitués des polémiques sur le génocide rwandais relaient effectivement purement et simplement la propagande du régime de Kigali auquel ils sont liés d'une manière ou d'une autre », ajoute le « conseiller éditorial » de Marianne. « Mais contrairement à eux, Marianne ne se livre pas à une chasse aux sorcières à l'égard de ceux dont nous ne partageons pas les "engagements". » Dans un article publié en septembre 2020, Marianne accusait néanmoins sans preuves Jean-François Dupaquier d’être un « journaliste-militant pro-FPR », suspect pour avoir « la double nationalité ». Le journaliste et ancien expert du TPIR n’a pourtant aucun mal à admettre, par exemple, que « certains opposants au régime de Kigali ont été assassinés. C’est une évidence ». Sûrement un simple accident de parcours de la part de Marianne, pas une « chasse aux sorcières ».

Mise à jour (09/06/2022) : L’association de soutien aux victimes du génocide rwandais Ibuka avait porté plainte avec constitution de partie civile contre Natacha Polony pour contestation du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 en raison de ses propos tenus sur France Inter en mars 2018. Le Mrap et la Communauté rwandaise de France l’ont rejointe sur le banc des parties civiles. Le procureur avait requis le non-lieu, comme l'avait écrit Conspiracy Watch en février 2021. Natacha Polony a finalement été relaxée le 20 mai 2022. Le tribunal judiciaire de Paris estimant que voir « une contestation de l'existence du génocide » dans les propos de la rédactrice en chef de l'hebdomadaire Marianne relevait d'une « extrapolation des propos en cause ». « Le tribunal envoie le message que les historiens, les chercheurs, peuvent travailler, s'exprimer sur ce qui s'est passé (au Rwanda), approfondir la situation sans être menacés d'une procédure judiciaire », a-t-elle réagi auprès de l'AFP.

 

Voir aussi :

La pensée conspirationniste dans le génocide des Tutsi

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Judi Rever (capture d'écran YouTube/TV Libertés, 05/10/2020).

Plus de vingt-cinq ans après le génocide des Tutsi au Rwanda, certaines voix tentent toujours de réécrire l’histoire. Il y eut autrefois Pierre Péan, qui fustigeait dans son brûlot Noires fureurs, blancs menteurs (Fayard, 2005) « la culture du mensonge et de la dissimulation » des Tutsi qui auraient fabriqué de toutes pièces le « récit officiel ». Il y a désormais la Canadienne Judi Rever, ex-correspondante en Afrique pour RFI puis l’AFP.

Elle est l’autrice d’un ouvrage intitulé L’éloge du sang paru chez Max Milo en septembre 2020. Une enquête que Fayard avait renoncé à publier en 2019. Sa thèse est relativement simple : le Front patriotique rwandais (FPR, parti politique de l’actuel président rwandais Paul Kagamé qui avait renversé le régime génocidaire) aurait lui-même participé au génocide des Tutsi afin de prendre le pouvoir, avant de commettre un deuxième génocide en massacrant cette fois-ci les réfugiés hutu au Congo.

« Ce que fait Judi Rever, à l’image de Pierre Péan avant elle, alimente un type de racisme spécifique qui se rapproche de l’antisémitisme moderne. Cela consiste à prêter au FPR, assimilé aux Tutsi en général, une puissance démesurée qui se traduit notamment par une capacité d’infiltration et de conspiration folle. Comme si Kagame était à la tête d’une sorte de Mossad ou de CIA alors qu’il dirige en fait un pays plutôt pauvre », explique Théo Englebert, journaliste indépendant spécialiste du génocide des Tutsi. « Judi Rever ne se contente pas de reprendre des poncifs éculés, conçus par les génocidaires eux-mêmes après le génocide. Elle va plus loin et tente de valider les accusations en miroir matraquées à la population rwandaise pendant les années qui ont précédé le génocide, accusations selon lesquelles le FPR était lui-même animé d’une volonté exterminatrice. »

Marianne contre « l’orthodoxie » de Kigali

À l’entendre, Judi Rever est détentrice d’une vérité que des forces obscures chercheraient à enterrer. Dans une interview donnée en novembre 2019 au Média – site « alternatif » proche de la France insoumise et déjà épinglé pour son confusionnisme sur la Syrie ou la Shoah –, elle assure que les éditions Fayard auraient ainsi subi une pression « des lobby-pro FPR en France » et de « lobbys israéliens » pour ne pas publier son livre.

Un mois plus tôt, Judi Rever déroulait le même récit à l’autre extrémité du spectre politique, sur le plateau de  la chaîne d’extrême-droite TV Libertés. Mais c’est bien un média « mainstream », l’hebdomadaire Marianne, qui lui aura offert, comme autrefois à Pierre Péan, le plus d’espace. Elle y a signé deux articles : « Attentat contre Habyarimana et génocide rwandais : déconstruction d'une conspiration », en avril 2019, puis « Rwanda : révélations sur les massacres de Bisesero », en décembre de la même année.

Dans un autre article paru en septembre 2020 sous la plume d’Alain Léauthier, « conseiller éditorial » de l’hebdomadaire, Marianne volait au secours de Judi Rever, dont la participation à un colloque au Sénat avait scandalisé ceux qu’Alain Léauthier qualifie « d’experts autoproclamés de la tragédie rwandaise […] gardiens d’une stricte orthodoxie élaborée à Kigali ». Toujours sous la plume d’Alain Léauthier, Judi Rever avait bénéficié d’un papier dithyrambique pour faire la promotion de son livre L’éloge du sang.

Sollicité par Conspiracy Watch, Alain Léauthier assume : « Marianne a effectivement ouvert ses colonnes à Judi Rever, soit sous forme de tribune (et donc avec ce statut), soit à l'occasion de la publication de l'édition française de son ouvrage "In Praise of Blood" (« L’éloge du sang » – ndlr). Si, selon votre formule, de "nombreux spécialistes l'ont accusé de présenter une version révisionniste du génocide", beaucoup d'autres ne sont pas du tout de cet avis et ont au contraire salué son travail, fruit de nombreuses années d'enquête. » Pourtant, à y regarder de plus près, la fameuse enquête de Judi Rever repose bel et bien sur du sable.

Un rapport « top secret »

Dans un entretien accordé à RFI en juin 2018, la Canadienne affirme que « les commandos du FPR ont infiltré dans les mois avant le génocide les milices Interahamwe et d’autres milices et ont participé directement au massacre des Tutsis ». Pour le prouver, elle s’appuie sur un rapport confidentiel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui lui aurait été fourni par des sources anonymes. Un document qu’elle ne reproduit pas dans l’édition anglaise de son livre, prétextant être sous le coup de menaces provenant de l’actuel régime rwandais.

Ce rapport, que Marianne avait publié dès 2018, est aussi reproduit en annexes de l’édition française du livre de Rever que Conspiracy Watch a pu consulter. Ce document classé « top secret », comme le sont de nombreux documents du TPIR pour des raisons de procédure, examine les allégations de crimes commis par le FPR en 1994, rapporte des témoignages et formule des hypothèses sans pour autant tirer de conclusions claires et définitives.

En-tête du Rapport général sur les enquêtes spéciales concernant les crimes commis par l'Armée patriotique rwandaise (APR) en 1994 (source : L'éloge du sang, Max Milo, 2020).

« Ici, la malhonnêteté intellectuelle consiste à isoler ce rapport de son contexte et du reste des enquêtes, en ignorant toute la documentation du TPIR, qui est vertigineuse. On parle de centaines de milliers de documents », nuance Théo Englebert. « La seule conclusion qu’on peut en tirer, c’est que les enquêteurs ont simplement envisagé la piste de possibles crimes commis par le FPR. Or, le procureur Hassan Boubacar Jallow s’était ensuite exprimé pour dire l’exact opposé de ce que dit Rever, à savoir qu’il ne disposait tout simplement pas d’éléments probants pour établir la réalité de ces supposés crimes du FPR. »

Judi Rever explique ensuite à RFI que « beaucoup de soldats et officiers [...] m’ont dit qu’au moins 500 000 Hutus civils ont été massacrés par les forces de l’APR [la branche armée du FPR – ndlr] durant le génocide et les deux années après ». Des massacres qu’elle qualifie de « génocide ».

« Au Congo, il y a eu des crimes de guerre, des exécutions, voire des massacres, c’est indéniable », continue Théo Englebert. « Mais il n’y a jamais eu la moindre volonté génocidaire du côté du FPR. Cette idée d’un "double génocide" est une aberration absolue et elle est contredite par les faits. Il est important de rappeler que l’écrasante majorité des dizaines de milliers de victimes Hutus au Congo sont mortes de faim ou de maladies et qu’elles avaient les fusils des génocidaires pointés dans le dos. Ces derniers captaient l’essentiel de l’aide humanitaire, confisquaient la nourriture et se servaient de ces personnes comme boucliers humains. »

« Des salauds face à d'autres salauds »

La version alternative de Judi Rever fait étrangement écho au récit qu’avait livré sur France Inter Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne, en mars 2018 : « Il est nécessaire de regarder en face ce qui s'est passé à ce moment-là et qui n'a rien finalement d'une distinction entre des méchants et des gentils », avait lâché l’actuelle directrice de la rédaction de Marianne. « Malheureusement, on est typiquement dans le genre de cas où on avait des salauds face à d'autres salauds. »

Ces propos font l’objet d’une plainte déposée par l’association de rescapés du génocide Ibuka pour « contestation de l’existence de crime contre l’humanité ». Natacha Polony a automatiquement été renvoyée devant le  tribunal correctionnel de Paris et, selon nos informations, le procureur a requis le non-lieu (dans l'extrait concerné, elle convient, s'agissant du génocide, qu'« hélas, la France a sans doute participé à cela »). En septembre dernier, Ibuka avait dénoncé « l’obsession pour la réécriture et la falsification de l’histoire du génocide commis contre les Tutsi au Rwanda » de Marianne.

« Natacha Polony ne s'est aucunement livrée à une quelconque forme de "négationnisme" », assure Alain Léauthier. « Concernant le Rwanda, Marianne n'a pas de "ligne" ou plutôt une seule : restituer les faits, tenter de comprendre les multiples ressorts ayant abouti à une telle catastrophe, les mettre en perspective et ne pas se contenter des vérités de tel ou tel "camp". »

« Certains habitués des polémiques sur le génocide rwandais relaient effectivement purement et simplement la propagande du régime de Kigali auquel ils sont liés d'une manière ou d'une autre », ajoute le « conseiller éditorial » de Marianne. « Mais contrairement à eux, Marianne ne se livre pas à une chasse aux sorcières à l'égard de ceux dont nous ne partageons pas les "engagements". » Dans un article publié en septembre 2020, Marianne accusait néanmoins sans preuves Jean-François Dupaquier d’être un « journaliste-militant pro-FPR », suspect pour avoir « la double nationalité ». Le journaliste et ancien expert du TPIR n’a pourtant aucun mal à admettre, par exemple, que « certains opposants au régime de Kigali ont été assassinés. C’est une évidence ». Sûrement un simple accident de parcours de la part de Marianne, pas une « chasse aux sorcières ».

Mise à jour (09/06/2022) : L’association de soutien aux victimes du génocide rwandais Ibuka avait porté plainte avec constitution de partie civile contre Natacha Polony pour contestation du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 en raison de ses propos tenus sur France Inter en mars 2018. Le Mrap et la Communauté rwandaise de France l’ont rejointe sur le banc des parties civiles. Le procureur avait requis le non-lieu, comme l'avait écrit Conspiracy Watch en février 2021. Natacha Polony a finalement été relaxée le 20 mai 2022. Le tribunal judiciaire de Paris estimant que voir « une contestation de l'existence du génocide » dans les propos de la rédactrice en chef de l'hebdomadaire Marianne relevait d'une « extrapolation des propos en cause ». « Le tribunal envoie le message que les historiens, les chercheurs, peuvent travailler, s'exprimer sur ce qui s'est passé (au Rwanda), approfondir la situation sans être menacés d'une procédure judiciaire », a-t-elle réagi auprès de l'AFP.

 

Voir aussi :

La pensée conspirationniste dans le génocide des Tutsi

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à propos de l'auteur
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Élie Guckert
Élie Guckert est journaliste indépendant. Il a collaboré avec Mediapart, Disclose, Bellingcat, Slate, Street Press et Conspiracy Watch. Il est l'auteur de Comment Poutine a conquis nos cerveaux, dix ans de propagande russe en France (Plon, 2023).
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