Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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11-Septembre : Chomsky souffle le chaud et le froid

Publié par La Rédaction13 novembre 2010

Les propos ambigus tenus récemment par Noam Chomsky concernant les attentats du 11-Septembre ont été accueillis comme une divine surprise par l’ensemble du web conspirationniste. Nous avons voulu en savoir plus en interrogeant directement l’intéressé…

Noam Chomsky (capture d'écran Press TV).

Le 1er novembre dernier, le professeur Noam Chomsky accorde une interview à la chaîne satellitaire iranienne Press TV à propos de la guerre en Afghanistan qu’il juge « illégale » et « criminelle ». Il déclare que les Américains sont intervenus militairement en Afghanistan sans apporter aucune « preuve » de l’implication d’Al Qaïda dans les attentats du 11-Septembre, « parce qu’ils n’en avaient pas ». Deux jours plus tard, Press TV met en ligne sur son site la transcription des propos de Chomsky.

Le 6 novembre, l’info est reprise sur le site d’Alex Jones, dont l’article sera rapidement traduit et publié sur celui de l’association ReOpen911 sous le titre : « Noam Chomsky : Aucune preuve qu’al-Qaïda a perpétré les attentats du 11-Septembre ». Le 7 novembre, Oumma.com relaie lui aussi la nouvelle sous la plume d'Hicham Hamza. Le 10 novembre, le site d’Égalité & Réconciliation, l’association rouge-brune d’Alain Soral titre triomphalement : « Chomsky doute enfin sur le 11 septembre ! »

Les propos de Noam Chomsky ont mis en émoi toute la « complosphère » antisioniste et antiaméricaine, trop heureuse de pouvoir se réclamer de la caution d’un grand intellectuel américain – d’origine juive de surcroît. D’aucuns croient pouvoir enrôler de force Noam Chomsky, comme d’autres avant lui, dans leur croisade révisionniste. Mais que pense vraiment Noam Chomsky et surtout, qu’a-t-il voulu dire ?

Contacté par Conspiracy Watch, le linguiste nous fait part de son incompréhension, confiant qu’il s’est borné à répéter ce qu’il avait écrit en 2001 et 2002. Craignant qu’ils ne soient à nouveau déformés, il ne souhaite pas que nos échanges, qui tiennent en 10 e-mails, soient diffusés sur la Toile (1). Afin de respecter la confidentialité voulue par Noam Chomsky, nous ne reproduirons donc pas ses propos. Nous nous bornerons à témoigner qu’il ne voit pas en quoi ses dernières déclarations divergeraient de ce qu’il a déjà écrit par le passé, il y a 8 ou 9 ans de cela, qu'il ne se reconnaît pas non plus dans les thèses du Mouvement pour la Vérité sur le 11-Septembre, et qu'il continue de penser qu’il n’y a pas, à l’heure actuelle, de scénario alternatif crédible en dehors de la version officielle.

Les clarifications qui nous ont été apportées échouent cependant à dissiper complètement le malaise que l’on peut raisonnablement éprouver face aux propos de Chomsky. Ce qui laisse songeur, tout d’abord, c’est de voir le théoricien de la « fabrication du consentement », le pourfendeur de la « propagande médiatique en démocratie », accorder une interview à Press TV, un vecteur de désinformation créé dans le seul but de relayer une propagande d’Etat. Faut-il rappeler que Press TV est contrôlée par un régime qui jette en prison les journalistes et les blogueurs s’avisant de s’exprimer librement ?

Autre motif de malaise : tout se passe comme si Noam Chomsky cherchait à flatter ceux de son auditoire qui ont basculé dans la théorie du complot sur le 11-Septembre. Ils ne s’y sont pas trompés d’ailleurs. A tout le moins, on a le sentiment qu'il tente de ménager la chèvre et le chou.

Du reste, l’attitude de Noam Chomsky pendant nos échanges nous a donné l’impression qu’il se retranchait derrière ses écrits passés et n'acceptait pas de reconnaître la dimension problématique de ses propos. Interrogé au sujet de l’enregistrement de novembre 2001 dans lequel Ben Laden évoque la préparation des attentats, un enregistrement que le journal en langue arabe Al-Hayat considère comme une « une preuve solide » (2), Chomsky l’écarte comme une preuve insuffisante à ses yeux, sans plus de précision. Rappelons que cet enregistrement est considéré par les adeptes de la thèse du « complot américain » comme un « faux grossier » produit par la CIA…

Les preuves indiquant qu’Al Qaïda est bel et bien responsable des attentats sont pourtant nombreuses. Parmi elles, les pièces du dossier du procès de Zacarias Moussaoui ou encore les enregistrements dans lesquels non seulement Oussama Ben Laden mais aussi Ayman Al Zawahiri ont revendiqué les attentats et/ou ont fait part de leurs intentions.

Quant à la position des autorités américaines à ce sujet, elle est sans équivoque. Ainsi le directeur du FBI, Robert Mueller, a-t-il déclaré, devant une commission du Sénat américain, en février 2003, que « le réseau terroriste Al Qaïda dirigé par Oussama Ben Laden est clairement la menace la plus urgente pesant sur les intérêts américains » et que « la preuve du lien entre Al Qaïda et les attentats du 11-Septembre est claire et irréfutable ». On se reportera également aux déclarations du porte-parole officiel du FBI, Richard J. Kolko, commentant en novembre 2007 un enregistrement audio d’Oussama Ben Laden rendu public par la chaîne Al-Jazeera : « Comme l'a dit le FBI depuis le 11-Septembre, Ben Laden était le responsable de l'attaque... dans ce dernier enregistrement, il a de nouveau reconnu sa responsabilité. Cela devrait aider tous les théoriciens du complot à comprendre, une fois de plus, que l'attaque du 11-Septembre a été perpétrée par Ben Laden et Al-Qaïda ».

Dans sa résolution 1214 du 8 décembre 1998, le Conseil de sécurité de l’ONU exigeait, déjà, « que les Taliban cessent d'offrir un refuge et un entraînement aux terroristes internationaux et à leurs organisations, et que toutes les factions afghanes secondent l'action entreprise pour traduire en justice les personnes accusées de terrorisme ». Dans une autre résolution, datée du 19 décembre 2000, le Conseil de sécurité décidait de geler les actifs financiers d’Al Qaïda. Dix mois avant les attentats, l’organe exécutif des Nations-unies – où siègent la Chine et la Russie avec droit de veto – indiquait explicitement « que les Taliban continuent de donner refuge à Oussama Ben Laden [lui permettant], ainsi qu’à ses associés, de diriger un réseau de camps d’entraînement de terrorisme à partir du territoire tenu par eux et de se servir de l’Afghanistan comme base pour mener des opérations terroristes internationales ».

 

Notes :
(1) Propos recueillis par échanges de courriers électroniques dans la semaine du 8 novembre 2010.
(2) " Bin Laden on tape: Attacks 'benefited Islam greatly' ", CNN.com, December 14, 2001.

 

Voir aussi :

Extraits : Noam Chomsky, L’ivresse de la force

 

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Noam Chomsky (capture d'écran Press TV).

Le 1er novembre dernier, le professeur Noam Chomsky accorde une interview à la chaîne satellitaire iranienne Press TV à propos de la guerre en Afghanistan qu’il juge « illégale » et « criminelle ». Il déclare que les Américains sont intervenus militairement en Afghanistan sans apporter aucune « preuve » de l’implication d’Al Qaïda dans les attentats du 11-Septembre, « parce qu’ils n’en avaient pas ». Deux jours plus tard, Press TV met en ligne sur son site la transcription des propos de Chomsky.

Le 6 novembre, l’info est reprise sur le site d’Alex Jones, dont l’article sera rapidement traduit et publié sur celui de l’association ReOpen911 sous le titre : « Noam Chomsky : Aucune preuve qu’al-Qaïda a perpétré les attentats du 11-Septembre ». Le 7 novembre, Oumma.com relaie lui aussi la nouvelle sous la plume d'Hicham Hamza. Le 10 novembre, le site d’Égalité & Réconciliation, l’association rouge-brune d’Alain Soral titre triomphalement : « Chomsky doute enfin sur le 11 septembre ! »

Les propos de Noam Chomsky ont mis en émoi toute la « complosphère » antisioniste et antiaméricaine, trop heureuse de pouvoir se réclamer de la caution d’un grand intellectuel américain – d’origine juive de surcroît. D’aucuns croient pouvoir enrôler de force Noam Chomsky, comme d’autres avant lui, dans leur croisade révisionniste. Mais que pense vraiment Noam Chomsky et surtout, qu’a-t-il voulu dire ?

Contacté par Conspiracy Watch, le linguiste nous fait part de son incompréhension, confiant qu’il s’est borné à répéter ce qu’il avait écrit en 2001 et 2002. Craignant qu’ils ne soient à nouveau déformés, il ne souhaite pas que nos échanges, qui tiennent en 10 e-mails, soient diffusés sur la Toile (1). Afin de respecter la confidentialité voulue par Noam Chomsky, nous ne reproduirons donc pas ses propos. Nous nous bornerons à témoigner qu’il ne voit pas en quoi ses dernières déclarations divergeraient de ce qu’il a déjà écrit par le passé, il y a 8 ou 9 ans de cela, qu'il ne se reconnaît pas non plus dans les thèses du Mouvement pour la Vérité sur le 11-Septembre, et qu'il continue de penser qu’il n’y a pas, à l’heure actuelle, de scénario alternatif crédible en dehors de la version officielle.

Les clarifications qui nous ont été apportées échouent cependant à dissiper complètement le malaise que l’on peut raisonnablement éprouver face aux propos de Chomsky. Ce qui laisse songeur, tout d’abord, c’est de voir le théoricien de la « fabrication du consentement », le pourfendeur de la « propagande médiatique en démocratie », accorder une interview à Press TV, un vecteur de désinformation créé dans le seul but de relayer une propagande d’Etat. Faut-il rappeler que Press TV est contrôlée par un régime qui jette en prison les journalistes et les blogueurs s’avisant de s’exprimer librement ?

Autre motif de malaise : tout se passe comme si Noam Chomsky cherchait à flatter ceux de son auditoire qui ont basculé dans la théorie du complot sur le 11-Septembre. Ils ne s’y sont pas trompés d’ailleurs. A tout le moins, on a le sentiment qu'il tente de ménager la chèvre et le chou.

Du reste, l’attitude de Noam Chomsky pendant nos échanges nous a donné l’impression qu’il se retranchait derrière ses écrits passés et n'acceptait pas de reconnaître la dimension problématique de ses propos. Interrogé au sujet de l’enregistrement de novembre 2001 dans lequel Ben Laden évoque la préparation des attentats, un enregistrement que le journal en langue arabe Al-Hayat considère comme une « une preuve solide » (2), Chomsky l’écarte comme une preuve insuffisante à ses yeux, sans plus de précision. Rappelons que cet enregistrement est considéré par les adeptes de la thèse du « complot américain » comme un « faux grossier » produit par la CIA…

Les preuves indiquant qu’Al Qaïda est bel et bien responsable des attentats sont pourtant nombreuses. Parmi elles, les pièces du dossier du procès de Zacarias Moussaoui ou encore les enregistrements dans lesquels non seulement Oussama Ben Laden mais aussi Ayman Al Zawahiri ont revendiqué les attentats et/ou ont fait part de leurs intentions.

Quant à la position des autorités américaines à ce sujet, elle est sans équivoque. Ainsi le directeur du FBI, Robert Mueller, a-t-il déclaré, devant une commission du Sénat américain, en février 2003, que « le réseau terroriste Al Qaïda dirigé par Oussama Ben Laden est clairement la menace la plus urgente pesant sur les intérêts américains » et que « la preuve du lien entre Al Qaïda et les attentats du 11-Septembre est claire et irréfutable ». On se reportera également aux déclarations du porte-parole officiel du FBI, Richard J. Kolko, commentant en novembre 2007 un enregistrement audio d’Oussama Ben Laden rendu public par la chaîne Al-Jazeera : « Comme l'a dit le FBI depuis le 11-Septembre, Ben Laden était le responsable de l'attaque... dans ce dernier enregistrement, il a de nouveau reconnu sa responsabilité. Cela devrait aider tous les théoriciens du complot à comprendre, une fois de plus, que l'attaque du 11-Septembre a été perpétrée par Ben Laden et Al-Qaïda ».

Dans sa résolution 1214 du 8 décembre 1998, le Conseil de sécurité de l’ONU exigeait, déjà, « que les Taliban cessent d'offrir un refuge et un entraînement aux terroristes internationaux et à leurs organisations, et que toutes les factions afghanes secondent l'action entreprise pour traduire en justice les personnes accusées de terrorisme ». Dans une autre résolution, datée du 19 décembre 2000, le Conseil de sécurité décidait de geler les actifs financiers d’Al Qaïda. Dix mois avant les attentats, l’organe exécutif des Nations-unies – où siègent la Chine et la Russie avec droit de veto – indiquait explicitement « que les Taliban continuent de donner refuge à Oussama Ben Laden [lui permettant], ainsi qu’à ses associés, de diriger un réseau de camps d’entraînement de terrorisme à partir du territoire tenu par eux et de se servir de l’Afghanistan comme base pour mener des opérations terroristes internationales ».

 

Notes :
(1) Propos recueillis par échanges de courriers électroniques dans la semaine du 8 novembre 2010.
(2) " Bin Laden on tape: Attacks 'benefited Islam greatly' ", CNN.com, December 14, 2001.

 

Voir aussi :

Extraits : Noam Chomsky, L’ivresse de la force

 

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