Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Conspirationnisme : Tariq Ramadan assume

Publié par La Rédaction27 juillet 2014

Un rapport embarrassant pour les Etats-Unis, de prétendues « zones d'ombres » montées en épingle, des informations non vérifiées ou sorties de leur contexte, le tout énoncé sur un ton péremptoire et sarcastique : Tariq Ramadan est passé maître dans l'art de la théorie du complot.

Capture d'écran Facebook/Tariq Ramadan, 21 juillet 2014 (cliquer sur l'image pour l'agrandir).

« Attention "conspirationnisme" dangereux » : c'est le titre d'un texte de 1500 signes mis en ligne sur les réseaux sociaux par Tariq Ramadan lundi 21 juillet. L'islamologue suisse y qualifie d'« accablant » un rapport publié le même jour par Human Rights Watch (HRW) sur les pratiques américaines en matière de lutte antiterroriste. Evidemment, personne ne peut sérieusement accuser HRW d’entretenir « les délires conspirationnistes », et Ramadan prend bien soin de le souligner. Sauf que ce rapport n’accuse à aucun moment le gouvernement américain d’avoir été à l'initiative de véritables attentats terroristes comme le suggère Ramadan qui n'hésite pas, dans son articulet, à établir un lien entre les pratiques douteuses dénoncées par HRW et... l'affaire Merah !

En faisant référence à l'enquête d'un « journaliste italien de la Stampa » sur les « zones d'ombres » des meurtres de Toulouse et Montauban, Ramadan laisse en effet entendre que le jeune djihadiste n’aurait été qu’une créature des services de renseignement français. C'est la thèse qu'avait avancé, à l'époque - et, rappelons-le, sur la base d’une source anonyme -, un journaliste italien qui, d'ailleurs ne travaillait pas à La Stampa, comme l’écrit par erreur Ramadan, mais à Il Foglio. Une thèse qui a fait long feu depuis qu'ont été rendus publics, en juillet 2012, les échanges de Mohamed Merah avec les forces de l'ordre lors du siège de son appartement (1).

Mais Ramadan ne s’arrête pas en si bon chemin. Pour lui, ce n’est pas seulement le terrorisme, et singulièrement le terrorisme islamiste, qui serait ainsi « fabriqué ». L’antisémitisme aussi serait, selon lui, l'objet de toutes les manipulations.

Que nous dit-il ? Que les slogans antisémites entendus à l’occasion des manifestations pro-palestiniennes organisées au cours des derniers jours pourraient bien avoir été proférés... par de faux manifestants infiltrés, voire par « des groupuscules étrangers, types LDJ » (2). Mieux, les propos à caractère antisémite publiés sur le web proviendraient pour l'essentiel d'une vaste campagne d'intoxication mondiale orchestrée par des officines opérant « depuis Israël et ailleurs » afin de discréditer les sites pro-palestiniens. Et Ramadan de dénoncer, pour terminer, « les vrais conspirateurs et comploteurs des USA, d'Israël ou d'ailleurs ».

En mai dernier, Tariq Ramadan avait soutenu que le caractère antisémite de la tuerie de Bruxelles ne pourrait relever que d’une «manœuvre de diversion» et demandait à ce qu’on cesse «de nous prendre pour des imbéciles». Là encore, l’islamologue avait recyclé le matériel qui essaimait sur la complosphère pour transformer deux des quatre victimes de l’attentat en agents des «services secrets israéliens» et faire de ce drame un épisode d'une guerre larvée entre services de renseignement. C’était avant que l’identité du principal suspect, le djihadiste Medhi Nemmouche, ne soit découverte.

 

Notes :
(1) Entre le 22 et le 26 mars 2012, le journaliste italien Daniele Raineri publie dans Il Foglio une série d’articles intitulés respectivement « Le meurtrier de masse français d'Al-Qaïda est une opération des services secrets qui a mal tourné », « Combien y avait-il de choses que les services de renseignement français "ne savaient pas" à propos de leur homme à Toulouse ? », et « Le meurtrier de masse de Toulouse voyageait à l’étranger avec une couverture des services ». Selon lui, Merah était un indic et voyageait à l’étranger probablement sous couverture de la DGSE. Les services de renseignements français auraient aidé Merah à infiltrer des réseaux terroristes avant que ce dernier n'échappe à leur contrôle. Ces « révélations » – que la DGSE qualifiera de « grotesques » – sont reprises dès le 27 mars par de nombreux titres de presse comme Slate.fr, Les Inrocks et Arrêt sur images. La traduction en français d’un article de Raineri est également publiée sur le site de Courrier International. La vérité est que Merah a bien été placé sous surveillance, et convoqué par la DCRI le 14 novembre 2011, peu après son retour du Pakistan, pour s'expliquer sur ses séjours au Moyen-Orient ; toutefois, les journalistes Eric Pelletier et Jean-Marie Pontaut (L’Express) rapportent dans leur livre, Affaire Merah, l'enquête (éd. Michel Lafon, 2012, pp. 205-206), que leurs investigations ne corroborent pas les allégations de Daniele Raineri, et soulignent que celles-ci reposent depuis le début sur des sources sur lesquelles Raineri n’a, du reste, jamais accepté de communiquer.
(2) Ligue de Défense Juive, groupuscule juif extrémiste actif en région parisienne (lire « Au fait, c’est quoi, la Ligue de défense juive ? », LeMonde.fr, 23 juillet 2014).

 

Voir aussi :

Tuerie de Bruxelles : ils crient au complot

Terrorisme : pour Tariq Ramadan, il est urgent de questionner les services de renseignement

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Un rapport embarrassant pour les Etats-Unis, de prétendues « zones d'ombres » montées en épingle, des informations non vérifiées ou sorties de leur contexte, le tout énoncé sur un ton péremptoire et sarcastique : Tariq Ramadan est passé maître dans l'art de la théorie du complot.

Capture d'écran Facebook/Tariq Ramadan, 21 juillet 2014 (cliquer sur l'image pour l'agrandir).

« Attention "conspirationnisme" dangereux » : c'est le titre d'un texte de 1500 signes mis en ligne sur les réseaux sociaux par Tariq Ramadan lundi 21 juillet. L'islamologue suisse y qualifie d'« accablant » un rapport publié le même jour par Human Rights Watch (HRW) sur les pratiques américaines en matière de lutte antiterroriste. Evidemment, personne ne peut sérieusement accuser HRW d’entretenir « les délires conspirationnistes », et Ramadan prend bien soin de le souligner. Sauf que ce rapport n’accuse à aucun moment le gouvernement américain d’avoir été à l'initiative de véritables attentats terroristes comme le suggère Ramadan qui n'hésite pas, dans son articulet, à établir un lien entre les pratiques douteuses dénoncées par HRW et... l'affaire Merah !

En faisant référence à l'enquête d'un « journaliste italien de la Stampa » sur les « zones d'ombres » des meurtres de Toulouse et Montauban, Ramadan laisse en effet entendre que le jeune djihadiste n’aurait été qu’une créature des services de renseignement français. C'est la thèse qu'avait avancé, à l'époque - et, rappelons-le, sur la base d’une source anonyme -, un journaliste italien qui, d'ailleurs ne travaillait pas à La Stampa, comme l’écrit par erreur Ramadan, mais à Il Foglio. Une thèse qui a fait long feu depuis qu'ont été rendus publics, en juillet 2012, les échanges de Mohamed Merah avec les forces de l'ordre lors du siège de son appartement (1).

Mais Ramadan ne s’arrête pas en si bon chemin. Pour lui, ce n’est pas seulement le terrorisme, et singulièrement le terrorisme islamiste, qui serait ainsi « fabriqué ». L’antisémitisme aussi serait, selon lui, l'objet de toutes les manipulations.

Que nous dit-il ? Que les slogans antisémites entendus à l’occasion des manifestations pro-palestiniennes organisées au cours des derniers jours pourraient bien avoir été proférés... par de faux manifestants infiltrés, voire par « des groupuscules étrangers, types LDJ » (2). Mieux, les propos à caractère antisémite publiés sur le web proviendraient pour l'essentiel d'une vaste campagne d'intoxication mondiale orchestrée par des officines opérant « depuis Israël et ailleurs » afin de discréditer les sites pro-palestiniens. Et Ramadan de dénoncer, pour terminer, « les vrais conspirateurs et comploteurs des USA, d'Israël ou d'ailleurs ».

En mai dernier, Tariq Ramadan avait soutenu que le caractère antisémite de la tuerie de Bruxelles ne pourrait relever que d’une «manœuvre de diversion» et demandait à ce qu’on cesse «de nous prendre pour des imbéciles». Là encore, l’islamologue avait recyclé le matériel qui essaimait sur la complosphère pour transformer deux des quatre victimes de l’attentat en agents des «services secrets israéliens» et faire de ce drame un épisode d'une guerre larvée entre services de renseignement. C’était avant que l’identité du principal suspect, le djihadiste Medhi Nemmouche, ne soit découverte.

 

Notes :
(1) Entre le 22 et le 26 mars 2012, le journaliste italien Daniele Raineri publie dans Il Foglio une série d’articles intitulés respectivement « Le meurtrier de masse français d'Al-Qaïda est une opération des services secrets qui a mal tourné », « Combien y avait-il de choses que les services de renseignement français "ne savaient pas" à propos de leur homme à Toulouse ? », et « Le meurtrier de masse de Toulouse voyageait à l’étranger avec une couverture des services ». Selon lui, Merah était un indic et voyageait à l’étranger probablement sous couverture de la DGSE. Les services de renseignements français auraient aidé Merah à infiltrer des réseaux terroristes avant que ce dernier n'échappe à leur contrôle. Ces « révélations » – que la DGSE qualifiera de « grotesques » – sont reprises dès le 27 mars par de nombreux titres de presse comme Slate.fr, Les Inrocks et Arrêt sur images. La traduction en français d’un article de Raineri est également publiée sur le site de Courrier International. La vérité est que Merah a bien été placé sous surveillance, et convoqué par la DCRI le 14 novembre 2011, peu après son retour du Pakistan, pour s'expliquer sur ses séjours au Moyen-Orient ; toutefois, les journalistes Eric Pelletier et Jean-Marie Pontaut (L’Express) rapportent dans leur livre, Affaire Merah, l'enquête (éd. Michel Lafon, 2012, pp. 205-206), que leurs investigations ne corroborent pas les allégations de Daniele Raineri, et soulignent que celles-ci reposent depuis le début sur des sources sur lesquelles Raineri n’a, du reste, jamais accepté de communiquer.
(2) Ligue de Défense Juive, groupuscule juif extrémiste actif en région parisienne (lire « Au fait, c’est quoi, la Ligue de défense juive ? », LeMonde.fr, 23 juillet 2014).

 

Voir aussi :

Tuerie de Bruxelles : ils crient au complot

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